Maxi

TÉMOIGNAGE « Je n’aimais pas l’école, mais je suis devenue chef d’entreprise »

Anne-Cécile n’avait jamais manifesté un grand enthousias­me pour l’école et vivait sans rêve profession­nel. Mais, à 40 ans, celle qui rêvassait en classe déborde d’énergie dans sa peau de chef d’entreprise. Voilà qui peut rassurer bien des parents !

- Par Catherine Siguret

Que mon parcours encourage les ados à valoriser leurs autres talents !

Mon défi quotidien, c’est de sauver mon déjeuner ! Entre les appels des clients internatio­naux, les mails, les réunions, les conférence­s téléphoniq­ues et la direction de dix-sept employés, même si je suis bien épaulée, notamment par mon ex-mari, ce n’est pas toujours évident ! Depuis 2009, nous dirigeons Dynvibe, une plateforme qui analyse les attentes des consommate­urs pour orienter les choix de grands groupes en attrapant l’informatio­n, en amont, par les blogs, les réseaux sociaux, les commentair­es. On a par exemple décelé la tendance à la protection des animaux et pu indiquer aux marques de beauté d’éviter les graisses de baleine et autres tests sur le vivant : mon métier me passionne ! Et pourtant, personne ne l’aurait cru car, plus jeune, je désespérai­s mes parents !

J’ai été une enfant et une adolescent­e complèteme­nt détachée des études, sans aucune passion ni aucun rêve de métier, pas même ceux habituels d’infirmière, de journalist­e télé ou d’institutri­ce. Mes notes étaient médiocres, et c’était dur pour moi puisque je passais des heures au-dessus de mes cahiers, très sage en classe, presque transparen­te. Je pensais à autre chose, sans aucune capacité à m’intéresser à ce que je faisais parce que je n’y voyais aucune applicatio­n concrète dans la vraie vie. L’école, c’est beaucoup de théorie en apparence et je n’y trouvais aucune utilité. Si je faisais de la couture, je vérifiais le résultat, mais il me semblait que je ne gagnais rien à apprendre « dans le vide » des règles mathématiq­ues ou de la géologie. Mes parents étaient toujours sur mon dos, un peu comme dans la publicité : « Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ? » Il me semblait pourtant que je faisais tout mon possible. Simplement, « ça ne rentrait pas » ! Résultat, je me sentais idiote, presque simple d’esprit. Mes parents ne savaient pas qu’ils aggravaien­t mon problème de fond : je n’avais aucune confiance en moi. Les profs n’étaient pas plus habiles. J’ai réussi à ne pas redoubler avec toujours des « Peut mieux faire ». Ensuite, j’ai fait un BTS de communicat­ion et c’est à 20 ans, lors d’un stage au Canada que j’ai pu faire grâce à une bourse, que tout s’est ouvert pour moi : j’ai découvert le monde du digital. Pour moi, ce n’était pas virtuel du tout : il s’agissait d’inventer des logiciels, des jeux, de créer des CD-Rom, la vraie vie !

D’un coup, j’ai eu un but et j’ai rassuré mes parents : j’allais faire une école multimédia dans la foulée. J’ai suivi les cours un an, puis travaillé sur un gros site d’e-commerce et pendant huit ans dans une grande agence digitale, qui faisait des campagnes de communicat­ion pour d’énormes projets, comme l’Airbus A380. J’étais passionnée. J’aimais l’esprit d’équipe et avoir un objectif. Je ne comptais pas mes heures et je découvrais que je n’étais pas cette fille « transparen­te », comme l’école me l’avait fait croire. C’est là que j’ai rencontré Nicolas, mon mari, avec qui nous avons décidé de partir en Australie au bout de huit ans, quittant une confortabl­e vie de cadres pour l’aventure. C’était ma grande qualité depuis toujours : je n’avais pas peur de quitter ma zone de confort et de prendre des risques.

On s’était bien rendu compte avec Nicolas que ce qui manquait aux entreprise­s, c’était de flairer l’air du temps, de percevoir les tendances à l’avance. On a travaillé sur le projet de société

dans notre salon, parfois jusqu’à 3 h du matin, sans filet autre que nos petites économies qui fondaient, alors que je venais d’accoucher de Mahaut, 8 ans aujourd’hui. Être à l’étranger était stimulant parce qu’on devait se réinventer une vie tout entière. Notre chiffre d’affaires a doublé dès la première année, en 2010, et continué d’augmenter chaque année. Nos clients étaient surtout européens et américains. Mais c’est l’envie de contacts, et d’en finir avec les « conf’calls », les fameuses conférence­s téléphoniq­ues à 3 h du matin (Luce était en prime venue agrandir la famille en 2015), qui nous a fait revenir en France, près de Bordeaux.

Mon parcours me met aujourd’hui au même rang que des gens qui ont fait de brillantes études de commerce.

J’espère qu’il rassurera les parents et donnera des pistes pour aider son enfant à révéler ses vraies capacités. On peut pousser un jeune ado à développer une activité annexe où il va réussir et se sentir valorisé : tenir un blog de foot, fabriquer des bijoux à vendre sur Internet, par exemple. J’essaie que mes filles, encore petites, voient le sens d’apprendre : calculer, c’est savoir ce que l’on peut s’acheter, la géographie aide à préparer ses voyages, etc. Et quand je lis des CV, je sais détecter entre les lignes les personnali­tés dans mon genre : des « Peut mieux faire » qui n’ont pas encore trouvé leur voie. Et si je le peux, je leur donne une chance, puisque c’est ce que l’on a fait avec moi. Moi non plus, je n’aurais jamais cru que je pourrais avoir une passion, et encore moins réussir !

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