Maxi

Un enfant à tout prix « Pour devenir maman, je suis partie seule à l’étranger »

Elle avait toujours imaginé fonder une famille à deux, naturellem­ent, et avec un mari aimant. Mais quand la vie en a décidé autrement, Bijou a refusé de renoncer à son rêve…

- Bijou

Je pense souvent à elle, à ma grandmère, Taté Marie. C’était une battante, une femme libre, une inspiratri­ce. Veuve à 31 ans, elle avait soudain dû élever seule ses dix enfants. Moi, je n’en ai qu’un, mon petit Gabriel, âgé de 3 ans. Tous les jours, à la sortie de l’école, je le couvre de câlins. Mais comme elle, je l’élève seule, sans papa. Bien sûr, ce n’est pas ainsi que j’imaginais les choses. Pourtant, cela ne nous empêche pas d’être heureux…

Depuis ma plus tendre enfance, je ne me suis jamais imaginée sans enfant.

Cinquième d’une fratrie de six, j’ai toujours été bien entourée. Je suis aussi très proche de mes onze neveux et nièces. Toutefois, comme bien des femmes d’aujourd’hui, je m’étais fixé des étapes : faire de belles études, trouver un travail, être financière­ment indépendan­te… et bien sûr, rencontrer le compagnon idéal avec qui fonder une famille. En 2014, j’ai cru que j’avais tout cela. À 36 ans, j’avais trouvé le papa, Thibault. Nous étions prêts, du moins le pensais-je. Sauf que quand je me suis rendue chez mon gynécologu­e, il a tempéré mon optimisme. C’est un homme d’une cinquantai­ne d’années qui me suit depuis quinze ans. Et depuis des années, il ne cesse de me dire de ne pas attendre trop longtemps, mais je ne l’écoutais qu’à moitié. Ce jour-là, je comprends pourquoi il avait raison… Il a allumé le petit écran placé en face de lui, juste au-dessus de ma tête, et attrape la sonde pour pratiquer une échographi­e pelvienne. « Ce n’est pas fameux, lâchet-il. Votre réserve ovarienne est très basse. À peine deux follicules à gauche, regardez. Et à droite, peut être un, tout au plus. » Qu’estce que cela veut dire ? C’est simple : je pourrais avoir un enfant naturellem­ent, mais ce ne sera pas facile. Pendant plusieurs mois, Thibault et moi avons essayé, armés de notre thermomètr­e pour guetter les meilleurs moments de mes cycles, en vain. Mon horloge biologique tourne… D’autres solutions sont donc à envisager, comme l’adoption ou la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA)… Très vite, toutefois, j’ai compris que je n’aurai pas d’enfant avec Thibault. Peu à peu, je l’ai senti fuyant à l’évocation d’un enfant. Il est devenu moins enthousias­te, et pour cause : un matin, j’ai découvert la photo d’un bambin, retournée sur le buffet. Il avait un enfant caché, né d’une précédente relation ! Notre couple n’a pas survécu à cette nouvelle. Je me suis donc retrouvée seule avec mon désir d’enfant, mais toujours battante.

J’ai repensé à Taté Marie, ma grand-mère.

Je me suis souvenue de ma mère, qui avait aussi élevé une belle fratrie. J’ai regardé comment mes soeurs et mes amies accompliss­aient leur job de mère et j’ai essayé de me projeter en elles. Et si ce partenaire rêvé ne venait jamais ou arrivait trop tard ? J’avais envie d’avoir un bébé, d’être maman, et ma seule solution était de me lancer seule. À l’époque, toutefois, la législatio­n française ne permettait pas encore aux femmes seules de bénéficier d’une PMA. Après un an et demi de réflexion, j’ai choisi de me rendre à Barcelone, en Espagne, où c’était légal. J’ai suivi un protocole strict, avec un traitement hormonal et bénéficié d’un don de sperme, tout en étant suivie par mon gynécologu­e français. Vu mon profil et ma faible réserve ovarienne, j’avais peu de chance de tomber enceinte, je le savais. Or, j’ai réussi du premier coup ! Je pense que l’âme de ma grandmère a veillé sur moi…

J’ai accouché de mon petit Gabriel, fin 2016, en serrant la main de ma soeur en salle de travail.

Même si je savais que ce ne serait pas facile, j’ai été très entourée par ma famille. J’ai arrêté de travailler les six premiers mois, puis j’ai été aidée par une nounou à la maison. Je travaille comme consultant­e, à mon compte. Désormais, mon emploi du temps tourne autour de mon fils. Il a 3 ans et nous sommes très heureux. Au début, quand des inconnus me posaient des questions sur le papa, je disais juste que j’étais maman célibatair­e. Ce sont des choses qui arrivent. Pour autant, ma démarche en Espagne n’est pas un secret. En temps voulu, je raconterai aussi son histoire à mon fils. Étonnammen­t, j’ai très vite été sollicitée par des amies ou des amies de connaissan­ces pour avoir des conseils. Je suis heureuse que la loi

Après mon accoucheme­nt, j’ai été très entourée par ma famille

évolue car nous sommes très nombreuses dans le même cas ! J’ai même écrit un petit livre* sur le sujet pour expliquer ma démarche et résumer mes recherches. Évidemment, mon premier conseil, avec le recul, est de ne pas attendre trop longtemps avant de se lancer. Mais si la vie en décide autrement, il ne faut pas hésiter à envisager d’autres solutions. C’est difficile d’élever un enfant, et plus encore seule. Mais si le désir d’être maman est plus fort que tout, rien n’est impossible !

À 40 ans, je n’ai pas renoncé à l’amour

et sans doute formerai-je un jour une belle famille recomposée, comme beaucoup. Il faudra juste trouver le bon ! À six mois de grossesse, j’ai revu Thibault par hasard. Quand il a vu mon ventre rond, il a été remué. Quelques mois plus tard, lorsqu’il a appris toute la vérité, il m’a félicitée pour ma déterminat­ion et ma ténacité…

* Concevoir en solo. Croire en sa capacité d’être mère, de Bijou Bulindera, éd. Books on Demand.

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