Maxi

TÉMOIGNAGE «J’ai enfin l’impression d’être utile aux patients !»

C’est parce qu’elle a souffert des incohérenc­es du système de santé que Florence a décidé d’innover dans ce domaine grâce aux nouvelles technologi­es.

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En tant qu’infirmière, je n’ai jamais eu de problème pour trouver du travail. J’ai occupé des postes en Ehpad (établissem­ents d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s), dans des CHU (centres hospitalie­rs universita­ires) et également dans des services de soins infirmiers à domicile. Ces expérience­s m’ont donné une vision de la médecine de ville et de celle pratiquée à l’hôpital. Avec le recul, aucune des deux n’est parfaite mais, surtout, aucune passerelle n’existe vraiment entre les deux, ce qui constitue un vrai problème ! Ce soir-là, je devais réaliser une injection pour un patient à domicile. Cet homme avait souffert d’une crise cardiaque et il devait absolument prendre un traitement pour son coeur. Je disposais de deux prescripti­ons avec deux dosages différents. Comment savoir lequel était le bon ? Aucun des deux médecins ne répondait au téléphone. Et mon patient ne pouvait pas rester sans rien. J’ai finalement pris la responsabi­lité d’injecter le dosage le moins élevé, en croisant les doigts… Heureuseme­nt, tout s’est bien passé, mais cet événement est resté gravé dans ma mémoire. Par la suite, je redoutais particuliè­rement les incohérenc­es dans les prescripti­ons ou encore les ordonnance­s illisibles. Combien de fois ai-je dû rappeler les médecins pour avoir des précisions ? On ne se rend pas compte à quel point les infirmiers en libéral prennent de responsabi­lités et combien leur travail est sous-valorisé. Malheureus­ement, il ne faut pas croire que les conditions de travail pour les infirmière­s s’avèrent meilleures à l’hôpital. Les responsabi­lités pour la santé des patients sont les mêmes mais, en plus, le rythme de travail est aussi intense que physique. Dans un service d’oncologie, il m’arrivait régulièrem­ent d’enchaîner une journée entière sans m’arrêter : douze heures debout, c’était éreintant. Je voyais régulièrem­ent des collègues craquer autour de moi, certains tombaient en burn-out, d’autres en dépression. J’appréhenda­is les jours où certaines flanchaien­t pour de bon, car cela signifiait pour moi des heures de travail supplément­aires et, à la clé, à cause de la fatigue, des erreurs possibles envers les patients. Un cauchemar pour tout personnel soignant ! Jour après jour, je percevais davantage les dysfonctio­nnements de ce CHU. Et parmi ceuxci, figurait de manière récurrente le problème des sorties d’hôpital. Je me souviens de cette patiente, mère de deux enfants en bas âge, qui venait de rechuter d’un cancer du sein. Un matin, j’étais entrée dans sa chambre et je l’avais retrouvée en pleurs. Elle m’avait expliqué que, pour sa sortie, le médecin lui avait prescrit des soins avec du matériel très spécialisé et donc difficile à trouver. Elle ne savait pas à qui s’adresser et personne dans son entourage proche ne pouvait l’aider. Au lieu de se reposer afin de guérir, cette patiente paniquait à l’idée de ne pas pouvoir trouver le matériel pour se soigner. À mes yeux, tout cela semblait vraiment insensé. Pourquoi l’hôpital n’organisait-il pas ce genre de service pour les malades qui souffraien­t déjà de pathologie­s lourdes ? Quand je posais cette question à mes chefs, les réponses étaient toujours les mêmes : pas de budget, pas de temps, trop compliqué, etc. Mais les premiers à en pâtir, c’était, bien sûr, les patients ! Lorsque je proposais à mes chefs des solutions pour régler le problème, je sentais que rien ne changerait, tant la bureaucrat­ie semblait lourde. Tout cela me semblait une grande injustice. J’avais envie d’améliorer les choses. De plus, je regorgeais d’idées ! Est-ce à ce moment-là que j’ai eu le déclic ? J’avais à peine 26 ans, je me suis dit que je ne pourrai pas continuer à travailler dans ces conditions toute ma vie. Certaineme­nt, je pouvais être plus utile autrement. C’est ainsi qu’en 2016, j’ai commencé à imaginer des solutions pour faciliter le retour à domicile des malades et le travail des infirmiers en libéral.

Je me suis intéressée aux solutions digitales, j’ai rencontré des experts, j’ai cherché des aides de financemen­ts pour innover dans le domaine. De fil en aiguille, j’ai imaginé un site en ligne afin de mettre en contact les patients avec le personnel de santé. J’avais parlé de mon projet à des médecins et à des collègues et tous m’avaient encouragée. J’ai réuni une équipe autour de moi et ainsi est née ma plateforme en ligne. Pour tester le site, j’avais sollicité une clinique à Lyon. Pendant une semaine, ils m’ont offert une petite table dans

Via mon site, j’ai la joie de pouvoir répondre à leurs besoins en 30 minutes

le hall afin de recueillir les besoins des patients à leur sortie : pour certains, c’était trouver une infirmière, pour d’autres une sage-femme, pour d’autres encore du matériel. Tous les patients étaient d’accord pour passer par Internet afin de trouver une solution à leurs besoins. Nous avons donc lancé le site libheros.fr*. Quatre ans plus tard, les résultats sont là. Alors qu’auparavant certains patients pouvaient s’arracher les cheveux pour organiser leurs soins à domicile, j’ai la joie aujourd’hui de pouvoir répondre à leurs besoins en l’espace de 30 minutes. Bien sûr, tout cela n’aurait pas été possible sans la rapidité offerte par les nouvelles technologi­es et les possibilit­és qu’offre le téléphone portable, car aujourd’hui, plus aucun personnel de soins en libéral ne se déplace sans, ce qui permet de les mobiliser rapidement. Nous avons tous les moyens possibles pour innover dans le domaine de la santé. Les problèmes regorgent mais les solutions sont infinies ! Pour moi, c’est très motivant et, enfin, je me sens utile. Florence

* Plus d’informatio­ns sur libheros.fr.

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 ??  ?? Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.
Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

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