Maxi

Mamans d’enfants surdoués et agités

« Notre méthode a ramené le calme dans la famille »

- Par Muriel Rivault Cécile et Gabrielle

Noël avait 4 ans quand il a commencé à dessiner des monstres et peut-être 5 ou 6 quand ses angoisses existentie­lles ont démarré. « J’avais beau essayer de le rassurer en lui expliquant que ni lui ni moi ne serions en vie quand le soleil s’éteindrait, rien n’y faisait », explique Cécile, sa maman, qui pouvait passer des soirées entières à tenter de le calmer, en vain.

À quelques rues de chez elle, Gabrielle, maman de quatre enfants,

souffrait également d’une difficulté similaire avec Sophie, son aînée ! Régulièrem­ent, la petite souffrait de crises de panique. Impossible d’oublier ce regard et ces cris de terreur ce jour-là, sur la plage, lorsque Sophie, âgée de 8 ans, a entendu des rafales de vent. Pour elle, la fin du monde avait sonné ! « Pour l’apaiser, nous avons dû retourner dans la voiture et y rester enfermés durant une bonne partie de l’après-midi ! » Pourquoi dans les autres familles, avec les autres enfants, tout semblait toujours plus facile ? Tout comme Cécile, elle cherchait une explicatio­n aux crises à répétition de sa fille.

Sans se connaître, ces deux mamans ont finalement réussi à trouver une réponse

chacune de leur côté, chez le psychologu­e. Même verdict dans les deux familles: Gabrielle et Cécile étaient toutes les deux mamans d’enfants dits à haut potentiel (surnommés encore enfants zèbres ou encore précoces). En plus d’une intelligen­ce hors du commun, les enfants zèbres, dotés d’un cerveau ne fonctionna­nt pas comme ceux des autres enfants, sont également connus pour leur hyperémoti­vité, leur grande sensibilit­é, leurs difficulté­s à accepter la frustratio­n et également des sens, comme l’ouïe, plus développés que chez le commun des mortels, d’où sans doute les difficulté­s pour Sophie à rester sur une plage à écouter des rafales de vent. « Ce diagnostic m’a libéré de la culpabilit­é », explique Gabrielle. Pour Cécile, il lui a permis de poser un regard différent sur son fils. « J’ai compris que je devais m’adapter à son fonctionne­ment et non l’inverse. » Pour mieux gérer les émotions volcanique­s de leurs enfants, Cécile et Gabrielle ont dû chercher les clés par elles-mêmes. Et sans ce désir commun, ces deux femmes ne se seraient jamais croisées.

Par chance, dans leur ville, les chantiers de l’éducation,

structure organisée par les associatio­ns familiales catholique­s (AFC), organisaie­nt un stage destiné aux parents d’enfants surdoués. « À la suite de cette formation, explique Gabrielle, j’ai été chargée de créer un groupe de parole… Durant le stage, j’avais repéré les talents d’écoute de Cécile. Je lui ai proposé de m’aider. » Et c’est ainsi que, durant deux ans, à raison d’une soirée par mois, Gabrielle et Cécile ont participé et animé les discussion­s dans ce groupe de huit mamans réunies pour se soutenir les unes et les autres. Cécile garde un souvenir ému du premier truc qu’elle a emprunté à une autre maman du groupe. « Nous parlions des repas. Chez moi, ils étaient toujours très compliqués. Émeline* a alors expliqué que, chez elle, quand les repas viraient au fiasco, au lieu de hausser le ton, elle fermait les yeux pour

Grâce à notre groupe de paroles, des solutions ont vu le jour

se recentrer. En l’écoutant, j’ai trouvé la méthode intéressan­te. J’ai voulu l’adopter. Un soir que mes enfants se sont mis à courir autour de la table au lieu de manger, j’étais sur le point de hurler, mais au lieu de cela, j’ai attrapé le pied de la table. Je suis restée concentrée sur la sensation du froid du métal sur ma main. Et miracle : je suis restée zen. Si j’avais haussé la voix, à coup sûr, Noël aurait piqué une crise à son tour et la soirée aurait viré au mélodrame. En gardant mon sang-froid, j’ai pu confier aux enfants que j’aurais aimé passer ce temps à discuter avec eux. Nous avons alors échangé calmement.

Au fil des mois, grâce aux conseils des unes et des autres, Cécile et Gabrielle ont continué à instaurer dans leur quotidien des petites modificati­ons… comme savoir poser une limite à son petit zèbre sans craindre ses réactions face à la frustratio­n, apprendre à ne pas négocier avec lui (les enfants à haut potentiel sont maîtres dans ce domaine), lui laisser néanmoins un espace de liberté, etc. « Au bout de deux ans, nous avions acquis une méthode infaillibl­e pour améliorer le quotidien avec nos enfants. » Le groupe s’est alors dissous. Mais, très vite, Gabrielle et Cécile ont été sollicitée­s par ailleurs pour former d’autres parents comme elles. « Un papa nous a demandé d’écrire un livre sur le sujet. » Quelques mois plus tard, les deux femmes ont publié un livre, Avec lui, c’est compliqué**, un manuel pratique pour guider les parents d’enfants zèbres à mieux s’y prendre avec leurs enfants. Aujourd’hui, Noël et Sophie ont respective­ment 13 et 14 ans. Et Gabrielle et Cécile, confrontée­s aux problémati­ques de l’adolescenc­e avec leurs deux zèbres chéris pensent remonter rapidement un nouveau groupe de parole mais, aujourd’hui, face à leurs petits surdoués, elles ne se sentent plus désemparée­s !

* Prénom changé par la rédaction. ** éditions Eyrolles.

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