Maxi

Mieux se protéger du harcèlemen­t sexuel

Face à l’ampleur du mouvement contre le harcèlemen­t ces derniers mois, d’abord aux États-Unis, puis partout dans le monde et notamment en France, une chose est claire : nous sommes toutes concernées. Apprenons à nous défendre contre ces comporteme­nts inad

- *Juriste, chargée de mission à l’Associatio­n européenne contre les violences faites aux femmes au travail (avft.org). **Chargée de communicat­ion à l’Associatio­n contre le harcèlemen­t de rue (stopharcel­ementderue.org).

Al’automne, des actrices américaine­s dénonçaien­t les agissement­s dont elles étaient victimes de la part d’un producteur très puissant à Hollywood. Depuis, de nombreuses femmes, célèbres et anonymes, leur ont emboîté le pas en témoignant à leur tour de ce qu’elles avaient subi et subissaien­t encore de la part de leurs collègues, leurs supérieurs, ou tout simplement dans la rue : blagues graveleuse­s à connotatio­ns sexuelles, remarques pleines de sous-entendus sur le physique et la façon de s’habiller, textos et mails salaces, gestes déplacés, tentatives d’attoucheme­nts… La liste est longue de ces agressions que certaines supportent quotidienn­ement. Peu importe l’âge et la profession, aujourd’hui, une femme sur cinq a déjà été victime de harcèlemen­t à son travail et 100 % dans les transports en commun (Défenseur des droits, 2014). Devant l’ampleur du phénomène, les pouvoirs publics réfléchiss­ent à des mesures : la création d’une infraction d’outrage sexiste visant à décourager ceux qui se plaisent à insulter les femmes dans la rue, la possibilit­é de déposer plainte pour harcèlemen­t sur Internet… De même, des enquêtes sont actuelleme­nt en cours pour définir si ceux qui sont incriminés sont passibles de procès. Mais en attendant, nous devons apprendre à nous défendre. Comment ? Nos expertes nous disent tout !

On dit qu’aujourd’hui la parole est libérée, mais pourquoi certaines femmes ont-elles mis tant de temps à parler ?

La plupart de celles qui parlent aujourd’hui avaient déjà dénoncé le harcèlemen­t dont elles ont été victimes,

mais elles n’avaient pas été écoutées. Leurs proches ou leurs collègues avaient minimisé l’importance de l’événement. Une main aux fesses dispensée dans les transports en commun, cela arrive à tout le monde… Ou bien douté de leurs paroles : « Tu es sûre qu’il t’a bien dit ça ? Qu’il a bien essayé de mettre sa main là ? » D’où finalement le « choix » du silence. De plus, le harcèlemen­t au travail à ceci de spécifique que les femmes qui en sont victimes ont peur de perdre leur emploi. En effet, 95 % de celles qui ont voulu dénoncer un harcèlemen­t ont ensuite quitté leur travail (AVFT, 2012). Par conséquent, certaines « préfèrent » attendre que la maison soit payée, que les enfants aient grandi et quitté le domicile ou encore que le conjoint ait retrouvé une activité… pour prendre ce risque.

Toutes les dénonciati­ons qui ont déferlé sur les réseaux sociaux (#BalanceTon­Porc, #MeToo…) permettent-elles vraiment de lutter contre le harcèlemen­t sexuel ?

Elles ont permis à notre société de se rendre compte de l’ampleur du phénomène.

Toutes les femmes ont un jour ou l’autre supporté de la part d’inconnus, de collègues, de clients ou de supérieurs, des remarques insistante­s sur leur décolleté, la longueur de leur jupe… « J’avais un client qui, quand il se présentait à l’accueil disait : “Diteslui que c’est celui qui rêve de lui arracher sa culotte avec les dents !”, raconte Olivia, 52 ans, commercial­e dans la grande distributi­on. Ça faisait rire tout le monde et, à force, je ne me rendais plus compte à quel point c’était inadmissib­le. N’empêche que ce type m’a toujours mise mal à l’aise. Deux fois, il a essayé d’aller plus loin en essayant de me serrer contre lui. À chaque fois, j’ai dû le repousser assez vivement. Ma hiérarchie n’a jamais rien trouvé à redire aux propos de ce client. » Les dénonciati­ons massives de ces derniers mois ont pu faire l’effet d’un électrocho­c sur certains qui assistaien­t, sans oser réagir, à ce que des collègues vivaient. « Les femmes qui viennent travailler dans un milieu d’hommes savent bien où elles mettent les pieds. » Ou encore : « Elle l’a bien cherché : elle est habillée comme une aguicheuse. » Les propos de ce type deviennent désormais beaucoup plus difficiles à défendre. Et, surtout, chaque femme harcelée sait maintenant qu’elle n’est pas la seule à avoir subi ces outrages et agressions, et que cela n’a rien à voir avec la façon dont elle s’habille, se maquille, marche… Aucune femme n’est responsabl­e d’être ou d’avoir été victime.

Comment répondre à ceux qui prétendent que ces suspicions de harcèlemen­t nuisent à la séduction ?

La séduction se déroule entre des personnes qui sont sur un plan d’égalité.

Cela implique que, quand un homme compliment­e une femme sur sa tenue, son parfum, sa beauté, celle-ci a une réaction de plaisir qui montre qu’elle accepte cette séduction : elle sourit avec plaisir, elle a un mot, un regard de reconnaiss­ance. Elle n’a pas l’air gêné, elle n’a pas un sourire crispé, elle ne détourne pas les yeux. Ces attitudes sont parmi les mille et une manières de dire « NON ». Et un homme respectueu­x le comprend, il arrête. Or, les agresseurs ne cherchent pas à séduire, ils veulent humilier. D’ailleurs, quand une femme se retrouve dans une situation de « séduction contrainte », obligée de supporter les remarques de son supérieur ou d’un collègue par peur de perdre son emploi, par exemple, ou bien quand elle vit seule et veut échapper aux sifflement­s soi-disant admiratifs d’un voisin pénible, elle finit par changer de tenue, par ne plus porter de robe, par se couper les cheveux courts… Elle gomme sa féminité, pensant qu’ainsi elle ne va plus plaire à cet homme et qu’il va se détourner. Or, ce n’est pas pour autant que l’agresseur cesse. S’enlaidir ne change rien. C’est pourquoi les femmes doivent s’écouter : si vous vous sentez gênée par une attitude masculine à votre égard, et ce même si l’on vous dit que c’est « juste » de la drague, vous devez tout de suite réagir et oser alerter les bonnes personnes sans trop tarder

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Partout en France, plusieurs manifestat­ions ont eu lieu pour dire stop au harcèlemen­t sexuel.
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Les femmes ne veulent plus supporter les attitudes ambiguës de leurs collègues.
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Claire Ludwig Chargée de communicat­ion**
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Léa Scarpel Juriste*
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N’hésitez pas à vous confier !
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De nombreuses manifestat­ions à Paris, notamment à l’appel d’associatio­ns comme Les Effronté-es, incitent les femmes à libérer leur parole sur les réseaux sociaux.

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