Maxi

TÉMOIGNAGE «J’essaie de positiver, car cette maladie m’a aussi apporté de grands bonheurs »

Marie-Anne souffrait d’endométrio­se, une maladie féminine encore taboue. Aujourd’hui, ses douleurs ont enfin disparu et elle a décidé d’encourager les autres femmes atteintes.

- Marie-Anne

Si c’était à revivre, je le revivrais car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce qui a rendu mon existence si douloureus­e m’a également apporté des bonheurs très intenses. Jamais je n’aurais pensé pouvoir le dire un jour, mais l’endométrio­se n’a pas été qu’une mauvaise chose pour moi : cela m’a rendue plus profonde, plus heureuse, plus humble, plus positive, plus apte à profiter de la vie, à partager, à aimer… Sans elle, j’aurais eu une autre vie, je serais une autre femme. Personne ne sait ce que la vie lui réserve et, fort heureuseme­nt, c’est ce qui nous permet de mettre notre imaginatio­n en marche pour lutter quand l’on vient à souffrir. À l’adolescenc­e, j’étais loin de penser que mes douleurs menstruell­es me mèneraient jusque-là. Je ne savais même pas ce qu’était l’endométrio­se. Pourtant, dès l’âge de 14 ans, insidieuse­ment, les douleurs se sont accentuées au point de me terrasser, en m’empêchant d’aller en cours et de vivre normalemen­t. À l’époque, très rapidement, il a été décidé de me mettre sous pilule pour me soulager. Seulement, j’ai souffert alors de migraines ophtalmiqu­es et il a fallu arrêter. Et puis il y a eu la crise de trop qui a tout fait basculer. À 21 ans, j’ai subi ma première opération. Et c’est là que l’on m’a dit : « C’est une endométrio­se, peut-être qu’avec l’interventi­on vous n’en entendrez plus parler. » « Ou peut-être pas », aurait mieux fait de préciser le chirurgien ! Car les douleurs étaient toujours là. On avait beau me dire « ça va passer », ça ne passait pas. Et je rechutais, même sous traitement. Lorsque l’on est atteinte d’endométrio­se, rien ne nous est épargné : c’est tout le quotidien qui en subit les effets. Difficile d’avoir une vie sociale et profession­nelle, constammen­t pliée en deux par des douleurs au ventre. Sans compter, bien évidemment, que la vie intime est, elle, encore bien plus compliquée, jusqu’à mettre sa sexualité de côté. À 21 ans, l’âge de l’insoucianc­e, des rêves, de la fête, des rencontres, je me retrouvais en ménopause artificiel­le, avec des bouffées de chaleur, des sautes d’humeurs et des kilos en trop à cause du traitement hormonal. En un an, j’ai pris 30 kg ! Ma relation avec mon premier amour n’y a pas résisté. Entre 21 et 25 ans, j’ai subi plus de dix interventi­ons pour tenter de stopper mes souffrance­s. Je dois être d’un naturel optimiste, car j’ai toujours pensé que les médecins finiraient par me soulager un jour. L’endométrio­se rend aussi un très grand nombre de femmes infertiles. Lorsque j’ai réalisé que je n’aurais peut-être jamais d’enfant, j’ai connu à ce moment-là une période de dépression. Si ma soeur n’avait pas été là pour me pousser à aller voir un psy et en parler, je n’aurais sans doute jamais rencontré Nicolas, mon futur mari, quelque temps plus tard… Un pur coup de foudre ! Très vite nous nous sommes installés ensemble avec le désir de fonder une famille. Avec mon parcours chaotique, nous avons décidé d’entamer une PMA (procréatio­n médicaleme­nt assistée) pour faire une FIV (fécondatio­n in vitro). Et, contre toute attente, j’ai été enceinte naturellem­ent avant la FIV ! Alors que l’endométrio­se rendait une grossesse très compliquée… Ce bonheur a tout changé en moi. Notre petit Paul est entré dans ma vie comme un miracle, qui ne se reproduit pas deux fois. D’ailleurs, lorsque nous avons essayé d’avoir un second enfant, j’ai été prise de douleurs si cauchemard­esques que nous avons fait le choix d’arrêter la PMA en cours. À quoi bon souffrir toujours plus pour, qui sait, peut-être souffrir davantage si la grossesse ne prenait pas ? Nous avions la chance immense d’avoir déjà un enfant. C’est là que j’ai commencé à positiver ce qui m’arrivait. Je me suis donné pour objectif de réaliser tout ce que l’endométrio­se m’empêchait de faire

jusqu’ici : du vélo avec mon fils, partir en voyage, changer de travail, refaire de la danse, du chant… Vivre tout simplement ! Et puis, à 34 ans, le retour de douleurs très intenses a décidé mon chirurgien à pratiquer une hystérecto­mie. Psychologi­quement, cela a été très dur, mais je ne pouvais plus continuer comme ça. Cette interventi­on est une expérience majeure dans la vie d’une femme, d’autant que j’étais encore jeune. Mais j’ai mis au point mes propres astuces pour continuer à me sentir femme malgré tout. J’ai commencé à me sentir soulagée et, l’année passée, j’ai subi une dernière opération des ovaires pour me mettre en ménopause totale et ne plus avoir à souffrir de mes cycles. Depuis un an, l’endométrio­se a disparu, mais il n’y a pas un jour qui passe sans que j’y pense. C’est normal, j’ai vécu 25 ans avec ! Aujourd’hui, je me dis bien sûr que c’est dur, mais ma vie je l’ai construite quand même. Je suis heureuse et à ma place. C’est cet élan vital qui me porte désormais à aider les autres femmes atteintes d’endométrio­se : je veux leur dire que plus le fardeau est lourd, plus on peut positiver et savourer les choses simples de la vie. Par exemple, chaque soir à la maison avec mon mari et mon fils, on joue à trouver les trois choses positives de la journée : une balade, l’appel d’une amie, déguster les délicieux biscuits faits par Nicolas… C’est peu, mais cela rend les journées plus lumineuses ! Positiver, même avec une endométrio­se, c’est remettre du bonheur dans sa vie, briser les tabous, s’exprimer, se sentir moins seule… Ça fait du bien d’en parler. Cette approche est pour moi, aujourd’hui, comme une forme de sagesse que je me dois de relayer, car j’en suis convaincue : embellir nos vies nous rend plus fortes face à l’adversité.

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