Maxi

TÉMOIGNAGE

À compter du jour où la surdité d’Arturo a été diagnostiq­uée, sa maman n’a cessé de s’interroger sur ce qui le rendrait heureux et sur le bien-fondé des préconisat­ions des médecins. Elle a eu bien raison…

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« J’ai aidé mon fils à s’épanouir malgré sa surdité »

Penchés sur le berceau, mon compagnon et moi regardions Arturo, notre bébé de six mois, dormir paisibleme­nt. Il était magnifique ! Nous avions un premier fils de 6 ans et, tous ensemble, nous menions une vie agréable et tranquille. Mais, depuis quelque temps, j’étais inquiète car j’avais l’impression que mon bébé ne réagissait pas aux sons ni aux bruits. Cette nuitlà, quand son papa a frappé ses mains l’une contre l’autre, Arturo a sursauté et s’est retourné vers nous. Mon compagnon m’a alors dit : « Tu vois, il entend très bien. Tu te fais des idées ! » Plus tard, j’ai compris qu’Arturo avait réagi à cause des vibrations et non pas du son. Et puis j’avais passé tant de temps à lui parler d’une voix forte ou chuchotée au creux de son oreille… L’idée que mon bébé ne m’avait jamais entendue me peinait terribleme­nt. J’ai donc dû d’abord me convaincre moi-même, puis convaincre son papa, notre entourage et enfin les médecins que mon fils était bel et bien sourd. J’étais loin d’imaginer le parcours du combattant qui nous attendait.

Lors d’une énième discussion au sujet de l’audition de notre bébé,

son papa a saisi deux couvercles de casserole et les a frappés l’un contre l’autre tout près de notre fils… qui n’a eu aucune réaction. Cette fois, c’était clair. Notre petit avait alors dix mois et, à partir de ce moment-là, tout s’est emballé. Les médecins consultés ont posé le diagnostic de surdité sévère. Ce qu’Arturo pouvait entendre, c’était l’équivalent du bruit d’un train passant à côté de lui. Si cela confirmait mes craintes, c’était malgré tout un coup de massue. Puis, une fois le choc passé, j’ai relevé la tête et affronté la situation. Les médecins ont prescrit une série d’examens afin de trouver la cause de sa surdité : d’abord une IRM puis, dans un second temps, une analyse génétique. Tout cela a confirmé que la surdité d’Arturo était bien d’origine génétique.

J’étais loin d’imaginer le parcours du combattant qui nous attendait !

À 2 ans et demi, grâce aux prothèses auditives qu’il portait depuis l’âge de treize mois, Arturo a commencé à assez bien parler. Mais il souffrait régulièrem­ent d’otites séreuses et, selon les médecins, cela risquait d’aggraver sa surdité. Ils voulaient donc l’opérer, ce qui consistait à percer ses tympans et poser des yoyos, des capsules qui permettent aux tympans de rester ouverts. Cette opération, présentée comme très utile, devait être faite dans l’urgence. J’ai tout de même consulté un autre spécialist­e qui m’a expliqué que l’interventi­on avait certes des chances de réussir, mais qu’elle présentait aussi un risque plutôt élevé d’infecter les canaux auditifs avec, pour conséquenc­e, qu’Arturo ne puisse plus porter ses prothèses… J’ai donc refusé l’opération. Et la suite m’a donné raison : nous avons découvert que ces otites à répétition provenaien­t d’une allergie aux acariens ! Nous avons alors entrepris un traitement qui l’a guéri définitive­ment.

Entre les suivis médicaux et orthophoni­ques, les activités avec d’autres enfants sourds,

le suivi scolaire particulie­r, je veille en permanence à l’épanouisse­ment d’Arturo. Cela passe parfois par la remise en question des injonction­s des médecins pour certaines interventi­ons chirurgica­les, pas toujours justifiées, mais aussi pour les apprentiss­ages. Ainsi, lorsque mon fils a eu 3 ans, un docteur m’a déconseill­é de continuer à lui parler en italien, ma langue maternelle, mais aussi de poursuivre l’apprentiss­age de la langue des signes en m’assurant que cela éloignerai­t mon fils du langage. Mais, moi, je voulais qu’il ait la possibilit­é de faire ses propres choix. Arturo a donc appris la langue des signes, même s’il a fini par s’en détacher, car il parlait

J’ai découvert le bel univers très riche en émotions des personnes sourdes

très bien le français comme l’italien. À nouveau j’avais été à l’encontre des recommanda­tions du médecin, bien qu’il m’en coûte à chaque fois car les mots qu’un spécialist­e prononce ont toujours un impact énorme sur une maman…

Finalement, malgré un agenda de ministre, Arturo a toujours vécu heureux sa vie d’enfant.

Rieur avec son grand frère, très câlin avec tout le monde, il comble mon coeur de maman. C’est un vrai soleil ! Quant à mes craintes de ne pouvoir communique­r avec lui par la parole, elles se sont peu à peu estompées. J’ai compris que ce que j’avais de plus important à lui transmettr­e, c’est-à-dire mon amour, se passait de mots. L’essentiel était dans les regards, les jeux, la tendresse. J’ai découvert, petit à petit, le bel univers, intense, très riche en émotions et en sensations, des personnes sourdes. J’ai tellement appris de mon fils ! Être sa mère m’a permis de rencontrer des gens passionnan­ts, de découvrir la langue des signes, une très belle langue qui s’appuie sur les expression­s du visage, le mouvement des mains, l’amplitude des gestes… Comme beaucoup d’enfants sourds, Arturo a une grande sensibilit­é artistique. C’est un danseur-né. Il a beaucoup d’humour, il chante très bien et juste.

Je respecte les médecins, leur savoir est extrêmemen­t précieux.

Je regrette juste d’en avoir rencontré si peu qui aient vu Arturo comme une personne et non comme deux oreilles qui ne fonctionne­nt pas. La surdité n’est pas une maladie ! Aujourd’hui, mon fils a 8 ans et, en le voyant aussi épanoui, rire et réussir à l’école, je me félicite chaque jour d’avoir écouté ce que me dictait mon coeur.

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