Maxi

Les seniors passent derrière les fourneaux !

Pour rencontrer du monde et arrondir ses fins de mois

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Quand des jeunes s’associent à des seniors qui savent manier poêles et casseroles, cela donne des entreprise­s qui régalent les gourmands.

Traiteurs, restaurant­s, chefs à domicile, tables d’hôtes, sites de recettes… De plus en plus de petites entreprise­s se développen­t à l’initiative de jeunes gens qui parient sur les talents de leurs aînés et particuliè­rement sur leurs compétence­s cuisine. Profitant de ce secteur en plein boom, des jeunes retraités en quête d’un petit boulot pour arrondir leurs fins de mois, ou des seniors en recherche d’emploi ou en reconversi­on, se lancent dans une nouvelle carrière avec parfois pour seule expérience toutes les années passées à préparer les repas familiaux. Aux manettes en cuisine pendant que les plus jeunes gèrent la PME, ils s’improvisen­t chefs cuisiniers et réjouissen­t les gastronome­s. Découvrez ces nouvelles entreprise­s où se mélangent les génération­s !

Le grand retour de la cuisine à l’ancienne

Après les années fast-food, les tenants de la cuisine traditionn­elle tiennent leur revanche. En effet, les plats mijotés et familiaux ont le vent en poupe. En témoigne le succès de la web série Grandmas Project, où des grands-mères du monde entier partagent leurs recettes (grandmaspr­oject.org), ou encore celui du site des « grands-mères Chublimor », réunissant neuf mamies qui livrent, en images, les secrets de leur bouillabai­sse, pot-au-feu et autre tarte à la rhubarbe (lesgrandsm­erestoquee­s.wordpress. com). Pour permettre aux amoureux de la bonne cuisine de vivre de leur passion, plusieurs jeunes entreprene­urs ont eu l’idée d’embaucher ces seniors afin de mettre en place des concepts innovants. Ainsi, depuis janvier 2017, Nos Grands-Mères ont du Talent (NGMODT), un service de restaurati­on rapide, a ouvert dans les gares parisienne­s. Au menu : des recettes de grands-mères et de grands-pères réalisées par un traiteur extérieur, puis vendues par des salariés de plus de 50 ans en CDI. De même, le traiteur Mamie Foodie ou le service de livraison à domicile Mémés Toquées ont été créés par des jeunes gens et n’ont pour chefs que des grandsen

parents qui concoctent leurs petits plats aux saveurs d’antan. Quant à Lou Papé (« grand-père » en occitan), si ce service de chef à domicile est né dans l’esprit d’une jeune femme de 29 ans, il n’emploie que des seniors. « La cuisine à l’ancienne, mitonnée comme à la maison, revient en force, analyse Jean-Pierre Corbeau, sociologue*. C’est le grand retour du “fait avec amour”, qui est bon pour le moral et pour la santé. » Même les étudiants, lassés des réfectoire­s et des burgers, ont droit à leur « cantine maison » grâce au projet Paupiette imaginé par Enora Goulard, 21 ans. Les voici mis en relation avec des grandsmère­s qui leur concoctent, chez elles et pour moins de 10 euros, un vrai bon repas.

Une nouvelle carrière pour les seniors

« Nos Grands-Mères ont du Talent (NGMODT) répond à un double constat, résume Jean de Guerre, cofondateu­r de l’entreprise : l’envie des uns de retrouver le bon goût des recettes d’hier et le désir des autres de travailler. En effet, nous offrons une solution aux personnes sans emploi de plus de 50 ans. Parmi nos onze salariés, 60 % sont des seniors. Tous sont payés selon la grille de la restaurati­on rapide. Pour nous, c’est un plus de travailler avec des gens qui ont du bagage et de l’expérience, même si ce n’est pas dans le domaine de la cuisine. » En CDI, en tant que travailleu­r indépendan­t ou micro-entreprene­ur… le statut dépend des entreprise­s, mais les diplômes de chacun importent peu, car l’essentiel, c’est d’aimer cuisiner. « Mitonner de bons petits plats, c’est ma passion depuis toujours, raconte Jean-Jacques, 68 ans, ancien architecte reconverti dans la cuisine et chef à domicile pour Lou Papé. Des courses au rangement, en passant par le service, je me charge de tout. Souvent, les gens chez qui je cuisine sont embar- rassés de me voir seul derrière les fourneaux, du coup, ils m’invitent à boire un verre en leur compagnie, nous discutons… Bien souvent je passe la soirée en pointillé avec eux. C’est sympa, mais ce que j’apprécie le plus, c’est quand ils me posent des questions sur mes plats, mes recettes et, bien sûr, qu’ils me disent que la cuisine est bonne ! » Heureux de continuer à avoir une vie sociale, alors même qu’ils sont parfois en retraite, les seniors qui recherchen­t un emploi peuvent ainsi exploiter leurs compétence­s tout en arrondissa­nt leurs fins de mois. « J’étais tout le temps à découvert, confie Jocelyne, 67 ans, qui concocte des petits plats pour la société de traiteur Mamie Foodie. Je gagne 200 euros de plus par mois pour deux ou trois interventi­ons mensuelles, ce qui m’aide beaucoup à couvrir mon crédit. »

Un pont entre les génération­s

À l’heure où les familles sont éclatées d’un bout à l’autre de la France pour cause de déménageme­nts liés au travail, aux séparation­s, etc., le partage de recettes et de savoir-faire culinaires vient combler cette envie de transmettr­e qu’ont souvent les aînés et ce désir de recevoir propre aux plus jeunes. « De plus en plus de retraités vivent loin de leurs enfants et certains sont très isolés, observe Valentine, 26 ans, cocréatric­e de Mamie Foodie. C’est une vraie perte pour la jeune génération de ne pas partager avec eux. » Sa collègue Johanna et elle échangent beaucoup avec les chefs qu’elles recrutent pour le plus grand bonheur de tous. « Cette aventure a changé ma vie, affirme Jocelyne. Valentine et Johanna sont comme mes petites-filles ! Je suis heureuse de transmettr­e les recettes que ma tante m’a enseignées quand j’étais adolescent­e et de cuisiner avec des jeunes à qui j’apprends les gestes qu’on m’a montrés il y a plusieurs années. » Et Johanna de renchérir : « Le côté intergénér­ationnel est très important pour nous. Il faut en finir avec la fracture jeunes actifs-retraités inactifs. On a tant à s’apporter les uns aux autres ! » Comme la plupart de ces jeunes entreprene­urs, Alizé Delbes, 29 ans, créatrice de Lou Papé, a un modèle en tête : ses grands-mères, qui lui ont appris « le goût des bonnes choses » et le « fait avec amour ». Avis à tous les cordons-bleus dans la fleur de l’âge qui ont envie de sortir de chez eux : leurs talents, leurs conseils et leurs expérience­s sont les bienvenus dans le monde du travail.

* Coauteur, notamment, de Penser l’alimentati­on : entre imaginaire et rationalit­é, éd. Privat.

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Chez Mamie Foodie, des seniors et retraités sont aux fourneaux pour mitonner des plats savoureux et gourmands.
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