C’EST D’ACTUALITÉ Les tests ADN sur Internet
Il est possible de commander facilement des kits sur le Web pour faire parler son ADN. Une pratique risquée à bien des égards.
ur les réseaux sociaux et sur Internet, de plus en plus de publicités vantent les avantages des tests ADN. On peut en effet découvrir d’où viennent ses ancêtres, comment leurs descendants se sont répartis sur la surface de la Terre, mais aussi quelle est notre probabilité de développer certaines maladies… En plein essor aux États-Unis, cette pratique des tests ADN, dits « récréatifs » ou « de complaisance », est interdite en France. Pourtant, plus de 56 % d’entre nous souhaiteraient réaliser un tel test*. Médecins, psy, juristes s’efforcent de mettre en garde contre cette tentation qui peut bouleverser bien des vies. * Étude sur Geneanet, mai 2018.
Des tests facilement accessibles
Aux États-Unis, en 2017, le marché a explosé. 12 millions d’Américains ont réalisé des tests ADN chez eux pour le plaisir d’en savoir davantage sur leurs origines. Ces kits ont même fait partie des
cadeaux offerts à Noël et pour la fête des Pères. Aujourd’hui, le phénomène gagne l’Europe : de 69 à plusieurs centaines d’euros, de nombreuses sociétés envoient par courrier tout le matériel nécessaire pour réaliser des prélèvements chez soi. Une sorte de Coton-Tige permet de récupérer un peu de salive, puis on le glisse dans un petit tube hermétique que l’on poste pour qu’il soit analysé dans un laboratoire. Et si l’on veut comparer son ADN à celui d’une autre personne (pour être certain de sa filiation, par exemple) sans que cette dernière ne soit au courant, il faut alors récupérer un mouchoir usagé, des cheveux… et les envoyer avec sa propre salive. Quelques semaines plus tard, les résultats arrivent par courrier ou sont consultables sur Internet. En France, cette pratique est totalement interdite. Seul un juge peut demander une comparaison d’ADN pour établir ou contester que telle personne est bien le père, la mère, la fille, la soeur de telle autre. De même, il n’y a que les médecins qui peuvent prescrire des tests de dépistage génétique.
Mieux connaître ses origines
De quel peuple êtes-vous originaire (celte, germain, viking…) ? Dans quelle région vivaient vos ascendants ? Dans quelle partie du globe avez-vous désormais des chances de retrouver des cousins très éloignés ? Voici quelquesunes des questions auxquelles répondent les sociétés qui proposent de réaliser ces tests. De quoi piquer la curiosité des passionnés de généalogie ! « J’ai appris que j’avais des ancêtres italiens, espagnols et turcs, s’amuse Liliane, 48 ans, qui a reçu un kit en guise de cadeau d’anniversaire. Je savais que j’avais des origines méditerranéennes, mais sans précision. Aujourd’hui, j’en ai la preuve. Cette découverte m’a d’autant plus amusée que mon mari est Italien ! » Et, si vous le désirez, ces sociétés de tests vous mettent même en relation avec des personnes possédant un patrimoine génétique approchant. Estelle, 41 ans, née sous x, n’avait aucun élément sur ses parents : « Grâce à un test, j’ai découvert que j’étais d’origine portugaise et marocaine. Une partie du voile de ma naissance s’est ainsi levée, ce qui m’a apaisée. J’hésite maintenant à chercher des personnes de ma famille biologique car j’ai peur que cela perturbe l’équilibre actuel de ma vie. » « Les découvertes sur sa filiation peuvent entraîner des bou- leversements très importants, prévient Maureen Boigen, psychothérapeute et spécialiste de la psychogénéalogie, auteure de L’Expérience de l’arbre, guérir des mémoires familiales (éd. Chiron). Ils peuvent briser des certitudes si l’on découvre que son père n’est pas son géniteur, par exemple, ou ébranler sérieusement un arbre généalogique que l’on croyait bien enraciné si l’on apprend que son frère ou sa soeur est en fait un demi-frère ou une demi-soeur… » C’est bien pour cette raison que les tests ADN sont si encadrés en France : pour éviter de découvrir, seul chez soi, par un simple courrier, des vérités bouleversantes. Celles ou ceux qui décident de passer outre ont tout intérêt à se faire accompagner dans leur démarche par un psy qui pourra les aider à surmonter d’éventuelles révélations difficiles à digérer.
Prédire notre santé ?
Cancers, troubles oculaires, maladies auto-immunes, diabète, obésité, arthrite, maladie cardiovasculaire, maladies d’Alzheimer, de Parkinson… près de quarante maladies ont une origine génétique. En pratiquant un test, on peut savoir quel est le pourcentage de risque de les développer : « Connaître l’impact de vos gènes sur votre santé peut permettre de mieux planifier votre futur et personnaliser votre suivi médical », affirme ainsi un site Internet vendant ces tests. « Parce que ma mère et ma grand-mère ont eu un cancer du sein, j’ai commandé un test, confie Sandra, 51 ans. Au moment d’ouvrir le courrier et de lire les résultats, j’ai failli tomber dans les pommes ! Finalement, mon pourcentage de développer cette maladie est faible. » Soulagement si les tests révèlent une faible disposition à la maladie, panique s’ils sont alarmants… La lecture des résultats peut être un véritable choc. En France, seuls les médecins prescrivent ces tests quand ils suspectent une maladie génétique dans la famille. Contrairement aux autres examens de laboratoire, c’est le médecin prescripteur qui, lors d’un rendez-vous, explique et détaille les conséquences car les résultats ne sont pas des diagnostics mais des statistiques. Ils indiquent que l’on a x % de risques de développer telle maladie. Dès lors, on est informé sur les mesures préventives que l’on peut adopter (une éventuelle ablation des seins, un changement d’alimentation…). Et, quand il y a un traitement, on peut bénéficier d’un suivi médical plus poussé. Cela peut permettre aussi d’adapter notre mode de vie car l’apparition de certaines maladies ne dépend pas uniquement de notre ADN : les facteurs comportementaux (tabac, alcool, sport…) et environnementaux (pollution…) entrent bien sûr aussi en compte. Toutefois, cela peut également générer une véritable anxiété ! Comment vivre sereinement quand on sait que l’on va développer une sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson ? Alors, savoir ou ne pas savoir ? Telle est la question à laquelle chacun est libre de répondre comme il le souhaite en fonction de son histoire.