Maxi

« À 72 ans, je ne veux pas renoncer à ma vie amoureuse »

Après deux mariages et quelques aventures, Danielle est de nouveau célibatair­e. Elle profite de sa retraite pour faire des rencontres. Et en organiser pour d’autres seniors.

- Danielle

La dernière fois, je crois que c’était au supermarch­é. Je le dis souvent aux copines : pour sentir que l’on plaît ou que l’on intéresse quelqu’un, il suffit parfois juste d’ouvrir les yeux ! J’aime beaucoup aller dans les cafés et observer les gens. Jamais je ne fais le premier pas : draguer ou séduire, je l’avoue, je ne sais pas faire. Malgré tout, je me laisse volontiers approcher. Souvent, je me fais offrir un café et j’entame la discussion, pour voir. Il paraît que je suis encore jolie. Quand je l’entends, je rougis. Mais j’en vois aussi certains, parfois, approcher avec de gros sabots. Et j’ai même reçu des propositio­ns très directes ! Une « partie de jambes en l’air », je n’ai rien contre sur le principe. Mais sans lendemain, non merci… Je veux davantage. J’ai 72 ans et je n’ai pas envie de faire une croix sur l’amour. Je suis certaine que, dans une vie, on peut aimer plusieurs fois. À mon âge, j’ai déjà eu une vie sentimenta­le bien remplie. Je me suis mariée une première fois avec un homme qui m’a donné un fils merveilleu­x. C’était il y a plus d’un demi-siècle, à une époque où l’on se mariait vite pour quitter le giron familial. J’ai épousé mon premier amour à 19 ans et nous avons divorcé dix ans plus tard. Très tôt, j’ai pensé que la vie était trop courte pour vivre malheureus­e. Même si je n’ai pas connu énormément d’hommes, côté coeur, j’ai été gâtée. En effet, la vie m’a réservé quelques surprises. Ainsi, j’ai rencontré sans doute « le » grand amour de ma vie le jour de mon déménageme­nt, après ma première séparation. C’était un copain qui m’avait aidé à transporte­r mes affaires. Auparavant, je n’avais jamais pensé à lui autrement. Cependant, à la fin de la journée, il m’a demandé s’il pouvait me serrer dans ses bras. Nous nous sommes embrassés, comme dans un film. J’en ai encore des frissons aujourd’hui. Nous avons commencé une histoire passionnée qui a duré quarante ans. Il était marié et, contrairem­ent à ce que j’espérais, il n’a pas quitté sa femme pour moi. Pour autant, je n’en garde aucune aigreur. Je préfère conserver les bons souvenirs. J’ai connu au moins une fois dans ma vie l’amour absolu, celui qui rend fou. C’est une chance. Cela ne m’a pas empêchée de me remarier. Et quand je suis devenue veuve, il y a quinze ans, j’ai refusé de me résigner. Je ne me suis pas précipitée dans les bras d’un autre, mais j’ai connu d’autres belles histoires, dont une relation qui a duré quatre ans. J’y ai mis fin quand elle ne m’a plus apporté ce que j’en attendais. Je n’ai pas peur de la solitude. En même temps, je n’aurais rien contre me lover dans de nouveaux bras, à condition que l’histoire soit belle.

Malgré mon âge, j’aspire encore au grand, au vrai bel amour

Rien ne m’attriste plus que d’entendre des femmes de mon âge déclarer que leur vie amoureuse est terminée. Comme je suis très sociable, j’ai même eu l’idée de lancer des « speed dating » pour seniors dans un bar près de chez moi, à Creutzwald, en Lorraine. La première fois, j’ai réuni quarante hommes et femmes de 60 ans et plus, en quête de l’âme soeur. Pour certains, il a fallu traduire et expliquer le concept. Je préfère présenter le principe comme une « journée pour rencontrer l’autre ». Je sépare les hommes et les femmes. Pour préserver l’anonymat de chacun et donner un peu d’élan à certains, j’attribue aux dames des noms de fleurs et des noms d’arbres aux messieurs. C’est quand même plus poétique qu’un numéro ! J’agite un grelot et, toutes les cinq ou six minutes, les hommes se décalent et abordent une autre participan­te. C’est très émouvant de les observer de loin. Parfois, je distille quelques conseils aux candidats. Je recommande notamment aux hommes d’éviter de parler sans cesse : il n’est jamais trop tard pour leur expliquer que les femmes aiment aussi être écoutées. À la fin de la journée, certains vont s’échanger leur numéro de téléphone. L’événement a eu tellement de

succès que j’en suis déjà à ma quatrième édition. Certains sont venus me remercier d’avoir remis un peu de piment, voire d’amour, dans leur vie. On ne peut me faire plus joli compliment ! N’est-ce pas pour cela que nous restons vivants, que nous continuons de vibrer ? Je cherche moi aussi un amour vrai. Il y a autour de moi beaucoup de seniors résignés. J’entends parfois : « Ce n’est plus de mon âge » ou « Je n’ai plus envie ». Je refuse d’y croire. Je ne milite pas pour la vie de couple à tout prix, mais j’invite mes copines à profiter des joies et de la liberté que nous offre notre époque. Par ailleurs, il y a aujourd’hui moins de tabous qu’autrefois. Je refuse de faire une croix sur ma sexualité ou de cesser de porter certains vêtements, comme des décolletés. Quand j’entends des femmes dire que cela ne les intéresse plus, je m’interroge. Un baiser, se promener main dans la main, sentir ses peaux se frôler, c’est formidable, non ? Je sais aussi ce que je cherche : une étincelle, une belle relation charnelle, mais aussi un partenaire de vie. Je suis parfois draguée par des plus « jeunes », mais les hommes de moins de 60 ans ne m’attirent pas. Il faut avoir un minimum de points communs et un rythme de vie similaire. Pour le reste, je n’ai aucun critère physique. J’ai juste une exigence : que mes prétendant­s tolèrent mon chien ! L’amour, j’y crois quel que soit l’âge. Aujourd’hui encore, j’aspire au grand, au vrai, au beau. Je n’ai pas peur d’être jugée car, justement, je ne le suis pas. L’amour des seniors est un sujet, heureuseme­nt, de moins en moins tabou. J’ai un fils merveilleu­x qui regarde avec tendresse et bienveilla­nce ce que j’organise et ce que je cherche. La vie est trop courte pour s’ennuyer. Et si l’on n’essaie pas, on risque juste de passer à côté d’un nouveau bonheur inattendu…

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