C’EST D’ACTUALITÉ Filles ou garçons : laissez-les s’épanouir sans préjugés
Les filles sont calmes et aiment la danse. Les garçons sont bagarreurs et se passionnent pour les arts martiaux… Les stéréotypes n’en finissent pas d’être diffusés dans notre société. Heureusement, nous pouvons les contrer.
Dans l’une de ses dernières publicités, un célèbre centre de loisirs proposait aux « gentilles petites filles » et aux « courageux garçons » de venir vivre une aventure royale. Tollé sur Internet : de nombreuses personnes se sont indignées de voir affichés autant de clichés ! La publicité en question a vite été retirée, mais elle en dit long sur le fait qu’en 2018 les idées préconçues sur les filles et les garçons sont encore bien présentes dans notre société. D’ailleurs, 84 % des Français reconnaissent véhiculer malgré eux des idées sexistes*. Sans nous en rendre compte, parents, grandsparents, oncles, tantes… entretenons tous de nombreux stéréotypes. Et si nous agissions pour, enfin, faire changer les choses ? * Sondage Mediaprism, pour le groupe de réflexion Laboratoire de l’égalité, 2011. Des idées préconçues véhiculées malgré nous Dans notre quotidien, et généralement de manière totalement involontaire, nous entretenons de nombreux stéréotypes : qui n’a jamais acheté un vêtement rose ou pastel pour un bébé fille, ou un pyjama bleu pour un garçon ? De même, quand on ne sait quoi offrir, on se dirige vers une poupée ou une robe de princesse pour une fillette, un camion ou un déguisement de chevalier pour un garçonnet. Or, ces présents, ces vêtements envoient des messages aux enfants sur ce qu’ils « doivent » être : une fille doit être douce, sage, organisée, belle et gentille, tandis qu’un garçon doit être intrépide, costaud, sportif, fort et courageux. « Ces messages enferment les enfants dans des cases », analyse Céline Piques, porte-parole de l’association Osez
le féminisme. « Des études ont montré que, lorsqu’un bébé fille pleure, nous en déduisons qu’elle est triste, tandis que s’il s’agit d’un garçon, nous expliquons qu’il est en colère », reprend-elle. Ces idées préconçues influencent nos propres comportements : nous allons consoler la fillette tandis que nous allons « endurcir » le garçon en le laissant « piquer sa colère ». « D’une certaine manière, nous les façonnons : si une fillette aime jouer à la bagarre et se passionne pour les voitures de police, certains vont lui faire remarquer qu’elle est un “garçon manqué”. Elle aura ainsi l’impression de ne pas agir comme une fille doit le faire et “corrigera” son comportement pour adopter celui que l’on attend d’elle », ajoute Margaux Collet, formatrice sur les questions d’égalité homme femme, auteur de Beyoncé est-elle féministe ? (éd. First). « Cela limite leurs possibilités futures, se désole Céline Piques. Cette petite fille qui aime la bagarre fera peut-être une excellente judoka ou sera peut-être commissaire de police. » Et si elle ne devient rien de tout cela, le simple fait de faire ce qu’elle aime lui permettra de s’épanouir !
Des conséquences sur leur avenir
En témoignent les choix d’orientation, les idées toutes faites influencent les jeunes : dans les filières professionnelles de mécanique, électricité, électronique, seuls 2 % des élèves sont des filles, tandis qu’en coiffure et esthétique, les effectifs sont à 93 % féminins (source : Ministère de l’Éducation nationale). « Malgré une meilleure réussite scolaire, les filles se concentrent sur un éventail plus restreint de formations et choisissent des secteurs moins prestigieux et moins bien rémunérés », note dans son étude le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE, rapport paru en 2016). Pourquoi ? « Parce que les stéréotypes ont pour conséquence que les filles manquent de confiance en elles et se perçoivent comme moins brillantes que les garçons »*. Et cela peut aussi avoir un impact sur leur comportement et leur santé. « Les filles qui intériorisent qu’elles sont plus faibles, plus fragiles que les garçons ont plus de risques de se retrouver victimes de violences, explique Robert Blum, directeur d’une étude sur la santé des jeunes**. De même, les garçons qui sont très encouragés à être forts se montrent facilement brutaux et bagarreurs. » Les temps changent et c’est tant mieux ! Dans un nombre croissant de familles, on accepte mieux aujourd’hui qu’un garçon se passionne pour les fées et ne veuille pas faire de foot. Les enseignants, eux, sont désormais sensibilisés, afin de ne plus tomber dans des comportements stéréotypés. En effet, on a remarqué que, à notes égales, les bulletins scolaires évoquaient « les efforts » ou « le travail » pour une fille, tandis qu’un garçon était jugé « en dessous de ses capacités » (source : Ministère de l’Éducation nationale).
Encore beaucoup d’efforts à déployer
Les professeurs sont donc invités à interagir autant avec les filles qu’avec les garçons et non plus à favoriser les garçons en les interrogeant plus à l’oral (56 %), au détriment des filles (44 %). Les manuels scolaires sont eux aussi incités à revoir l’image des femmes, car dans les livres de CP, par exemple, elles représentent 70 % des personnages qui font la cuisine et le ménage. Mais, au cinéma et dans les dessins animés, les héroïnes prennent leur revanche ! « De plus en plus de femmes ont des caractères affirmés, sont courageuses et prennent des initiatives, se réjouit Céline Piques. Rebelles, Raiponce ou la Reine des neiges n’attendent plus, comme Blanche-Neige ou la Belle au bois dormant, qu’un prince charmant les sauve. » Les maisons d’édition ont également fait des efforts : « Les éditions Talents Hauts publient des livres jeunesse et des petits romans qui luttent contre les discriminations et le sexisme, indique Margaux Collet. Dans J’aime PAS les poupées ou J’aime PAS le foot les héros, des enfants, osent dire à leurs proches qu’ils n’ont aucun plaisir à pratiquer des activités choisies pour eux : cela aide les lecteurs à assumer leurs goûts. » Seuls les fabricants de jouets font de la résistance : il suffit de feuilleter un catalogue de Noël ou d’entrer dans un magasin pour voir des produits très marqués « fille » et ceux orientés « garçon ». « Rares sont les enseignes qui publient dans leurs catalogues des photos d’un garçon jouant à la poupée ou d’une fille bricolant sur un établi », regrette Céline Piques. Espérons que cela change… *Selon une étude OCDE 2015 : ABC de l’égalité de genre dans l’éducation. **Global Early Adolescent Study, réalisée avec l’Organisation mondiale de la santé et l’université américaine Johns-Hopkins.