L’avis de l’expert
Catherine Vanier*, psychanalyste et chercheuse associée au CRPMS** de l’université Paris Diderot-Paris 7
Les moeurs ont évolué… Pourquoi certains hommes sont-ils toujours réticents à évoquer leur ressenti ?
Il reste l’idée selon laquelle un homme doit montrer son contrôle, sa force et ne pas exprimer ses émotions aussi librement que les femmes.
Les hommes ont tendance à être davantage du côté du « faire » et à penser que cela ne sert à rien d’exprimer ce qu’ils ressentent tant qu’ils n’ont pas d’issue à leur problème. Il faut dire que les mères sollicitent davantage leurs filles que leurs garçons sur le mode de la communication intime. Dans le lien mère-fille, il y a plus de place pour les émotions et les confidences, moins avec les petits garçons.
Comment s’y prendre pour faciliter leur parole ?
Certains modes de communication invitent à l’expression de l’intimité. Comme parler de soi : « Je suis soucieuse… », ou bien poser à l’autre des questions en avançant à pas prudents : « J’ai l’impression que tu es fatigué ou préoccupé… »
Les hommes ont tendance à protéger leur image, surtout quand ils évoquent leurs soucis, et l’erreur serait de se positionner en infirmière ou en psy. Mieux vaut pratiquer l’écoute active, empathique, proposer des pistes de solutions sur le mode : « Tu ne penses pas que… », « Ce ne serait pas une bonne idée de… ». L’important est de se positionner en partenaire.
La technique vaut aussi pour les enfants. Leur parler de soi au même âge, quand on faisait face aux mêmes difficultés, est rassurant pour eux et cela les incite à se confier.
Quelles sont les erreurs à éviter ?
Les questions directes, vécues comme intrusives, ou les discussions trop longues, qui donnent à l’autre le sentiment qu’il subit un interrogatoire. Autre écueil : attendre le même type de communication que celui que l’on pratique soi-même. Il est important de respecter la personnalité de l’autre.
Il y a des « taiseux », des introvertis, des impatients, des hyperactifs, qui mettent l’action bien au-dessus de la parole. Savoir à qui l’on a affaire et en tenir compte facilite les choses. Il est important d’accepter que l’autre, même si c’est notre conjoint ou notre fils, a une part qui nous échappe et qu’il veut garder pour lui. À nous de faire la différence entre un comportement fermé et une expression en mode mineur, mais authentique. Pour certains hommes, dire « ça ne va pas fort » est déjà un aveu d’importance. On peut leur proposer d’être plus explicites, ou leur demander s’ils veulent en parler et dire que l’on est là, à leurs côtés.
* Auteure, avec Bernadette CostaPrades, d’Autisme, comment rendre les parents fous ! (Albin Michel) et Qu’est-ce qu’on a fait à Freud pour avoir des enfants pareils ? (Flammarion). ** Centre de recherche psychanalyse, médecine et société.