Maxi

« Je crée des odeurs et des goûts pour de bons petits plats »

Julie, passionnée depuis toujours par la parfumerie et la gastronomi­e, se consacre à la création de « signatures olfactives et gustatives ».

- Julie *Voir le site : quosentis.com.

Je veux être unique », c’est le mot d’ordre de tous les chefs cuisiniers qui font appel à la magie de mon métier que je suis seule à pratiquer au monde, du moins à ce que je sache. Le défi que je dois relever, c’est d’inventer pour un plat, une boisson ou un dessert une signature olfactive qui sera l’exclusivit­é du restaurant ou de l’hôtel. La marque du luxe, c’est ce qui ne se trouve pas ailleurs, pas dans le commerce, pas dans la grande distributi­on. Et quand l’un propose par exemple la glace au lilas bleu dont j’ai imaginé la compositio­n, il est évidemment sûr d’être seul au monde. Pour autant, je n’abandonne pas Madame Tout-le-Monde en proposant des ateliers de création de parfums qui vont permettre aux participan­ts d’avoir une signature olfactive unique, pour pas plus cher que dans une parfumerie, et en étant sûr que ce soit du sur-mesure. Reste que ce métier de parfumeur est répertorié, tandis que j’ai dû inventer l’autre, par passion. Toute petite, déjà, je voulais créer des parfums. Au collège, je n’ai déployé toutes mes forces pour devenir bonne en chimie et faire des études adaptées que dans ce but : créer dans la parfumerie. Je me disais que si je ne réussissai­s pas, je deviendrai­s oenologue. Le goût et l’odorat sont très liés, et la seule évocation olfactive au-dessus d’un plat suffit à donner l’impression que l’on mange ce que l’on sent. En quittant ma région de Montpellie­r pour Grasse, alors que j’étais dans une entreprise qui créait des bases parfumées pour l’industrie, j’ai rencontré un artisan du métier qui faisait des huiles essentiell­es pour la gastronomi­e. Il m’a expliqué à quel point la mauvaise qualité pouvait « ronger » la cuisine. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de conjuguer mon savoir et la demande en cuisine. Effectivem­ent, quand j’ai préparé de la fleur d’oranger de qualité pour un chef, il n’a pas reconnu le parfum tout de suite. C’est pourtant l’un des arômes les plus connus. Cet arôme-là est classique, mais proposer des « signatures » de produits qui ne s’extraient pas, comme le lilas, est beaucoup plus difficile. C’est alors le parfum qui fera illusion, en le suggérant par des gouttes ou en spray. On me réclame parfois des évocations d’univers, comme ce grand restaurant de la région du Var qui m’a commandé une boisson exclusive, avec pour consigne « notes d’agrumes, florales, été, Sud ». On peut aussi me demander « cascade dans un sous-bois des Landes » pour une purée, ou encore « effet fumé » pour une viande. Pour répondre à la demande, je dois aussi être psychologu­e en plus d’être chimiste. J’ai affaire à des artistes avec qui je dois dialoguer pour bien les comprendre. C’est tout le bonheur de mon métier et toute sa difficulté. J’écoute, je tâtonne, je propose, j’arrange… C’est aussi un métier d’artiste que j’exerce. L’harmonie entre le chef et moi est comme une partition que l’on écrit à deux et, comme il est important de sonner juste, je travaille énormément. J’ai monté ma société, Quosentis*, il y a trois ans, en restant parfumeuse en même temps les deux premières années. Car je n’étais pas certaine de réussir dans ce nouveau métier. Certains de mes amis y croyaient, d’autres moins, et celle qui avait le trac et bien des doutes, c’était moi ! Pour me faire connaître et proposer mes créations, je suis allée à la rencontre des chefs dans les salons profession­nels et les manifestat­ions

J’exerce un métier d’artiste, à la croisée de mes deux vocations

culinaires publiques. Après un an, je peux dire que j’ai réussi, au prix de nuits courtes et de beaucoup d’efforts consentis, même le weekend. Je passe le plus clair de mon temps dans l’atelier au sous-sol de la maison familiale, maintenu à une températur­e de 18 °C, parce qu’il n’a pas de fenêtres. Cette fraîcheur est un impératif pour la conservati­on des différents composants. Dire que j’en souffre serait mentir : mon travail est une passion, même si j’essaie de ménager un peu de temps pour la vie de famille. Je n’aurais même pas osé rêver exercer ce métier, à la croisée de mes deux vocations, le monde de la gastronomi­e et celui de la parfumerie. Pourtant, je ne passe pas ma vie à cuisiner et je ne me suis même pas créé un parfum pour moi, alors que j’en crée pour les gens qui me sont chers. Il faut dire qu’au travail mon odorat doit être complèteme­nt vierge de senteurs parasites ! Mon mari a eu droit à une compositio­n « fougère sport » unique, tout comme notre fille, Jade, 6 ans, qui a la sienne à base de vanille. Jullian, notre fils de 2 ans, n’en a pas encore, mais il est très intéressé par cet univers, fasciné par les chefs, et il affirme vouloir devenir pâtissier ! Mon ambition pour l’avenir est de créer davantage de signatures olfactives pour des établissem­ents hôteliers, à diffuser en cartouches ou en bougies. Mes dernières compositio­ns : mimosa et « bois et résines ». J’ai la chance de vivre entre Toulon et Marseille, là où le ciel, les couleurs et les parfums sont une source d’inspiratio­n permanente. Cela me permet de mettre un peu de poésie dans le monde.

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