La gentillesse : une valeur qui a la cote
Depuis huit ans, cette journée mondiale permet de (re)mettre à l'honneur des valeurs indispensables pour vivre ensemble en harmonie.
Samedi prochain, la Journée de la gentillesse sera célébrée en France. Chez soi, dans la rue ou au travail, nous serons invités à prendre soin les uns des autres. Venue du Japon, l’initiative ne date pas d’hier : elle a vu le jour en 1960, à Tokyo, à la suite d’émeutes entre étudiants et forces de l’ordre, avec pour finalité d’apaiser les esprits. Le directeur de l’université avait en effet suggéré aux étudiants des actes de gentillesse à l’égard de la population, qui commençait à craindre ces jeunes prêts à en découdre avec la police. Message reçu et largement diffusé dans l’île nippone et qui va, peu à peu, en dépasser les frontières. En 1998, un mouvement mondial appelé World Kindness Day (Journée mondiale de la gentillesse) est organisé dans quinze pays, et sera adopté par la France en 2010. Reconnue comme une qualité humaine essentielle, la gentillesse est considérée comme utile par 50 % d’entre nous et se traduit par « être attentionné » pour 52 %*. Et si l’on exprimait ce sentiment un peu plus ? * Sondage TNS Sofres, 2015.
Une qualité qui n’a pas toujours été plébiscitée La gentillesse n’a pas toujours été bien perçue : « Je me souviens avoir dit à un serveur qu’il était “gentil”, sourit le philosophe Emmanuel Jaffelin, chercheur et auteur du livre Éloge de la gentillesse (éd. Pocket). Il a presque été vexé et m’a répondu préférer qu’on le trouve “sympathique”. » En 2010, lors du lancement de la Journée de la gentillesse en France, 41 % d’entre nous craignaient qu’en étant « trop gentils », ils soient « pris pour des imbéciles ». Heureusement, les temps ont changé ! « En valorisant la gentillesse, on a réussi peu à peu à faire passer l’idée que ce trait de caractère était une véritable force et non une faiblesse, ajoute Emmanuel Jaffelin. Dans notre société où les relations entre les individus sont parfois très tendues, on s’aperçoit – enfin – que la gentillesse génère un peu de douceur, une meilleure atmosphère et entraîne un cercle vertueux : plus on est gentil avec les autres, plus les autres ont envie de l’être également. » À l’école aussi, la gentillesse refait son entrée. « Pour contrer la violence, verbale et physique, qui a
gagné les cours de récréation, beaucoup d’enseignants et de parents encouragent l’empathie », raconte Catherine Latrompette, qui a créé l’association Marcel Ment, après que sa fille a été victime de harcèlement scolaire. « Dans ce cadre, j’interviens auprès de jeunes pour les encourager à tendre la main à leurs camarades s’ils sentent que ces derniers sont malheureux ou qu’ils ont besoin d’aide. »
Mise en avant de la bienveillance au travail
Signe que les bons sentiments sont de plus en plus appréciés, ils ont même gagné le milieu professionnel ! En 2015, trois cents entreprises françaises ont ainsi signé un Appel pour la bienveillance au travail, afin de donner du sens à la fonction de chacun, développer la qualité des relations et le mieuxvivre ensemble, et veiller au bienêtre des individus. « L’idée d’un management bienveillant peut prêter à sourire, reconnaît Isabelle ReyMillet, spécialiste du bien-être au travail au cabinet Ethikonsulting. Cependant, les études montrent que les salariés travaillent mieux dans une ambiance positive, où l’on communique de façon plus cordiale. Cela signifie critiquer de façon constructive : par exemple, au lieu de dire à un collaborateur ou collègue que son travail est nul, lui proposer de voir ensemble comment on peut l’améliorer. Le remercier chaleureusement et sincèrement s’il donne un coup de main, et le féliciter quand son travail est bien fait, ce qu’on oublie souvent ! » Fondateur de l’agence de voyages Marco Vasco, Geoffroy de Becdelièvre a carrément créé un poste de « happiness manager » (un responsable du bonheur) : « C’est une personne essentielle dans notre entreprise. Elle prend des initiatives positives : création d’une salle de sieste pour les employés fatigués, proposition de séances de massage gratuites ; elle rend des services : récupération de colis attendus par les employés; elle organise des fêtes… » Mais si cet employeur est bienveillant, c’est avant tout pour ses collaborateurs. « Nous savons que nous demandons beaucoup à nos salariés en termes d’horaires et de cadences. Si nous voulons qu’ils restent avec nous le plus longtemps possible, il faut que les relations et l’ambiance soient bonnes. » Et que la gentillesse soit sincère, c’est-à-dire non calculée pour faire croire aux employés qu’ils sont respectés, alors qu’en fait, ils ne le sont pas !
Le 3 novembre (et les autres jours), soyons gentils !
Chaque année, les partisans de la Journée de la gentillesse recommandent de multiplier les petites attentions envers autrui : dire bonjour à ses voisins, au chauffeur en montant dans le bus, à ses collègues en arrivant au travail… « Un petit mot de politesse paraît anodin, mais peut faire toute la différence », rappelle Emmanuel Jaffelin. Le sourire, ensuite, distille de la bonne humeur et exprime le plaisir de se croiser. Cette bonne habitude vaut dans la vie comme sur les réseaux sociaux, où l’on s’apostrophe sans ménagement. Tenir la porte à la personne qui suit, proposer d’apporter un café ou remercier pour un service rendu ou une attention… Autant de gestes que l’on devrait prodiguer quotidiennement, mais qui se perdent quand on est pressé, préoccupé… On peut aussi oser les bonnes surprises. Au travail, un salarié surprendra ses collègues en apportant des viennoiseries, en disant à l’un d’eux qu’il est content de travailler avec lui… Et en famille ou avec les amis, pourquoi attendre Noël ou un anniversaire pour envoyer un petit cadeau à un proche ? D’autant que la gentillesse est contagieuse : lorsque quelqu’un est bienveillant avec une personne, celle-ci le devient à son tour avec quatre autres personnes*… Ce serait donc dommage de s’arrêter là. Autant remettre cela le 3 novembre… et les jours suivants ! * Selon le chercheur et psychologue américain, James Fowler.