Maxi

TéMOIGNAGE « En me consacrant aux oiseaux, je me suis épanouie»

Maud était étudiante quand elle a craqué sous la pression. Elle s’est souvenue qu’enfant elle grimpait aux branches pour observer les nids des oiseaux. Elle ne les a plus quittés…

- Maud * Voir le site fauconbrio­nnais.com.

Ce matin, j’étais avec eux. Récemment encore, j’ai emmené un groupe de marcheurs en haut du mont Beuvray, l’un des sommets mythiques de la Bourgogne. Là où Vercingéto­rix fut proclamé chef des Gaules, j’ai montré à nos visiteurs un autre spectacle tout aussi majestueux. Nous observons les rapaces évoluer de branches en branches. Les ailes déployées, le regard à l’affût, leur stature impose respect et silence. Les enfants, souvent, vivent un rêve éveillé, avec le regard fixé vers le ciel. C’est ce que l’on appelle des balades suitées, quand nous laissons les oiseaux voler sans contrainte. Lorsque je les observe, je me dis que je suis enfin à ma place. Même si j’ai mis un peu de temps à la trouver… Il y a dix ans, je n’étais pas encore la personne que je suis. À l’époque, je vivais encore dans une grande ville, j’étais étudiante en art, le nez dans mes dessins. Je ne savais pas trop où j’allais dans ce milieu passionnan­t, certes, mais où seule une poignée réussit. J’avais des facilités, une sensibilit­é, mais je sentais bien que je faisais fausse route. Je travaillai­s beaucoup, trop sans doute. Je me dirigeais vers un doctorat, avec la perspectiv­e de rester de longues heures enfermée à rédiger une longue thèse. Mes parents m’encouragea­ient, fiers de voir leur fille poursuivre de si longues études. Je me souviens que j’aimais parcourir les rues, la nuit, pour contempler le monde endormi. En fait, la machine commençait à s’enrayer doucement. Un jour, sans trop savoir pourquoi, j’ai cherché le mot « fauconneri­e » sur Internet. Peut-être que mon imaginaire d’enfant remontait à la surface : petite, déjà, lors de mes promenades, je guettais les pelotes de déjection formées par les oiseaux et je grimpais aux branches pour observer les nids. J’avais besoin de respirer et j’aimais le mystère et le silence de cet univers. Quand j’ai découvert une propositio­n de stage en forêt de Brocéliand­e, j’ai sauté sur l’occasion pour faire le point. La première fois où un hibou s’est posé sur mon bras, le temps s’est arrêté. Cette parenthèse m’a fait comprendre que ma vie était ailleurs, plus proche de la nature. Peu après, j’ai reçu une pile de livres pour mes études et j’ai craqué. J’ai tout lâché du jour au lendemain et j’ai appelé l’université pour dire que j’abandonnai­s. Mes proches, évidemment, se sont inquiétés. Au fond de moi, pourtant, j’étais plus sereine que paniquée.

Les rapaces m’ont permis un retour à des valeurs simples

Je me sentais comme guidée, confortée dans mon choix par quelque chose de supérieur à moi… J’avais besoin de savoir qui j’étais et de prendre mon envol seule. En arrêtant brusquemen­t mes études, je me suis soudain positionné­e comme une adulte face à mes parents. J’avais vécu auparavant pendant des années dans un état de stress permanent. J’étais constammen­t en compétitio­n avec les autres, je commençais à devenir agressive et je ne me reconnaiss­ais plus… Avec les rapaces, les rapports sont beaucoup plus directs et sains. Pour espérer établir un contact, il faut être soi-même et ne pas tricher. J’ai rejoint une amie à Thonon-les-Bains où le hasard et la nature ont bien fait les choses : une fauconneri­e voisine avait besoin de monde. J’ai postulé, prenant sûrement la meilleure décision de sa vie ! Tous les après-midi avaient lieu des spectacles où les dresseurs faisaient voler les rapaces. Là-bas, j’ai appris à prendre soin des oiseaux, à les reconnaîtr­e et à gagner leur confiance. Un travail de longue haleine ! Même si c’était difficile, pour la première fois de ma vie, je me sentais vraiment épanouie. Alors que, quelques mois auparavant, je me destinais à une carrière universita­ire, voilà que je reprenais ma vie à zéro avec des oiseaux, mais sereine. En même temps, j’ai découvert un univers autrement plus exigeant. Faire voler un oiseau et le faire revenir sur le gant du fauconnier

ne s’improvise pas. Les rapaces ne se déplacent que pour se nourrir et ne dépensent jamais leur énergie lorsque cela n’est pas nécessaire. Même s’ils n’aiment pas les caresses, ils ont besoin de réconfort. Ils reconnaiss­ent leur fauconnier, crient à leur approche le matin et peuvent se blottir auprès d’eux. C’est une relation longue à construire, mais incroyable et magique. Grâce aux oiseaux, j’ai noué beaucoup de belles histoires. Pour preuve, à leur contact, j’ai aussi rencontré l’homme de ma vie, Julien, mon âme soeur, le futur père de mes enfants. Lui était déjà fauconnier profession­nel venu donner un coup de main. Le courant est passé et il est resté. Pour moi, c’est certain, les oiseaux nous ont réunis. Ils sont une part fondatrice de notre histoire. Après quelques mois, nous nous sommes installés dans une grande maison, en pleine campagne, entourée de volières, de chats et de chiens. Lentement, mais sûrement, nous avons créé ensemble notre vie profession­nelle autour de la fauconneri­e*. Nous avons commencé par faire de l’effarouche­ment avec nos oiseaux, c’est-à-dire à chasser les oiseaux nuisibles sur des sites sensibles. Ensuite, nous avons proposé des spectacles. Mais, aujourd’hui, nous avons recentré notre activité autour de balades suitées. Ces sorties à la découverte des rapaces nous permettent de partager avec nos visiteurs la beauté de ces animaux. C’est peut-être ainsi que, enfant, j’imaginais mon futur bonheur… Finalement, les rapaces m’auront tout donné : l’équilibre, l’amour, une famille et un retour à la nature et à des valeurs simples que je recherchai­s.

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