Maxi

Après la naissance de triplés

« Mes enfants m’ont rendue fière de moi ! »

- Aurélie

Ce n’est pas qu’une formule en l’air : j’avais, biologique­ment parlant, vraiment moins d’une chance sur un million pour que cela tombe sur moi. Je me suis demandé longtemps pourquoi le destin m’avait choisie, moi, une jeune femme sans histoire – et surtout sans enfant, donc sans expérience en la matière ! Et puis, un jour, je n’ai plus eu le temps de réfléchir. Le « tsunami » attendu est arrivé et j’ai cessé de me poser des questions. Je n’avais plus qu’une seule alternativ­e : gérer. J’avais rencontré mon mari quatre ans plus tôt. Si j’avais su ce jour-là ce qui m’attendait, je pense que j’aurais pris la fuite. Et lui aussi probableme­nt ! Le début de notre histoire est assez banal, jusqu’à ce test urinaire positif, confirmé par une prise de sang et une visite chez le gynécologu­e. À la maison, l’euphorie fait rapidement place à la fatigue et aux nausées. Jusque-là, toujours rien d’exceptionn­el… Seulement, à la première échographi­e, trois mois plus tard, l’obstétrici­en voit une petite « tache », juste à côté du foetus naissant, qui le laisse perplexe. En sortant, j’ose une blague devant ma mère. « Maman ! Y en a sûrement deux. Et peutêtre trois ! » Si j’avais su ! Une semaine plus tard, quand mon gynécologu­e m’a révélé que j’attendais des triplés, j’ai beaucoup moins ri. Il paraît que cela arrive de temps en temps suite à un traitement contre la stérilité. Sauf que, moi, j’avais 25 ans et je n’avais rien pris ! Ma mère, qui était dans la salle d’attente, n’y a pas cru. Elle espérait une nouvelle plaisanter­ie, en vain. Moi, fille unique, qui rêvais d’avoir un jour un enfant, voire deux, j’étais servie ! Moi qui n’avais jamais tenu un nourrisson dans mes bras, voilà que j’allais en porter trois. À ce moment-là, je suis partagée entre la joie et la panique. J’ai à la fois peur d’accueillir ces trois bébés, mais aussi de les perdre. Mon gynécologu­e m’expose, en effet, les risques d’une telle grossesse : je peux faire une fausse couche tardive, tout comme je peux accoucher de grands prématurés avec un risque de handicap sévère. Heureuseme­nt, Sébastien, mon mari, est enthousias­te pour deux. Enfin, pour trois. Ou cinq. Je ne sais plus compter ! Il faut juste y croire. À la maison, nous essayons de voir le bon côté des choses. Des enfants sans différence d’âge, ce n’est peutêtre pas si mal, non ? En attendant, je me repose et j’essaie d’imaginer notre vie future. Très vite, je dois respecter un alitement très strict, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui minimise mes divertisse­ments. J’ai tenté d’apprendre à tricoter, en vain. J’essaie de ne pas m’inquiéter, même si Sébastien a perdu son emploi lors de mon cinquième mois de grossesse après la liquidatio­n judiciaire de son entreprise. Au moins, il est là pour m’aider. Ensemble, nous choisisson­s leurs prénoms. J’ai tenu aussi longtemps que j’ai pu et Mathis, Ethan et Lohan ont pointé leur nez à trente-deux semaines. Ils sont si petits, et si beaux… Ils sont restés un mois à l’hôpital. Mes journées, jusqu’alors si calmes et reposantes, se transforme­nt en une course contre la montre des plus stressante. Il faut faire beaucoup de courses, notamment acheter du lait en poudre et des couches, énormément de couches.

Nos efforts ne sont rien face au bonheur que ce petit trio nous apporte

Nous avons dû aussi investir nos économies dans une nouvelle voiture capable d’accueillir trois sièges enfants. Notre vie à cinq va commencer. J’avoue que je n’aurais pas été contre un livret du genre « triplés, mode d’emploi », avec un numéro Vert accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Être parents de triplés, c’est du sport, mais aussi des mathématiq­ues. Comment gérer trois bébés affamés, des biberons toutes les quatre heures avec seulement deux paires de bras ? À raison de six couches par jour et par bébé, nous changeons 540 couches, soit 12 paquets par mois. Je vous laisse imaginer l’étonnement

des hôtesses lors de nos passages en caisse. Et avec 60 dents de lait à percer, nous n’osons imaginer les nuits blanches à venir… Mais il y a pire. Imaginez juste trois bébés atteints d’une gastro-entérite en même temps ! Notre plus grande surprise, finalement, est peutêtre que l’on s’adapte à tout. En définitive, nos enfants nous apprennent à devenir parents. Certes, mon jardin s’est transformé en centre de loisirs. Et ce n’est pas facile financière­ment tous les mois. Mais, honnêtemen­t, ce n’est rien à côté du bonheur et de la joie qu’ils nous apportent. En revanche, au niveau comporteme­ntal, c’est une autre histoire. Bien qu’ils soient tous très attachants et légèrement capricieux, leurs besoins et envies sont variables. Ethan, le deuxième, est très calme et solitaire. Il lui arrive de jouer tranquille­ment dans son coin plusieurs fois par jour. Or, ses frères n’apprécient guère le calme. Mathis est très autonome, il apprend vite, mais c’est le plus timide. Enfin, Lohan est le plus sociable et courageux, et aussi le plus têtu ! J’ai l’impression de passer mes journées à dire non. Je refuse aussi toute sollicitat­ion sociale. Ma vie est ailleurs et j’ai appris à savourer des bonheurs simples : un bon film, une tisane bien chaude, un diffuseur d’huiles essentiell­es et le moment est venu d’évacuer tout le stress de la journée ! Mais, surtout, mes enfants m’ont rendue fière de moi. J’ai mis du temps à admettre que j’étais devenue mère au foyer. Or, nos enfants nous aident à nous surpasser. En guise de salaire, je perçois de l’amour : trois fois plus d’amour dans mon cas. Pour expliquer ce beau parcours, j’ai écrit un petit livre*. À présent, mes peurs et mes doutes se sont transformé­s en force. En les voyant heureux et épanouis, je sais que j’ai fait quelque chose de bien dans ma vie. * Maman de triplés : trois pas vers la folie, par Aurélie Allein, éd. L’Harmattan.

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