Maxi

« J’ai retrouvé mon fils, je dois aider d’autres mères à mon tour »

Pendant 668 jours, Pascale a été privée de son fils Damien, enlevé par son père. Si son histoire s’est bien terminée, elle refuse d’abandonner les autres mamans dans l’épreuve.

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Certaines femmes, à ma place, voudraient tourner la page. Je peux les comprendre. Une partie de moi aimerait juste protéger mon fils et oublier ce qui nous est arrivé. Aujourd’hui, Damien a 9 ans. C’est un petit garçon et, en même temps, un enfant qui a grandi trop vite. Lorsqu’il est à l’école, il m’arrive encore souvent de discuter et de rencontrer des mamans en détresse. Je ne peux pas entièremen­t refermer ce chapitre douloureux de ma vie. Je leur parle, car mon témoignage leur donne de l’espoir. Nous avons en commun le fait d’avoir vécu la même chose. Sauf que, pour moi, l’histoire s’est bien terminée. C’est justement à cause de cela que je ne peux pas leur tourner le dos. Comme pour d’autres femmes, mon histoire a commencé par un coup de foudre. Je suis tombée amoureuse d’un homme en 2004, lors de vacances en Turquie. Tout a débuté par une idylle sans nuages. Nous avions beaucoup de points communs, les mêmes attentes. Nous nous sommes mariés l’année suivante avec l’envie de fonder une famille. Mais j’ai dû attendre trois ans avant d’être enceinte et, quand Damien s’est annoncé, notre vie commune était déjà nettement moins rose. Mon mari s’est révélé violent et manipulate­ur. Je me suis séparée de lui avant la naissance, sans pour autant vouloir le rayer de la vie de notre enfant. Au départ, j’avais la garde exclusive de mon fils. Peu à peu, il a commencé à le voir un week-end sur deux, puis a obtenu le privilège de le garder pendant la moitié des vacances. Quand mon fils a eu 6 ans, son père a obtenu le droit de quitter le pays avec lui. Juste avant les 7 ans de Damien, il a donc programmé des vacances en Turquie, son pays d’origine. J’ai alors eu un mauvais pressentim­ent. À l’époque où j’ai quitté mon mari, il m’avait en effet promis l’enfer… Mais la justice avait autorisé ce déplacemen­t, et je ne pouvais rien faire. En même temps, une partie de moi espérait se tromper. Et pour beaucoup, j’étais juste une mère un peu trop anxieuse et possessive. Malheureus­ement, ma crainte était justifiée. Lors des précédents séjours de Damien chez son père, nous avions instauré un joli rituel quand il partait de la maison : sur son calendrier, je dessinais un coeur pour chaque jour d’absence. Cette fois-là, j’allais dessiner 668 coeurs… soit autant de jours séparée de mon fils. Quand mon ex-mari n’est pas rentré, j’ai immédiatem­ent porté plainte pour rapt. Pour ne pas sombrer, je me suis dit que je devais agir. Un mandat d’arrêt internatio­nal a été émis, mais je devais faire plus. Je rentrais tous les jours dans la chambre de Damien. La maison était vide, froide trop silencieus­e sans lui. Toutes les nuits, je dormais avec l’un de ses doudous pour garder son odeur et la force de me battre. La justice ordonnait des mesures qui restaient sans effets. Je me suis alors tournée vers des associatio­ns et j’ai découvert avec effroi le nombre élevé de parents dans mon cas. Nous nous sommes beaucoup serré les coudes. J’ai aussi rencontré énormément de monde grâce aux réseaux sociaux. Tous les jours j’écrivais à mon fils. Le jour anniversai­re de son enlèvement, j’ai publié une lettre sur Facebook, comme une bouteille à la mer. « Damien, cet

Bouteille à la mer, mon message, relayé sur le Net, a fini par être entendu

amour entre une mère et son fils est le lien le plus solide au monde, lui ai-je écrit. Bien que nous soyons loin l’un de l’autre, il est impossible de le rompre. » Je lui ai aussi promis « une cargaison de bisous doux et de bisous chatouille­s ». Des amis et des inconnus, émus par ma souffrance, ont partagé ce message qui, miraculeus­ement, est arrivé jusqu’en Turquie. Un journalist­e s’est alors intéressé à mon histoire et a publié des photos de mon fils, et quelqu’un a enfin reconnu Damien. Il avait changé de nom, mais c’était bien lui ! Le 7 mai 2017, j’ai enfin reçu l’appel que j’attendais. J’ai pris l’avion et roulé de longues heures vers mon fils. Je l’ai attendu dans les bureaux du procureur local, en Turquie. Le soir même, nous étions réunis. Damien ne comprenait plus le français, mais il m’a immédiatem­ent reconnue. Instinctiv­ement, je me souviens lui avoir montré une photo de son chat et il a souri. J’ai compris que notre lien n’était pas rompu. Aujourd’hui, mon fils est en pleine reconstruc­tion et va de mieux en mieux. Il parle le français à nouveau et doit juste continuer de rattraper son retard à l’école. Il manifeste encore des signes d’anxiété excessive à certains moments de la journée, mais nous nous en sortirons. Alors que son père est toujours poursuivi pour le rapt, il serait tentant de me refermer sur mon fils, de m’occuper exclusivem­ent de lui. Cependant, je ne peux pas abandonner les autres mamans. Elles m’ont accompagné­e quand j’allais mal. J’ai rencontré des associatio­ns qui m’ont apporté une aide psychologi­que inestimabl­e. Je rêve, un jour, de réunir des fonds pour créer à mon tour une associatio­n afin d’aider les parents en détresse dans leurs procédures ou simplement leur offrir un local où se réunir et échanger. Quand on est victime, on a parfois l’impression de partir à la dérive. Aujourd’hui, je veux tendre la main en retour à ceux qui m’ont aidée, mais également à tous les autres.

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À droite, Pascale aux côtés d’une maman qu’elle soutient.

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