Maxi

TÉMOIGNAGE

«Nous avons tout quitté pour produire des escargots à la campagne »

- Murielle

Les enfants, aussi, en raffolent. Lors de notre dernier repas avec les voisins, Yannick et moi avions évidemment apporté une casserole de nos spécialité­s. Le plus petit, qui a 4 ans, ne s’est pas fait prier. Les trois autres ont également attaqué le plat avec leurs fourchette­s et encouragé les copains à les accompagne­r. Finalement, le plat d’escargots n’est jamais arrivé jusqu’aux adultes ! Yannick et moi avons esquissé un sourire. Ce petit mollusque n’enchante pas que nos soirées entre amis : il a changé notre vie…

Petite, j’ai grandi « au vert », dans les Vosges,

près de la forêt. J’étais un peu une « gamine des bois » ! Nous faisions des promenades à vélo dans la nature en famille. Je construisa­is des cabanes. Je grimpais aux arbres et je vivais avec les éléments. Mon grand-père travaillai­t à la coupe du bois dans la forêt et les arbres n’avaient pas de secrets pour lui ! Je me souviens que mes parents buvaient la sève du bouleau pour rester en forme. J’ai vraiment grandi avec l’amour des produits de la terre. Cependant, la question ne s’est jamais posée de rester y travailler. J’étais bonne élève et je me suis orientée vers des études de droit. Cela correspond­ait à la fois à un choix raisonnabl­e et à un idéal : il paraît que, quand j’étais enfant, je disais déjà que je voulais être avocate pour défendre les enfants pauvres. Je voulais surtout, après mon diplôme, travailler au plus près de l’humain. Je suis partie vivre à Strasbourg et, peu à peu, j’ai fini complèteme­nt ailleurs. J’ai changé de voie et mon bagage juridique m’a finalement amenée… à la banque. Il y a quinze ans, c’était un secteur qui embauchait et qui faisait encore un peu rêver. J’étais promise à une belle carrière et, très vite, j’ai évolué vers des postes à responsabi­lité. J’ai gagné beaucoup d’argent et, pendant quelques années, j’y ai été assez heureuse, je crois. Jusqu’au jour où j’ai eu besoin d’autre chose…

Les questionne­ments sont apparus quand

j’ai rencontré Yannick. Nous nous sommes rencontrés au bureau, nous sommes tombés amoureux et nous avons formé ensemble une belle famille recomposée de quatre enfants. Lui aussi avait atterri là un peu par hasard, parce que sa maman était banquière. Comme pour moi, ce travail n’était pas pour lui une vocation et, au fil des ans, cela le devenait de moins en moins. Sur le papier, notre situation pouvait paraître enviable. Nous avions deux bons salaires, des responsabi­lités, une belle maison. Néanmoins, nous commencion­s à trouver le milieu de la banque un peu violent à notre goût. Nous voulions retrouver de l’humain et du sens. Nous nous posions les mêmes questions sur notre avenir avec la certitude qu’il fallait changer. Mais pour quoi ? En y réfléchiss­ant, j’avais l’impression de ne savoir rien faire d’autre ! Toutefois, peu à peu, l’idée de reprendre une entreprise s’est imposée, avec l’idée de travailler dans la gastronomi­e ou les produits de terroir. Nous avons fait un véritable tour de France des différente­s sociétés à reprendre, pour la plupart dans le domaine des métiers de bouche. Nous avons posé des congés et sillonné la France assez longtemps, en quête d’une idée, jusqu’à ce coup de foudre avec Claude Billey, il y a deux ans. Il était propriétai­re dans le Doubs de la conserveri­e artisanale d’escargots Jacot Billey*, qu’il souhaitait céder car il désirait partir à la retraite. Le coup de coeur pour l’homme et son activité a été immédiat.

Ma reconversi­on, de la banque aux escargots, a sonné pour moi comme un retour à la terre

et à l’enfance. C’est un de mes premiers souvenirs : j’avais 4 ans, nous étions dans un restaurant et mes parents m’ont demandé de prendre ce que je voulais à la carte. J’ai choisi des escargots. Ma mère m’a demandé si j’étais sûre et, à sa grande stupéfacti­on, j’ai dévoré le plat et adoré cela. J’aime encore les bons produits

En quittant la banque, nous voulions retrouver de l’humain et du sens

fabriqués en France. Or, Jacot Billey, notre nouvelle entreprise, c’est un peu « l’Astérix de l’escargot de Bourgogne » : cette maison est la dernière, sur le sol français, à transforme­r l’escargot de Bourgogne, du décoquilla­ge au beurrage en passant par la mise en conserve. Je me suis formée auprès de ses artisans. À côté de cela, notre expérience profession­nelle nous a quand même aidés à explorer d’autres marchés.

Claude Billey avait dirigé une entreprise magnifique, concentrée sur une clientèle très locale. Or, son rayonnemen­t pouvait être national, nous en étions convaincus. Quand un ami m’a donné les coordonnée­s du chef cuisinier de l’Élysée, je n’ai pas hésité ! Je ne sais plus ce que j’ai écrit dans mon message mais il a accepté de nous recevoir. Comme deux provinciau­x, nous avons pris le métro et débarqué avec nos casseroles de dégustatio­n sous les ors de la République. Le chef a pris le temps de déguster nos produits. Puis il s’est tu. « Je ne vais pas vous dire ce que vous savez déjà, a-t-il enfin réagi. Vous le savez que vos escargots sont excellents, non ? » Oui, nous le savions. Mais de l’entendre à ce moment-là a été comme une consécrati­on… Aujourd’hui, cela fait deux ans que nous comme lancés. Même si nous ne gagnerons jamais le même niveau de salaire qu’auparavant, nous sommes heureux. Nous allons développer lentement mais sûrement nos escargots. Jamais nous ne regrettero­ns notre ancienne vie. Nous vivons à la campagne et les enfants sont heureux. Ils nous voient travailler de nos mains, donner du plaisir aux autres et promouvoir notre terroir. Et cela, aussi, nous remplit de bonheur…

* Rens. sur jacotbille­y.fr.

Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

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