Maxi

‘‘Je voulais retrouver ma vie d’avant’’ Ma vie a basculé pendant un rallye, le 4 janvier 2018.

Après un accident de moto et un coma, Lydia a dû tout réapprendr­e. Pendant deux ans, elle a trouvé la force nécessaire pour revivre comme avant, ou presque…

- Lydia

La dernière fois que j’ai pris ma moto, c’était hier, pour aller faire une course, près de chez moi, à la campagne. Il y a un mois, j’ai quand même fait plus fort et participé à un entraîneme­nt, sur le circuit sportif de Magny-Cours. Dans le public, ceux qui me connaissai­ent m’ont regardée, médusés et épatés. Je les comprends. Je ne devrais pas être là…

La première fois que j’ai enfourché une moto,

j’avais 18 ans. J’avais perdu un frère dans un accident de voiture et décidé de vivre ma vie en deux-roues. Cependant, tout de suite, j’ai ressenti une passion irrépressi­ble pour cet engin. Le moniteur de l’auto-école se souvient encore de moi. Après une poignée de leçons, j’ai passé mon permis. C’était inné ! Après des études de marketing, je suis devenue directrice commercial­e et j’ai bien gagné ma vie. Mais mon histoire a basculé le jour où je me suis offert, à 31 ans, la moto de mes rêves : une superbe BMW de compétitio­n qui venait de sortir et de gagner le Bol d’Or. Le directeur de la marque l’a su et m’a invitée au Castelet pour tester mon bolide sur un circuit sportif. Je n’avais jamais ressenti une telle adrénaline ! Après, l’histoire s’est écrite toute seule. Un sponsor, qui était présent, m’a proposé de devenir profession­nelle. En 2014, il m’a inscrite en championna­t de France et je me suis classée première chez les femmes. J’ai commencé à décrocher des titres comme ma belle deuxième place au Trophée Roses des Sables, en rallye-raid, en 2016. Très vite, j’ai quitté mon poste de directrice commercial­e pour créer mon propre magazine dédié à la moto et vivre désormais de ma passion. L’année suivante, j’ai décidé de me reconverti­r aussi comme éducatrice moto pour enseigner ma passion. Je gagnais beaucoup moins d’argent, mais j’étais heureuse. Je commençais à vivre, enfin…

J’étais partie disputer la course de l’Africa Eco Race, un rallye-raid africain, sur les traces de l’ancien Paris-Dakar de Thierry Sabine. Je ne me souviens de rien, mais apparemmen­t, je roulais à 185 km/heure quand, en me doublant, un véhicule m’a projeté une pierre à la tête. J’ai perdu l’équilibre et je me suis encastrée dans un mur en plein virage. On m’a dit que j’avais été « morte » une ou deux minutes. Dans mon malheur, j’ai immédiatem­ent été très bien prise en charge par l’organisati­on et je m’en suis sortie grâce à la présence d’un hôpital militaire, à côté, dans le désert marocain. Grâce à leurs soins, j’ai recommencé à respirer, sans reprendre connaissan­ce. Après mes 5 jours de coma profond, les médecins ont réussi à me transférer dans un coma artificiel. J’y suis restée 14 jours de plus, le temps de m’opérer des yeux, du nez et de multiples fractures osseuses. Mon pronostic vital était engagé et je n’aurais jamais dû revenir. Finalement, de ce coma, je ne garde qu’un souvenir qui m’a peut-être sauvé la vie. J’ai « vu » mon frère décédé qui me disait qu’il ne voulait pas encore de moi, que c’était trop tôt… Je sentais qu’il me poussait « dehors » avec son genou. Quoi qu’il en soit, je me suis réveillée. Une infirmière m’a dit que je m’appelais Lydia. Je ne m’en souvenais pas, mais je l’ai crue car tout le monde m’appelait ainsi. Je ne pouvais plus marcher. Je me souviens toutefois avoir dit à un médecin que je remonterai­s sur une moto. À l’époque, je doute qu’il m’ait crue…

J’étais déterminée à retrouver ma vie d’avant,

même si ce n’était pas facile. J’étais en fauteuil roulant et je n’arrivais pas à me concentrer. Je me souviens que j’enregistra­is mes docteurs pour me souvenir de ce qu’ils me disaient. J’ai aussi perdu la vue pendant quelques semaines avant d’être opérée. Les séances de

La moto était mon métier, elle est redevenue une passion

kinésithér­apie étaient douloureus­es. Malgré tout, au bout de deux mois, j’étais debout. Petit à petit, mon corps a recommencé à me répondre. Le cerveau commande tout, j’en suis persuadée. Je n’avais pas de mari ni d’enfant, mais la vie m’avait donné une seconde chance. Et j’avais aussi une passion qui m’attendait.

J’ai passé un an à l’hôpital. Au bout de six mois, je suis montée, brièvement, sur une moto pour retrouver certaines sensations et me motiver davantage à récupérer. Pour mes docteurs, je suis une « miraculée ». C’était tellement rapide que j’ai tenu un journal, aujourd’hui devenu un livre*. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai tout de suite repris mon deuxroues pour de petits trajets. Je racontais mes progrès lors de mes rendez-vous à l’hôpital et les médecins n’en revenaient pas ! Bien sûr, je fais attention car je vois un peu moins bien de l’oeil droit après la greffe d’un nerf optique et j’ai parfois encore mal au dos. Cependant, j’ai repris le sport. Je cours et j’ai trois motos dans mon garage que je ne compte pas abandonner ! J’ai aussi repris mon travail d’éducatrice, presque comme avant. La seule chose qui me « manque » est de ne plus faire de compétitio­n. Personnell­ement, je n’aurais rien contre, mais les assurances sont moins partantes pour me couvrir. Néanmoins, je peux toujours m’entraîner. L’essentiel, pour moi, est de faire de la moto. Et surtout de me sentir plus vivante que jamais…

* Au-delà du coma, mon combat : renaître ou baisser les bras ?, de Lydia Truglio Beaumont (éd. du Panthéon).

Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

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