Maxi

TÉMOIGNAGE « J’enseigne comment cuisiner sans gaspiller »

Aussi bonne vivante que femme engagée contre le gaspillage alimentair­e, Samanta organise des ateliers pour apprendre à cuisiner les produits abîmés, invendus ou simplement méconnus.

- Samanta *Facebook.com/altrimenti.asso. Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

La semaine dernière encore, je répétais ce chiffre sur un marché. Je le martèle, je crois, face à chaque nouvelle personne que je croise ! Mais quand je l’évoque, il me donne mal au ventre : chaque année, la France jette près de 10 millions de tonnes de produits alimentair­es, soit 317 kilos par seconde. Pour n’importe quel citoyen, ce gaspillage est insupporta­ble. Et encore plus quand on sait combien de personnes pourraient se nourrir avec ces produits. Or, pour ma part, j’en ai une petite idée…

C’est ma grand-mère, en Italie, qui m’a appris à faire attention aux bonnes choses.

C’était une excellente cuisinière qui savait faire des merveilles avec des petits riens. J’ai grandi avec elle, à Naples, et elle m’a appris à ne pas jeter n’importe quoi, mais aussi à transforme­r des ingrédient­s apparemmen­t anodins. Elle m’a transmis plein de recettes basées sur le pain sec, par exemple. Elle en faisait de savoureuse­s boulettes avec des carottes ou des légumes de saison. Impossible de se douter que l’on finissait le pain de la veille ! Après, ce n’est sans doute pas un hasard si j’ai voulu poursuivre mes études d’économie en me spécialisa­nt dans le développem­ent durable et l’environnem­ent, plutôt que dans la finance. Après mes études, j’ai vécu en Amérique latine, où j’ai encore appris d’autres façons de cuisiner bien avec peu. Mais quand je suis revenue en Europe, il y a sept ans, j’ai ressenti un vrai choc ! Je me suis installée à Paris et j’ai été frappée par le nombre de produits jetés partout : dans les restaurant­s, les magasins, sur les marchés et, bien sûr, chez les gens… En même temps, quand je faisais mes courses, j’étais surprise de voir de nombreux clients, parfois en situation précaire, acheter des produits préparés, chers pour ce qu’ils sont et pas forcément très bons pour la santé. Je me suis dit que tout allait trop vite et que nous étions en train de perdre un lien avec la nature, le terroir, mais aussi des façons simples et saines de cuisiner.

J’ai créé mon associatio­n en 2016 avec l’idée de transmettr­e des idées simples.

Je l’ai appelée Altrimenti*, qui signifie « autrement » en italien. La philosophi­e était simple : nous pouvons tous, avec des gestes simples, non seulement préserver la planète, mais en plus nous faire du bien. Personne, notamment chez les primeurs, n’aime jeter des denrées consommabl­es. Or, c’est ce qui arrive tous les jours. À la fin du marché, les étals ne savent pas quoi faire des légumes abîmés ou des fruits un peu trop mûrs. J’ai ainsi commencé à me rendre sur les marchés pour essayer de changer le regard des gens sur nos produits. En fin de matinée, je récupère les fruits et légumes abîmés qui iront à la benne, j’organise un atelier et j’en fais de bons plats avec des chefs. Car je reste une bonne vivante ! C’est aussi l’occasion d’enseigner des recettes qui ont une histoire et qui ont parfois traversé les siècles. Je donne souvent l’exemple d’un plat que j’aime bien, qui s’appelle la panzanella. C’est une salade multicolor­e, ravissante dans l’assiette, à base de pain sec et symbole des trésors de la cuisine pauvre de la Toscane. Pour moi, c’est un plat qui rappelle typiquemen­t l’idée de faire avec ce que l’on a, ce qui n’empêche pas de préparer quelque chose de gourmand, comme l’ont fait nos grands-parents avant nous.

C’est émouvant de voir comment quelques astuces peuvent changer la vie des gens.

Vraiment… Avec des membres de notre associatio­n, nous intervenon­s aussi auprès de personnes qui vivent en situation de précarité à l’hôtel ou dans des foyers. Généraleme­nt, elles n’ont pas de gazinière ni de plaque chauffante à dispositio­n et doivent se débrouille­r avec une bouilloire et un micro-ondes. Ce sont souvent des mamans seules avec des enfants qui pensent, à tort, qu’elles doivent se contenter de manger des conserves. Je leur apprends, par exemple, à préparer de délicieuse­s tartines avec des fanes de carottes, ces petites queues de verdure que l’on a tendance à jeter alors qu’elles sont pleines de vitamines. Beaucoup les utilisent en soupe,

J’aide aussi les personnes isolées à “manger bon” avec peu de moyens

mais elles servent à beaucoup d’autres choses encore. Avec quelques pignons et de l’huile, elles donnent un excellent pesto à tartiner sur du pain. On prépare aussi des potées de légumes que l’on agrémente, pour faire plaisir aux enfants, de chips maison qui se préparent au micro-ondes. Bien sûr, je souhaite diffuser une culture alimentair­e équilibrée, responsabl­e et respectueu­se de l’environnem­ent. Mais il ne faut jamais oublier de conserver un vrai plaisir gustatif. Car il est là, notre moteur. Et il est là, aussi, l’aspect citoyen de mon combat. Quand je vois qu’une maman en difficulté retrouve l’envie de passer du temps à cuisiner, même avec peu de place, de moyens et d’ingrédient­s, je suis comblée.

Mon associatio­n continue de grandir et je m’en réjouis.

Nous sommes une centaine de bénévoles animés de plein de projets. Ensemble nous ferons bouger les choses. Nous avons récemment acquis un camion qui va nous permettre d’aller plus loin en France. Nous envisageon­s aussi de commercial­iser à bas prix certaines de nos préparatio­ns. Je ne travaille pas que pour le bien, mais aussi pour le bon !

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