Maxi

TÉMOIGNAGE « J’ai réussi à vivre de ma passion pour les confitures »

Attachée au terroir et au souvenir des marmites de fruits de sa grand-mère, Sandrine a monté sa petite entreprise de confitures aux arômes étonnants, qui a fini par rencontrer un vrai succès !

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A25 ans, j’ai compris que la vie tenait à très peu de chose quand une bombe a explosé dans le métro qui succédait au mien, en juillet 1995. Je n’ai rien vu, mais en rentrant chez moi, j’avais trente-six messages sur mon répondeur, le fixe à l’époque. Peu de temps après, je partais dans l’Aveyron, qui m’était si cher, là où avec ma grand-mère j’avais fait des confitures avec les fruits que nous avions cueillis dans la nature. Je m’étais toujours dit qu’un jour, je retournera­is au terroir. J’avais besoin de faire quelque chose de mes mains : mécanicien de courses automobile, mon rêve avorté, et à défaut, broderie, couture, jardinage, déco, cueillette des champignon­s et, bien sûr, confitures. Mais mon métier de comptable me faisait vivre loin du monde créatif, manuel ou rural, très loin de mes vrais goûts. Alors que je me reposais dans l’Aveyron, une seconde bombe a éclaté, et je me suis dit : je ne veux plus de cette vie-là, insécurisa­nte et loin de la nature. Sauf qu’il fallait bien vivre, alors j’ai continué jusqu’à la quarantain­e, comme beaucoup de gens…

Quand je me suis enfin décidée, en 2012, mon projet était prêt depuis un an,

mais mon employeur m’a dit : « Arrêter pour faire des confitures… Tu es sûre ? » Vu le prix d’un pot de confiture, bien sûr, je n’allais pas devenir riche, mais j’étais prête au sacrifice. C’était tout de suite ou jamais. J’ai fait les salons, les foires et les marchés pour me faire connaître, démarché les supermarch­és et obtenu la confiance d’une grande enseigne. La comptabili­té me servait bien ! Les consommate­urs adoraient mes arômes, encore plus développés aujourd’hui, au gré de mes découverte­s, comme ananascoco, fraise-menthe ou pomme-piment. J’ai même obtenu des prix et des médailles à de nombreux concours, dont une seconde place à un concours internatio­nal. En 2014, j’ai ouvert une boutique dans le centre de Chartres. J’ai embauché, mais les salariés sont vite devenus un problème, entre ceux qui avaient la « gastro » du vendredi soir, qui a l’avantage de libérer tout le week-end, et ceux qui avaient l’oeil rivé sur leurs droits, mais ne se sentaient aucun devoir vis-à-vis du client comme de moi… Le loyer était cher et j’ai fini en faillite deux ans plus tard : la fin d’un métier, mais aussi d’un monde pour moi. Je me sentais exténuée par mes heures de travail que je n’avais pas comptées, et par l’échec d’un projet qui, au fond, datait de mon enfance.

Ma chance, c’était mon compagnon, Bernard, qui pouvait subvenir à mes besoins le temps que je me retourne, et qui m’accompagna­it, quoi qu’il arrive. Il m’a dit, avec beaucoup de psychologi­e : « Ce n’est pas grave, c’était une expérience. » Je pense que dans un coin de son esprit, il devinait que j’allais retrousser les manches… pour recommence­r. Au bout de six mois, j’étais totalement déprimée et, comme il l’avait deviné, en me demandant pourquoi j’avais tant souffert pour rien, et ce que j’avais manqué, alors que les clients étaient hypersatis­faits. J’ai compris que mon problème, c’était de m’occuper de la fabricatio­n autant que du commercial. Je devais m’entourer, former une équipe pour fabriquer, parce que c’est impossible de survivre avec de petites quantités, et démarcher en expliquant ma valeur ajoutée et, surtout, mon atout imparable, en faisant goûter mes produits ! Quand j’ai commencé à en reparler, Bernard m’a dit : « Fonce, tu vas y arriver ! » Un homme parfait.

J’ai donc tout recommencé à zéro, en testant mes salariés pour être sûre qu’ils aient la passion du métier.

J’ai finalement réuni une équipe de choc, avec Rachel, une Ivoirienne ex-championne de handball, Mama, une Sénégalais­e, Édith, mon double, et Richard, le chef cuisinier. Des personnes supercompé­tentes qui comprennen­t ce que j’attends. Je suis perfection­niste, je ne peux pas m’empêcher de retourner de temps en temps aux marmites, le coeur de mon métier, mais je me suis surtout attelée à démarcher les hôtels, les chambres d’hôtes, les épiceries et les grandes enseignes. La première à m’avoir distribué, restée fidèle, m’a beaucoup portée : « Continue, on te suivra ! » Leur commercial m’a même donné des conseils ! Ils ne cherchent pas le rabais à tout prix, parce qu’ils connaissen­t le coût incompress­ible pour l’artisan. Les consommate­urs

Les gens ont compris qu’il valait mieux manger moins et meilleur

ont changé également, et je pense que c’est ma chance. Ils ont compris, à force de médiatisat­ion des scandales de la malbouffe, qu’il valait mieux manger moins et meilleur. Deux ans après mon redémarrag­e, je vends environ douze mille pots par mois, avec une augmentati­on de 80 % depuis le début de l’année. Je me suis aussi engagée dans une démarche écorespons­able en récupérant les fruits invendus des supermarch­és, autrefois perdus pour tout le monde.

Après des années de travail acharné et de réflexion,

je m’accorde enfin parfois des weekends, que Bernard a accepté de me voir sacrifier depuis des années. Relever un tel défi demande la solidarité totale de son conjoint, et même sa participat­ion. Parce qu’en dehors des confitures, il faut avouer que le champion de la cuisine, c’est lui. Le soir quand je rentre, j’ai la chance de me mettre souvent les pieds sous la table. Mes confitures sont faites avec amour, celui que je reçois aussi !

Sandrine Confiture et Tatafiture sont sur Facebook : FCMG SAS.

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