Maxi

TéMOIGNAGE « J'ai appris à être heureuse et je le transmets aujourd'hui»

Maltraitée durant son enfance, Noémie a longtemps cru mériter de recevoir des coups dans la vie, jusqu’à ce qu’elle se libère tout à fait de l’emprise de son passé.

- Noémie

Ma fille voulait acheter de la grenadine. Rien que de penser à cette boisson, j’en avais la nausée ! Ce goût sucré me renvoyait aux pires moments de mon enfance. J’aurais pu reposer la bouteille sur l’étalage du supermarch­é, mais, pour Laurine, je l’ai achetée. Même si j’avais fait un travail sur moi-même, j’étais vraiment loin de m’être complèteme­nt libérée de mon passé.

Lorsque j’avais 7 ans, ma mère m’envoyait le soir chercher mon père au bar !

Le propriétai­re m’offrait une grenadine pour patienter, car mon père, ivre, retardait le moment du départ. Impossible de me souvenir du nombre incalculab­le de verres de cette eau rouge que j’ai dû boire à chaque fois en l’attendant ! Pour moi, c’était la boisson de la honte. De retour chez nous, souvent, mon père frappait ma mère. J’éprouvais alors beaucoup d’empathie pour elle, au point de lui pardonner tous ses écarts, et notamment celui de m’insulter et de me battre à son tour. Dans mon esprit, je ne valais rien et, forcément, je méritais ces coups. J’ai mis longtemps à comprendre que ce que je vivais chez moi était absolument anormal. J’avais 12 ans. Ce jour-là, moi et mon amie, nous avions dépassé l’heure pour rentrer à la maison. Affolée, elle craignait la réaction de ses parents qui allaient la « tuer » ! J’étais paniquée pour elle. Quand elle m’a expliqué qu’ils allaient juste la gronder, j’ai dédramatis­é immédiatem­ent la situation. Pour moi, ce n’était pas grave. Bien sûr, elle n’a pas compris ma désinvoltu­re. Mais grâce à elle, j’ai réalisé pour la première fois que tous les enfants ne subissaien­t pas chez eux le même sort que le mien. J’étais si malheureus­e que j’ai tenté de me suicider deux fois. Lors de mon dernier séjour à l’hôpital, ma mère m’a interdit de parler, en me culpabilis­ant : « Si tu ouvres la bouche, avec tes frères et soeurs vous allez vous retrouver à la Ddass ! » J’avais tellement honte de cette famille qu’elle ne craignait vraiment rien. Avec le temps, j’étais devenue maîtresse dans l’art de dissimuler les marques de la violence. Et même après, lorsque j’ai fui la maison pour sauver ma peau et que je me suis retrouvée d’un coup SDF à l’âge de 19 ans, je n’ai jamais parlé. J’ai enterré ce passé en moi, j’ai verrouillé dans mon coeur toutes les émotions atroces qui y étaient liées et j’ai essayé de construire ma vie.

Le problème, avec ce genre d’enfance, c’est qu’elle vous rattrape forcément alors même qu’on ne s’y attend pas…

En devenant maman à l’âge de 25 ans, mon existence avait pris un nouveau sens : je voulais offrir à ma fille une vie meilleure que la mienne. Après un premier mariage, j’étais restée célibatair­e durant dix ans de façon à protéger Laurine des éventuels hommes violents que j’aurais pu rencontrer. Mais, cette dernière année, j’avais baissé la garde en tombant amoureuse d’Arthur*. En cette rentrée scolaire de septembre 2002, je me sentais pour la première fois de ma vie à l’abri du malheur. Je vivais avec un homme que j’aimais. Ma fille Laurine, alors âgée de 12 ans, allait dans une bonne école. Mais, un jour, j’ai découvert qu’Arthur me trompait. Quand je l’ai placé face à son infidélité, il m’a giflée violemment en me jetant par terre. Il a exigé que je quitte le domicile, dont il était propriétai­re mais que nous avions aménagé ensemble. Je ne savais pas où aller. Dès le lendemain, j’ai cherché un logement. Mais à Paris, cela prend du temps. Tous les jours, Arthur me harcelait pour que je quitte les lieux le plus vite possible. Dix jours plus tard, en revenant à la maison avec Laurine, je n’ai pas pu entrer la clé dans la serrure. Arthur l’avait fait changer sans me prévenir ! Nous nous retrouvion­s avec Laurine à la rue, sans savoir où aller… Arthur avait gardé toutes nos affaires. Un véritable cauchemar ! Mais, surtout, ce passé dont je pensais m’être affranchie à coup de lectures sur le développem­ent personnel et de réflexion sur ma vie se répétait cruellemen­t ! Heureuseme­nt, un ami m’a immédiatem­ent trouvé un studio pour me dépanner. Pour l’aménager, j’ai dû emprunter ! Et puis, ce 24 décembre, alors que je m’apprêtais à fêter Noël, un huissier a frappé à la porte avec une assignatio­n : Arthur voulait que je lui rembourse une somme qu’il m’avait donnée lorsque nous vivions ensemble ! Pour Laurine,

J’ai pardonné à mes parents, mais plus jamais je ne serai une victime !

j’ai fait bonne figure toute la soirée, mais à 1 heure du matin, lorsqu’elle s’est endormie, j’ai explosé ! Toutes ces larmes que je retenais depuis des années sont sorties. Tel un torrent. Ce jour-là, j’ai réalisé à quel point cette petite fille que j’avais été et qui n’avait jamais pleuré, continuait à exister en moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai décidé que, plus jamais, je ne me laisserai battre, plus jamais je ne serai une victime. Cette petite fille que j’avais été n’avait jamais mérité de recevoir des coups de ses parents. J’ai pris un avocat pour me défendre d’Arthur. Cette décision a été libératric­e. J’ai eu gain de cause ! Et j’ai décidé une bonne fois pour toutes de m’aimer, de laisser entrer le bonheur dans ma vie.

Désormais, à 51 ans, je vis heureuse avec un homme très aimant avec qui j’ai eu deux autres petites filles.

J’ai pardonné à mes parents leur violence et j’éprouve beaucoup de compassion pour l’enfance difficile qu’ils ont eue eux aussi. Rien ne sert de les juger ! La violence existe potentiell­ement en chacun de nous et, à tout moment, cette force noire peut se réveiller… Manquer d’argent et d’amour peut déclencher de la jalousie, des vols, de la violence. Ce chemin de vie donne à présent tout son sens à mon existence, il m’amène aujourd’hui à proposer des programmes en ligne et à donner des conférence­s pour aider les gens à se libérer des drames de leur passé et à vivre en paix avec eux-mêmes et avec les autres !

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 ??  ?? Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.
Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

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