Tous unis !
Luttons contre les violences conjugales
Près de 219000 femmes subissent chaque année des coups et brimades de la part de leur compagnon*. Le 24 novembre 2018, 18000 personnes défilaient dans toute la France pour dire « Ça suffit ! » ; le 30 mai dernier, c’était à Lille et à Paris que des milliers de personnes s’étaient réunies pour dire non aux violences conjugales ; le 6 juillet, place de la République à Paris, proches et victimes étaient de nouveau rassemblés pour scander « Stop aux féminicides ». Dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les médias, anonymes et personnalités se mobilisent de plus en plus, scandalisés par le nombre de femmes qui subissent la brutalité de leur conjoint ou de leur ex-conjoint, voire qui meurent sous leurs coups. 57 % des Français considèrent désormais comme prioritaire la lutte contre les violences conjugales**. Chacun d’entre nous peut et doit se mobiliser !
* Observatoire national des violences faites aux femmes, 2018.
** Sondage Kantar/Fondation des Femmes, 2019.
Une véritable prise de conscience
Bien sûr, depuis les années 1970, les associations ont toujours été
très actives pour informer les femmes, aider les victimes et sensibiliser les pouvoirs publics. Mais grâce à des films, comme Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, avec Léa Drucker, récompensé par quatre Césars en février dernier, ou des faits divers, comme l’affaire Jacqueline Sauvage, cette mère de famille qui a fini par tuer son mari après quarante années de coups et d’humiliations, les violences subies par les femmes au sein de leur couple ou après une séparation font de plus en plus parler d’elles. Sous la pression des associations, et notamment le décompte des femmes mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, un « Grenelle des violences conjugales » doit permettre que des mesures concrètes émergent afin d’en finir avec ce fléau. « Le grand public a réalisé combien les femmes victimes de violences conjugales sont persécutées et en grand danger », reconnaît Françoise Brié, directrice générale de la fédération nationale Solidarité Femmes.
De plus, les prises de parole de personnalités, comme les comédiennes Muriel Robin et Eva Darlan ou encore la chanteuse Lio ont également permis d’ouvrir les yeux sur cette réalité. Et désormais, lorsqu’un drame survient, c’est le terme de « féminicide » qui est utilisé pour en parler et non plus des expressions romantiques, telles que « crime passionnel » ou « crime d’amour ». « Pendant longtemps, d’aucuns ont estimé que les violences conjugales relevaient de la vie privée et ne regardaient que le couple, reconnaît Daniela Levy, porte-parole de l’association Osez le Féminisme. Aujourd’hui, grâce aux milliers de témoignages de victimes et de leurs proches, nous savons que ces femmes ne sont pas responsables de ce qu’elles subissent et que cela regarde chaque membre de notre société ! »
Des doutes à propos d’une proche ?
Si vous soupçonnez un cas de violences conjugales dans votre entourage, il faut agir. « La première chose à faire est d’établir un dialogue avec la victime, en lui posant des questions un peu naïves, par exemple : “Comment ça va en ce moment à la maison ?” Ajoutez que vous êtes présente pour discuter et que si elle a besoin d’aide, elle peut faire appel à vous », explique Daniela Levy. Françoise Brié ajoute : « Au moindre doute, observez le couple : la femme subitelle des dénigrements en public ? A-t-elle des hématomes ? Si c’est le cas, n’attendez pas pour ouvrir le dialogue. Mieux vaut se tromper que de passer à côté ! » Lors d’un moment en tête-à-tête avec la femme, n’hésitez pas à lui parler des associations qui existent (voir encadré) en lui donnant les contacts et proposez-lui de les appeler ou de les rencontrer avec elle. Même si elle refuse sur le moment, elle saura qu’elle peut compter sur vous le jour où elle décidera d’agir… De même, n’hésitez pas à laisser des magazines, des livres sur le sujet, traîner sous ses yeux, et si une émission passe à la télévision, proposez-lui de la regarder ensemble: le simple fait d’entendre des femmes raconter une histoire semblable à la sienne peut lui permettre de prendre conscience que ce qu’elle vit est anormal. Or, c’est le premier pas pour s’en sortir. En cas de violences constatées ou de cris entendus, il faut appeler la police ou le 39 19 (voir encadré).
La période qui suit la séparation est délicate : « Il faut effectuer les démarches pour divorcer, parfois trouver un emploi et un logement, et se soigner psychologiquement pour surmonter le traumatisme et se débarrasser de la peur dans laquelle on avait l’habitude de vivre », assure Françoise Brié. Conseillez-lui de participer à des groupes de parole dédiés : cela l’aidera à reprendre confiance en elle. De votre côté, n’hésitez pas à lui faire signe pour une balade, un café, une sortie: votre présence lui fera le plus grand bien !
Les enfants en première ligne Il faut savoir que 80 % des femmes victimes de violences conjugales sont mères. Les conséquences sont donc parfois tragiques: en 2018, 82 enfants sont devenus orphelins, victimes collatérales de ces mêmes violences ! Sans aller jusqu’à ces drames, les agressions au sein des couples ont de graves incidences sur les enfants : « Même s’ils ne sont pas des victimes directes de coups et d’insultes, ils sont témoins de scènes de violence entre leurs parents, ce qui constitue un véritable traumatisme pour eux, alerte Martine Brousse, présidente de l’association La Voix de l’Enfant. C’est une forme grave de maltraitance qui peut engendrer des angoisses très profondes et durables. » En grandissant, ces enfants peuvent développer les mêmes comportements autodestructeurs que les enfants qui ont été victimes de coups: problèmes scolaires, dépression, addiction, pensées suicidaires, atteintes aux autres… « À l’âge adulte, ils présentent un risque de reproduction des comportements violents : ils peuvent alors devenir auteur de violences ou victimes », assure un rapport de l’Observatoire national de la protection de l’enfance*. « Il faut mettre ces enfants à l’abri, les prendre en charge comme des enfants maltraités et ne plus maintenir à tout prix le lien avec le parent violent, préconise Martine Brousse. La déchéance de l’autorité parentale est indispensable: un conjoint violent ne peut pas être un bon parent. »
*« Les enfants exposés aux violences au sein du couple », 2012.