Maxi

« Un joli tatouage sur ma cicatrice a complèteme­nt changé ma vie ! »

Joëlle n’avait aucune affinité avec le monde du tatouage quand une vilaine balafre est venue gâcher sa vie : la trace d’une ablation-reconstruc­tion du sein liée à son cancer. Pour ne plus subir cette séquelle, elle a décidé d’en faire un atout de séductio

- Joëlle

Je veux être belle toute nue ! C’est la motivation que j’avais en juin 2016, six mois après la fin de mes soins, quand j’ai eu l’audace d’aller me renseigner dans un salon Tattoo à Angers, moi, la cinquanten­aire classique, au milieu d’une foule bigarrée de jeunes tatoués et percés. La honte ! On pourrait se dire qu’à 52 ans, avoir cet impératif esthétique alors qu’on vient de survivre à un cancer du sein bien avancé, c’est un peu futile. Sauf que j’ai juré que je ne perdrai jamais mon mari, père de quatre de mes enfants, qui m’a connue déjà maman. J’en suis amoureuse comme au premier jour, et c’est réciproque. Lui ne me demandait rien du tout, mais moi, j’avais vécu cinq mois de chimio et un de radiothéra­pie, qui nous avaient imposé de vivre comme frère et soeur pendant tout ce temps. Et je ne voulais plus de ça. Pourtant, chaque soir en me couchant, je ne pensais qu’à cette balafre que je trouvais horrible et qui m’obsédait, même si elle était dans mon dos. Je la trouvais affreuse : vingt centimètre­s de long et plusieurs millimètre­s de large, trace de l’ablation d’un muscle qui avait servi à me reconstrui­re le sein. Que je me regarde dans la glace ou que je fuis le miroir, j’y pensais trop. J’ai un grand souci de l’apparence : avoir bonne mine et me sentir belle me donne le moral. D’ailleurs, je tiens un salon de coiffure, ce n’est donc pas un hasard ! C’est notre fille Beryl, 20 ans aujourd’hui, qui m’a envoyée chez Tattoo, parce que Jeff, un tatoueur de ses amis, s’y trouvait. Quand je l’ai vu – la cinquantai­ne, une stature impression­nante, tatoué de partout, avec des trous dans les lobes d’oreille –, j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai approché… Je lui ai demandé un entretien à part et lui ai exposé mon problème. Lorsqu’il m’a demandé de soulever mon tee-shirt pour évaluer la possibilit­é de répondre à ma demande, j’ai obéi… et j’ai fondu en larmes. Par pudeur et parce que cette cicatrice, c’était le symbole de la maladie. Il m’a dit, très pro : « C’est possible, mais je ne ferai rien sans l’avis de votre chirurgien. Et je ne tracerai pas pile sur la cicatrice. Je vois bien une branche de cerisier… » Moi qui avais regardé sur Internet et dessiné des papillons, c’était raté, mais il avait raison. Au rendez-vous suivant dans son salon personnel, j’ai précisé : « avec des fleurs rouges ! » Il m’a dit d’accord, et le rendez-vous a été pris pour septembre. J’étais confiante : c’était propre, aseptisé, et il était rassurant et plein de maturité. Dès le début, il a respecté ma pudeur et ma psychologi­e en me tendant des grandes feuilles de papier ménage et du sparadrap : « Allez vous préparer et vous me direz quand vous serez prête. » J’ai caché mes seins et je suis revenue lui présenter mon dos, assise la tête posée sur une table. Le travail artistique a duré 4 heures, de 14 heures à 18 heures, parce que j’avais décidé que ce serait en une fois. Dire que je souffrais est un faible mot, mais quand j’avais mal, je me disais : « Pense à ton cancer, tu as enduré pire ! » Parfois, Jeff allait fumer une cigarette et j’allais me regarder dans la glace. Plus il avançait, plus j’avais de courage. Et j’avais une autre astuce pour tenir, surtout au moment des fleurs, passage le plus douloureux : « Pense à ton mari ! » C’est difficile de décrire ma fierté quand je suis rentrée chez moi ! Arthur, 11 ans, Inès, 17 ans, Hugo, 18 ans, Beryl et mon mari, évidemment, m’ont accueillie comme une héroïne et je me disais : « Je l’ai fait ! Je suis allée jusqu’au bout. » Je n’en revenais pas. Cela m’a servi de déclic pour me redynamise­r : je mange sain et j’ai arrêté la viande, je fais de la danse afro-brésilienn­e, de longues marches, et maintenant ménopausée, je garde la ligne et j’ai une plus belle poitrine que jamais ! L’ablationre­constructi­on ayant augmenté le volume d’un sein, le chirurgien a assorti l’autre ; j’ai donc des bonnets B, alors qu’avant j’avais des bonnets A. Je ne dis pas que le cancer est une

Une branche de cerisier en fleurs, en guise de cicatrice

chance, c’est un fléau et j’ai vécu l’enfer, mais j’ai décidé d’en faire quelque chose ! Je me suis mise à écrire de la science-fiction pour les jeunes sur le désastre écologique*, avec une ambition : que les droits me rapportent de quoi créer une maison d’accueil pour femmes battues quand je serai à la retraite. Cette cause me tient à coeur parce que je suis une femme comblée et que je voudrais que toutes les femmes arrivent à fuir leurs bourreaux et à se tourner vers le bonheur. D’ici là, mon mari et moi profitons de notre vie de couple retrouvée en ayant des week-ends en amoureux, sans oublier d’en passer avec chacun de mes enfants, en tête à tête, ce que je n’aurais jamais fait auparavant. Le tatouage représente un peu la signature de ma nouvelle vie et la preuve qu’il n’est pas forcément une erreur de jeunesse, mais qu’il peut devenir un symbole de maturité !

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