TÉMOIGNAGE
« Je voudrais dire à ma mère biologique que je ne lui en veux pas »
J’ai toujours su que j’avais été adoptée. Mes parents me l’ont forcément révélé un jour, mais je ne m’en souviens pas comme d’un grand événement. J’imagine qu’ils m’en ont parlé assez tôt, très simplement, et que je suis retournée jouer dans ma chambre. Je n’en ai jamais trop discuté à l’école non plus. Pour moi, ce n’était pas un sujet. J’ai grandi avec un frère aîné qui, lui aussi, avait été adopté. Nous formions une famille comme les autres, voire un peu privilégiée, à notre façon, avec des parents particulièrement aimants à la maison. J’ai surtout grandi en me disant que j’avais de la chance. C’est à l’adolescence que j’ai commencé à me poser des questions. Je me souviens avoir déclaré à mes parents que je désirais retrouver ma mère biologique lorsque je serais majeure. Je voulais pouvoir faire les démarches toute seule. Mes parents ne l’ont pas mal pris, sans doute s’y attendaient-ils, et ils n’ont pas été très inquiets. J’avais envie de savoir pourquoi cette femme m’avait abandonnée, si je lui ressemblais, ou encore si j’avais d’autres frères et soeurs. Je me suis aussi demandé pourquoi elle n’avait pas avorté quand elle a appris sa grossesse. Ma maman – c’est-à-dire ma mère adoptive, la seule que j’appellerai jamais ainsi – a accueilli mes questionnements avec bienveillance. J’avais déjà quelques informations grâce à mon acte de naissance : je savais où j’étais née, à quelle date et dans quel hôpital. Avant d’entamer mes premières démarches officielles, j’ai créé, vers l’âge de 17 ans, une première page sur le réseau Facebook, intitulée « Née sous X le 18 décembre 1995, à Pontivy », et consacrée à ma recherche. J’ai reçu beaucoup de messages de soutien qui m’ont fait du bien. La page a été partagée des milliers de fois, mais, pour l’instant, sans réponse de la femme que je cherche. Cependant, je n’ai pas dit mon dernier mot ! J’ai commencé mon enquête comme tous les enfants adoptés. Je me suis adressée à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) afin d’obtenir mon dossier d’adoption et j’ai contacté le Conseil national d’accès aux origines personnelles (Cnaop). Et puis, j’ai appris que ma mère biologique devait s’appeler Roselyne… Ce prénom, je l’ai obtenu grâce à l’hôpital où je suis née, mais je n’aurais jamais dû l’avoir ! En effet, lorsque j’ai formulé ma première demande auprès du Cnaop, j’ai en parallèle envoyé un courrier à la maternité de Pontivy. Normalement, on n’a pas le droit d’obtenir un élément d’identification de sa mère biologique tant qu’elle n’a pas donné son accord et accepté de lever le secret. Pourtant, à ma grande surprise, j’ai reçu mon dossier d’accouchement par la poste ! Cela m’a permis de connaître son groupe sanguin et de savoir comment s’était passé l’accouchement. Il y avait aussi son âge – 19 ans à ma naissance –, et des indications montrant qu’elle était apparemment toujours scolarisée à l’époque et qu’elle aurait séjourné dans un foyer d’accueil du Morbihan. Par mon dossier d’adoption, j’ai obtenu d’autres renseignements sur mon père biologique : il avait alors 22 ans et était scolarisé, lui aussi. Ce sont déjà des premiers éléments qui m’ont permis d’imaginer un peu la vie de ma mère biologique. Était-elle amoureuse ? S’était-elle retrouvée enceinte trop tôt ? Peut-être a-telle eu d’autres soucis ? D’après mes calculs, elle aurait environ 42 ans aujourd’hui, et mon père biologique 45. À ma naissance, il habitait lui aussi la région.
À chaque anniversaire, j’y pense, et je me demande si elle pense à moi
Même si toutes ces informations ne sont peutêtre pas exactes, je considère que c’est un bon début ! Plusieurs fois on m’a dit qu’on avait localisé des femmes correspondant au profil. J’ai retenu mon souffle… Mais pour l’instant, à chaque coup, ces personnes ont dit que ce n’étaient pas elles. Peut-être ma mère biologique a-t-elle été contactée mais qu’elle a préféré décliner ? Pour le moment, je n’en sais rien. Et c’est la loi : une femme qui a accouché sous X a le droit de ne pas être importunée et de faire une croix sur son passé. Les mères sont bien protégées. En attendant, les enfants restent dans le noir… À chaque anniversaire, j’y pense et je me demande si elle, elle pense à moi. Mais ce n’est pas non plus une obsession. Si je veux retrouver cette femme, c’est aussi pour lui dire que je ne lui en veux pas. Elle avait certainement de bonnes raisons d’abandonner son enfant, et puis, en faisant cela, elle m’a permis de grandir heureuse dans une famille formidable ! Je voudrais juste pouvoir m’entretenir avec elle, au moins une fois, et lui poser quelques questions. Si elle le souhaite, je suis même prête à un échange par écrit.
Le moment venu, j’espère moi aussi fonder une famille. Mon compagnon me soutient dans mes démarches. Lui pourra dire à ses enfants d’où il vient ; quant à moi, j’ai une famille merveilleuse, mais il me reste beaucoup d’interrogations, ne serait-ce que sur d’éventuels antécédents familiaux, par exemple. Malgré tout, je suis une femme épanouie. Une femme heureuse qui, chaque jour, consulte sa page Facebook sans savoir si sa bouteille jetée à la mer arrivera un jour à destination… Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignages recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.