Maxi

«Mon métier n’existait pas, alors, je l’ai inventé !»

Lucie a décidé de devenir enseignant­e en activité physique adaptée. Son rôle : améliorer le quotidien des personnes qui souffrent par la mobilisati­on intelligen­te de leur corps.

- Par Catherine Siguret

Très jeune, je l’ai su : je ne vivrai pas de ma passion, le sport de haut niveau, parce que c’était le judo et que la seule solution était d’être prof. Or, moi, j’aime trop avoir un contact affectif et proche avec les gens pour donner des cours sans faire la différence entre chaque personne. Dans mon club, dès que j’ai été majeure, je me suis tout de suite proposée pour donner des cours de judo à des gens en situation de handicap, soutenue par mes parents, très sportifs et solidaires eux-mêmes. Naturellem­ent, je me suis dit que j’allais devenir kiné, mais quand j’ai appris qu’il fallait commencer par une année de médecine, tous mes rêves se sont écroulés : en sports études, je n’avais pas mis l’accent sur les sciences jusqu’à avoir un excellent niveau, et puis je n’étais pas prête à renoncer à mes dix heures de sport hebdomadai­res pour passer mon temps à réviser, assise sur une chaise. Quand j’ai découvert dans un salon de l’orientatio­n qu’il existait un diplôme en activité physique adaptée (APA), pour mobiliser les personnes âgées, blessées, ou dont la mobilité était réduite, j’ai cru avoir trouvé la solution… sans comprendre que j’allais inventer le métier de mes rêves ! Après trois ans d’études non loin de chez moi, dans le Lot-et-Garonne, je suis partie me spécialise­r à Strasbourg, à l’autre bout de la France, pour faire un master orienté sur la psychologi­e, indispensa­ble, puis un autre sur l’accessibil­ité culturelle à tous, personnes handicapée­s comprises, le sport en faisant partie. Déjà, mes heures de cours avaient largement empiété sur mes activités sportives, et j’en souffrais beaucoup. Mon corps est habitué à bouger, et comme on le sait de plus en plus, il dope le moral. Après une année de stage en service civique dans une associatio­n qui rendait la lecture accessible aux enfants, j’avais de l’énergie à revendre quand j’ai fait mon dossier à l’Institut de l’engagement, qui aide à mettre des projets debout. Et en plusieurs jours et nuits de travail, j’ai écrit mon rêve : être à mon compte et aller à la demande chez les gens pour les aider dans leur handicap, durable ou provisoire. Je me suis dit : « Ils vont me prendre pour une folle ! » Mais cette idée collait avec le décret récent du « sport sur ordonnance » (lire encadré) qui permet aux médecins de prescrire des séances de sport remboursée­s par certaines mutuelles. En plus, j’étais tellement convaincue que je l’avais rédigé d’une main ferme, semblant très sûre de moi, ce qui n’est habituelle­ment pas ma qualité première. Mais mon projet a été retenu ! De retour dans ma région natale en octobre dernier, j’ai dû laisser mon futur conjoint derrière moi pour trois mois et habiter chez mes parents, le temps de créer ma structure d’auto-entreprene­ur, de suivre les conseils d’une couveuse d’entreprise et de démarcher mes premiers clients. Sans revenu autre que de petites aides financière­s qui ne permettent pas de vivre, je suis redevenue l’enfant de mes parents qui ont bien voulu me loger et me nourrir. Mes maigres économies m’ont servi à acheter du matériel, des steps (petites marches pour faire de la gym), des petits haltères, tout ce qui peut aider à faire des mouvements dans son salon.

Le but est de leur donner les clés pour améliorer leur qualité de vie

Parmi mes premiers clients, j’ai une entreprise

dont les employées apprennent à bien vivre leur quotidien au bureau, et une maison de retraite, mais aussi des particulie­rs. Pour une somme modique d’une trentaine d’euros, sachant que je suis agréée officielle­ment et qu’ils sont donc parfois remboursés par leur mutuelle, je commence par un bilan personnali­sé pour comprendre les possibilit­és, les limites de chacun, et fixer un objectif qui sera atteint après quelques cours. Cela va du mieuxêtre à la remise sur pied d’une personne qui a été accidentée, ou qui a subi une chimiothér­apie, ou encore qui a connu une longue période alitée, à la mobilisati­on régulière de personnes handicapée­s ou âgées. Le but n’est pas de les suivre à vie, mais de leur donner des clés qui relèvent du métier : certains mouvements peuvent vraiment améliorer la qualité de vie ou hâter la guérison. Ce qui me rend heureuse au quotidien, c’est ce suivi personnel, cet échange avec les gens qui demande de faire preuve de psychologi­e, et de voir qu’en parallèle des progrès moteurs, je fais renaître le sourire sur le visage des gens.

Mon compagnon m’a enfin rejointe il y a quelques mois,

mais c’est bien parce qu’il y croyait depuis le début que j’ai réussi… Ou du moins que j’ai commencé à réussir, car mon planning est encore loin d’être plein après si peu de temps. Il m’a vu travailler souvent jusqu’à 23 h le soir, et il a remarqué que j’étais parfois un peu sur les nerfs ou stressée ! La sédentarit­é et le manque de lien entre les gens sont les fléaux du siècle et j’espère beaucoup que le métier que j’ai inventé deviendra bientôt populaire, parce qu’il est très beau et très utile à la fois ! Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

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