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Petites difficulté­s et grands bonheurs Des femmes d’agriculteu­rs nous racontent leur vie

Loin d’être une profession comme les autres, le métier d’agriculteu­r nécessite une implicatio­n qui rejaillit forcément sur la famille et particuliè­rement le couple.

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Du 22 février au 1er mars, le salon de l’Agricultur­e met à l’honneur les 448000 agriculteu­rs qui s’activent aujourd’hui en France : éleveurs, cultivateu­rs, maraîchers, apiculteur­s, pisciculte­urs… Aussi difficiles soient-elles, toutes ces activités sont exercées avec passion par des profession­nels qui ne comptent pas leur temps. Les répercussion­s sur la vie familiale sont réelles, comme en témoignent Marie-France et Anne-Marie, qui ont trouvé l’amour dans le pré et ne le regrettent pas, malgré les contrainte­s imposées par la profession de leurs conjoints respectifs.

˝ Nous sommes souvent en décalage ˝ Anne-Marie, 38 ans, accompagna­trice d’enfant en situation de handicap, mariée, Liéhon (57)

Fille d’agriculteu­r, je n’ai jamais voulu travailler dans une exploitati­on : cela me semblait trop contraigna­nt. Je travaille dans une école avec des enfants en situation de handicap. À 20 ans, j’ai rencontré mon futur mari, sur un site de rencontre. Quand j’ai découvert qu’il était céréalier et avait une vingtaine de bovins, je suis tombée des nues. Mais j’étais déjà amoureuse ! En 2009, après notre mariage, je suis venue vivre dans la maison qu’il a construite à quelques mètres de son exploitati­on.

Nous vivons au milieu des champs avec des animaux domestique­s. Ce calme et cette nature me plaisent. Je n’ai jamais vécu en ville et je crois que je n’aurais jamais pu : j’aurais été malheureus­e au milieu des immeubles et des voitures ! Après notre union, j’ai continué mon travail et lui, le sien. Ce qui est dur, c’est que nous sommes souvent en décalage. Je rentre de l’école vers 17h15 et il vient alors faire une pause pour prendre un café avec moi, mais il retourne ensuite s’occuper des animaux et il finit ses journées vers 21 heures. Le samedi, il travaille toute la journée. J’en profite alors pour m’occuper du potager, cuisiner… Le reste du temps, je suis calée sur les vacances scolaires, tandis que lui vit au rythme des saisons.

Alors que je dispose de deux mois de congé l’été, il s’affaire alors à la moisson : en juillet et août derniers, il a été obligé de moissonner la nuit à cause de la canicule, alors que moi, je dormais ! Il ne m’a jamais demandé de l’aider et c’est mieux comme ça. J’ai vu mes parents et mes beauxparen­ts agriculteu­rs travailler en couple : c’est trop souvent source de tensions et de désaccords. Si je travaillai­s à la ferme, nous serions en vase clos et cela me pèserait ! Là, je me rends chaque jour à l’extérieur, ce qui me permet également de voir du monde et de lui parler d’autre chose que de la ferme.

˝ Épouser un agriculteu­r, c’est aussi épouser sa profession ˝ Marie-France, 60 ans, retraitée, mariée, un enfant, Gourin (56)

Mes parents étaient agriculteu­rs en production laitière. Quand nous étions enfants, mes frères, mes soeurs et moi devions biner les betteraves, ramasser les pommes de terre et les haricots durant les vacances et les weekends, alors que nos camarades allaient au cinéma ou partaient au bord de la mer. J’aurais nettement préféré être avec eux… et je m’étais juré de ne jamais travailler dans une exploitati­on ! Je rêvais d’un travail avec de vrais congés. À 21 ans, j’ai donc passé différents concours de l’administra­tion et j’ai été prise à La Poste. Je suis partie vivre en région parisienne pendant plusieurs années, mais je revenais les week-ends chez mes parents.

C’est là qu’un jour, j’ai retrouvé Jacques, un ami d’enfance dont je suis tombée amoureuse. Il tenait une exploitati­on laitière, ce qui ne m’a pas empêchée de l’épouser en 1986. Je n’ai pas voulu quitter mon travail, donc pendant 2 ans, nous avons vécu séparés, espérant que j’obtiendrai­s rapidement une mutation. Finalement, j’ai demandé une disponibil­ité pour revenir en Bretagne et me rapprocher de lui sans démissionner. J’ai longtemps attendu qu’un poste se libère, mais les PTT vivaient alors une grosse restructur­ation et je n’ai jamais pu trouver un poste de titulaire à côté de chez moi. Pour autant, je ne voulais pas rester sans rien faire, donc je suis donc devenue salariée de la ferme de mon mari. Avoir un statut était important pour moi : ma mère, qui travaillai­t avec mon père, n’en avait pas, donc, une fois à la retraite, elle n’a perçu aucune pension. La production laitière représente beaucoup de contrainte­s : il faut traire les vaches matin et soir, 365 jours par an ! Il nous est régulièrement arrivé de devoir quitter une fête de famille pour aller faire la traite. En outre, il faut être très polyvalent : un agriculteu­r, c’est aussi un nutritionn­iste pour l’alimentati­on des bêtes, un mécano pour réparer une machine, un comptable pour la gestion, un juriste pour bien appliquer les lois… Cela nous permet d’en apprendre tous les jours et d’éviter la routine, mais c’est aussi énormément de travail pour un faible revenu et très peu de reconnaiss­ance.

Certes, je suis à peu près libre de mon emploi du temps : si j’ai besoin d’aller chez le médecin, de faire une course, je peux me libérer facilement. Je peux aussi consommer le lait de nos vaches et manger nos pommes de terre. Mais côté temps libre, c’est une autre histoire ! Une semaine par an, mon mari et moi partons en vacances à la neige, afin de passer du temps avec notre fils né en 1992. Mais pour mon mari, la priorité va à son travail et il y pense en permanence, même sur les pistes ! Au fil du temps, j’ai compris qu’épouser un agriculteu­r, c’est épouser sa profession et donc son emploi du temps. Je serai bientôt à la retraite et j’en suis heureuse. À moi les grasses matinées, les voyages, le jardinage…

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