Maxi

“Je suis fière de voir qu’elle est devenue une jeune femme équilibrée et brillante !”

Elle a élevé sa fille seule et sans aucun soutien

- * Prénom changé. Nadia

Ma plus belle récompense : que ma fille soit bientôt médecin !

En 2003, Nadia témoignait de l’impitoyabl­e bataille judiciaire menée par son mari violent. Sans ressource ni appui, elle avait repris sa liberté en emmenant sa fille, Bianca. Aujourd’hui, le duo mère-fille peut se dire gagnant : la jeune femme entre en 5e année de médecine !

Lorsque j’ai quitté le père de ma fille Bianca*, 9 ans, qui me violentait depuis des années, je n’ai rien demandé : ni pension alimentair­e, ni compensati­on matérielle – alors que je lui laissais la maison et les meubles –, rien ! Parce que je savais que cela revenait à poursuivre la vie de couple devant les tribunaux jusqu’à la majorité de notre fille. La pension, il ne la paierait pas, mes demandes seraient toutes matières à discussion. Me libérer de son emprise et de sa violence était mon seul but. Il a alors tenté le tout pour le tout : demander la garde complète ! L’horreur pour une mère. La bataille judiciaire a duré deux ans, il avait les moyens de payer de bons avocats. Mais les psychiatre­s ont été catégoriqu­es : il était très perturbé psychologi­quement. Révolté, il a alors eu des phrases définitive­s en forme de damnation éternelle : je n’avais pas de travail et je ne m’en sortirai jamais, j’allais crever de misère à la rue, et, enfin, il ne reverrait jamais Bianca, qui grandirait sans père, rêverait de le voir et m’en voudrait toujours. J’ai tenu bon. Mais j’avais peur : et si l’avenir lui donnait raison ?

C’est un ami qui me voulait du bien, l’un des rares que je croisais encore,

qui avait alerté le procureur de la République sur ma situation de femme battue et humiliée. Moi, j’avais retiré chaque fois mes plaintes, par espoir qu’il change, puis par peur de ses menaces. Mais avec l’interventi­on de la justice et sa condamnati­on à une peine de prison avec sursis, j’étais protégée : il ne connaissai­t pas ma nouvelle adresse et, s’il avait un droit de garde classique – accordé parce qu’il n’avait jamais fait de mal à Bianca –, il ne souhaitait pas l’exercer. À 35 ans, je n’avais pas vraiment de métier stable, et comme j’avais eu la bêtise d’arrêter mes études de droit par amour, je n’avais pas de diplôme. Je l’avais suivi dans sa région d’origine, près de sa famille, des bourgeois de province bien établis, en quittant sans regret ma cité et un père difficile. Reste que je n’avais plus aucun lien avec personne. Déracinée, j’ai vécu à droite à gauche, dans des hôtels modestes, des logements sociaux, chez des gens compatissa­nts, perdue, et après quatre mois, j’ai pris ma première décision : regagner la région parisienne, loin de cette maudite montagne.

Mon moteur, c’était d’avoir des projets, loin des aides sociales et des logements provisoire­s.

Grâce au bouche-à-oreille, j’ai récupéré un local dans une petite ville de banlieue, que j’ai transformé avec l’aide de Bianca, pleinement associée à cette nouvelle vie loin des cris. Elle voulait tout faire en rose ! Le rire revenait entre nous, c’était le début d’une complicité qui avait toujours été écrasée par la violence, même si Bianca ne la subissait pas directemen­t. Elle a compris qu’une maman pas maltraitée était plus douce. Quand je l’ai envoyée chez la psychologu­e, elle a jugé que c’était moins amusant que nos soirées télé, nos promenades dans les bois ou la déco de la maison, notre passion commune dès que j’ai pu louer un petit deuxpièces. Notre appartemen­t est devenu une bonbonnièr­e ! Mon objectif, c’était de nous faire

un nid où Bianca pourrait s’épanouir. À 10 ans, elle a mis sur pied son projet de reconstruc­tion personnell­e : faire des études, devenir médecin. C’était très ambitieux, mais je ne voulais pas casser ses rêves. Je ne gagnais pas beaucoup d’argent, mais je lui ai dit : « Je me priverai de tout s’il le faut, mais tu pourras ne te consacrer qu’à tes études. »

Bianca est devenue une élève brillante,

toujours la tête dans ses livres ! Je la regardais avancer, tête baissée, sans faire de crise d’adolescenc­e. Elle préférait ses recherches sur Internet aux amis, qu’elle trouvait « bébés ». Après son bac, qu’elle a obtenu avec mention en section S, elle a décidé de prendre une année sabbatique. Pas pour aller sous les palmiers, mais pour suivre des cours d’éthique ! Elle a un vrai souci de l’autre, qui vient sans doute de notre histoire. Moi aussi, j’ai participé à une associatio­n d’aide aux victimes de combats judiciaire­s, notamment conjugaux. Je le confirme : aider les autres soigne et permet de se détourner de soi. Elle est entrée en première année de médecine, puis en deuxième… jusqu’en cinquième cette année !

Je suis fière de ma fille, de son équilibre, et de notre petite vie tranquille.

Sans nouvelles du père depuis 2003, j’ai toujours dit que je ne pouvais pas le remplacer, et je n’en ai jamais dit du mal. Bianca assure que rien ne lui manque. Quant à moi, j’ai eu tellement de bonheur à voir ma fille construire son avenir que je n’ai jamais pu laisser un homme entrer dans notre vie à toutes les deux. Bianca m’a inscrite à mon insu sur un site de rencontres, et moque de moi en me traitant de bonne soeur, mais rien à faire, je crois que j’ai perdu la foi il y a plus de vingt ans ! La foi en l’amour d’un homme, car la fibre maternelle est bel et bien là, et elle sauve de tout !

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