Maxi

QUESTION D’AUJOURD’HUI

Aujourd’hui, des tests permettent de savoir si nous sommes, ou non, porteurs de gènes qui augmentent les risques de déclarer certaines maladies. Comment en parler ensuite avec ses proches ?

- Par Véronique Mahé

Maladie héréditair­e : comment annoncer le résultat à sa famille?

Chacun de nous naît avec un patrimoine génétique hérité de sa famille : c’est ainsi que nous avons les cheveux bruns, les yeux bleus… C’est aussi ainsi que certains héritent de gènes qui peuvent être responsabl­es de certaines maladies ou qui augmentent le risque d’être malade. Mais cette transmissi­on est une loterie : dans une même famille, des membres peuvent être porteurs de ce gène tandis que d’autres ne l’ont pas. Pour le savoir : un test permet à chacun de découvrir ce qu’il en est pour lui-même. Reste ensuite à annoncer les résultats à sa famille, ce qui a souvent des conséquenc­es sur les relations, en témoignent Catherine et Vanessa.

Ma mère est décédée d’un cancer du sein à 65 ans. De mon côté, j’ai eu un premier cancer du sein, à 35 ans, et un second, dix ans plus tard. Il y a quatre ans, lors d’une consultati­on de contrôle, l’oncologue s’est mis à évoquer mes deux filles, qui avaient alors 22 et 18 ans. De façon insistante, mais sans être très clair, il m’a dit qu’il ne faudrait pas qu’elles tardent à avoir des enfants pour envisager ensuite une ablation des seins et des ovaires… Je n’y comprenais rien ! Puis il a mentionné un test génétique : c’était la première fois que j’en entendais parler. J’ai fait ce test et, un an plus tard (le délai alors normal pour obtenir les résultats), je découvrais que j’étais porteuse d’une altération du BRCA2, un gène qui augmente considérab­lement le risque de cancer du sein et des ovaires pour les femmes, et celui de cancer de la prostate

pour les hommes. Quand j’ai compris que j’avais peut-être transmis ce risque de maladie à mes filles, j’ai craqué et plongé dans une dépression. En même temps, j’ai décidé de me faire retirer les ovaires. À l’hôpital, une psychologu­e m’a beaucoup aidée à affronter la réalité. Elle a su trouver les mots pour me convaincre de parler à mes filles. Ces dernières voyaient bien que j’étais mal : elles pensaient que j’avais un troisième cancer. À la même époque, j’ai rencontré la fondatrice de Généticanc­er*, une associatio­n dédiée à la lutte contre les cancers génétiques et/ou d’origine héréditair­e. Elle aussi m’a beaucoup aidée à trouver le courage de tout dire à mes filles : informées, elles pourraient faire ce test à leur tour, être bien suivies, voire décider d’une ablation préventive afin de ne pas prendre le risque d’être malade. C’est mon mari qui a prononcé les mots. Moi, je n’y parvenais pas. Pourtant, cela a été une délivrance ! D’autant que toutes deux ont très bien réagi : l’une m’a dit qu’elle s’attendait à avoir un cancer, que c’était dans notre histoire. Finalement, l’aînée a fait le test : elle n’est pas porteuse du gène, ce qui est, évidemment, un véritable soulagemen­t. Depuis, elle pense beaucoup à sa soeur : que ressentira-t-elle si cette dernière est porteuse ? J’ai également dit à mon frère qu’il y avait ce gène dans notre famille : pour l’instant, il refuse de faire le test et d’en informer ses enfants. Cela m’inquiète pour eux.

* Rens. : geneticanc­er.org.

“J’ai mis trois ans avant de pouvoir en parler à mes filles”

Catherine, 55 ans, professeur des écoles, 2 filles de 26 ans et 22 ans, Auvers-sur-Oise

“Les résultats du test de dépistage ont soudé notre famille” Vanessa, 35 ans, en invalidité, deux filles de 16 ans et 2 ans et demi, un fils de 12 ans, Aubagne

Quand mes oncles maternels étaient petits, on pensait qu’ils avaient eu la polio, car ils marchaient sur la pointe des pieds. Adultes, ils ont eu des enfants et, un jour, alors que l’un d’eux portait son bébé dans les bras, il l’a lâché subitement ! Le toutpetit n’a rien eu, mais cela a attiré l’attention du médecin sur le fait que les muscles de mon oncle manquaient de tonicité. Il a alors suspecté une myopathie et lui a prescrit un test de dépistage qui s’est avéré positif. Toute ma famille maternelle s’est alors retrouvée convoquée à l’hôpital pour faire le même test. J’avais 6 ans. Nous n’avons jamais eu connaissan­ce des résultats malgré des demandes répétées. Lors de ma première grossesse, j’ai parlé de la myopathie de mon oncle et du test de dépistage. Mon médecin m’a répondu que, comme je n’avais jamais eu les résultats, c’est que je n’avais rien. Ma fille a grandi normalemen­t. En revanche, quand mon fils Lucas est né, il y a 12 ans, j’ai vu dès ses premiers pas que quelque chose n’allait pas. J’ai à nouveau parlé de la myopathie, mais le médecin s’est contenté de recommande­r des séances de kiné. Quelques mois plus tard, mon cousin a fait un arrêt cardiaque. Il avait 25 ans et des tests ont révélé qu’il était lui aussi touché par la myopathie. Cela m’a bouleversé­e : nous avions fait le premier test ensemble et lui non plus n’avait eu aucun résultat. Forte de cette expérience, j’ai demandé encore et encore que mes enfants, ma mère, mes frères et soeurs, leurs enfants et moi soyons de nouveau testés. Nous avons dû insister pour obtenir les résultats. Le professeur qui nous a reçus a dit à ma mère : « Vous avez laissé la myopathie en héritage ! » Elle s’est effondrée et, depuis, elle culpabilis­e beaucoup, car je suis touchée et mon fils aussi. J’ai beau lui expliquer qu’elle n’est coupable de rien, elle s’en veut ! Mes oncles et tantes, ainsi que mes cousins, ont également refait le test. Certains sont porteurs du gène, d’autres pas…

En tout cas, depuis que nous savons, nous communiquo­ns beaucoup pour prendre des nouvelles les uns des autres, on s’accompagne mutuelleme­nt aux différente­s consultati­ons, on s’épaule…

Cette maladie se manifeste par une grande fatigue, donc c’est important d’avoir du soutien. Dans notre famille, il y a désormais comme une union sacrée contre la maladie !

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France