Maxi

Vétérinair­e le jour, humoriste le soir

Elle quitte sa blouse de vétérinair­e le soir pour se donner en spectacle. Mais pour devenir humoriste, Carole a choisi un sujet pas si bête et qui lui tenait à coeur…

- Carole

« J’ai une double vie grâce aux animaux »

Longtemps, j’ai eu un peu de mal à parler de mon travail. Aujourd’hui encore, je continue de dire spontanéme­nt que je suis vétérinair­e. Cela reste mon métier et je l’aime toujours. Cependant, certains de mes clients ont peutêtre remarqué, depuis quelque temps, que j’avais beaucoup réduit mes heures au cabinet. Je reste bien occupée malgré tout… à autre chose. Maintenant, je peux avouer plus facilement que je me donne en spectacle le soir. Et que c’est aussi un métier…

Comme la plupart des vétérinair­es, j’ai toujours aimé les animaux. Mon attachemen­t aux bêtes a commencé avec Cidney, mon premier chien. Assez naturellem­ent, pendant mes études, l’envie de devenir vétérinair­e a germé. C’est un métier magnifique où globalemen­t, comme on l’imagine, on soigne et on prend soin des animaux. Cependant, il y a une autre facette du travail que l’on connaît moins. Ce n’est pas toujours une profession très gaie, car on voit souvent des animaux souffrir. Il arrive aussi que l’on côtoie des maîtres un peu irresponsa­bles, qui consultent trop tard quand leur compagnon est malade ou qui veulent euthanasie­r une portée parce qu’ils n’ont pas stérilisé leur animal. Au fil des ans, on prend le recul nécessaire pour s’adapter. Comme dans les salles de garde en médecine, il y a un humour propre aux vétérinair­es qui permet de surmonter certains mauvais jours. Je ne sais pas si c’est là où mon humour est né, mais il s’y est développé, c’est certain. Pour décompress­er, j’ai aussi commencé à prendre des cours d’improvisat­ion, il y a dix-huit ans. J’ai tout de suite adoré la scène. Ma famille, de son côté, m’a toujours encouragée. Cependant, elle était loin d’imaginer, qu’un jour, ce serait autre chose qu’un simple loisir.

L’idée d’une « double vie » a pris forme il y a

trois ans. Je ne suis pas un cas isolé: comme beaucoup de femmes et d’hommes, l’idée de « changer » de vie est apparue avec l’approche de la quarantain­e. Chacun fait alors le bilan de son existence et se demande quel défi il pourrait encore surmonter, avec l’idée d’enrichir et de réinventer sa vie profession­nelle. Pour ma part, j’ai eu l’envie de m’inscrire à l’École du One Man Show. L’idée était claire : il s’agissait d’acquérir des outils et techniques d’écriture pour créer un spectacle et monter sur scène. Trouver un thème a été facile : après tout, on plaisante mieux de ce que l’on connaît et j’avais, en plus, quelque chose à dire et à défendre. J’ai un humour plutôt grinçant, qui ne peut pas se résumer à quelques « blagues ». J’ai choisi comme nom de scène, « Carole CK* », en référence à l’humoriste américain Louis CK. En France, je me sens particuliè­rement proche de l’univers de Blanche Gardin. Je n’aime pas l’humour gratuit. J’ai, parmi mes thématique­s, la question des « animaux cadeaux » et des abandons à la veille des vacances. En frappant juste, je pense que l’on peut déclencher à la fois le rire et la réflexion. La question du bien-être animal est au coeur de mon spectacle. J’évoque l’élevage industriel et ces bêtes que l’on fait grossir en un temps très court. Comme mon mari en vacances, sauf que là, c’est plus grave. J’arrête de manger de la viande depuis quelques mois, par exemple. Au passage, je me moque aussi de moi-même et de mes contradict­ions. Pourquoi est-ce plus difficile que d’arrêter la cigarette? Parce que l’on n’a pas encore inventé de patch de substituti­on. J’ai bien essayé une escalope dans le dos, mais l’effet n’est pas probant…

À ce jour, je crois être la seule à pratiquer « l’humour vétérinair­e ». Est-ce un créneau porteur ? En tout cas, les retours que j’ai constatés jusqu’ici m’encouragen­t. J’ai fait ma première scène profession­nelle il y a un an. Je me suis produite seule pendant trente minutes et j’ai découvert ce que c’était que d’emporter un public. Entendre des rires est une sensation grisante et extraordin­aire, signe que l’on a créé un lien avec l’assistance. Bien sûr, le rire n’est jamais garanti à 100 %. Il y a des moments où le public adhère moins et où il faut s’adapter. C’est ce qui fait la beauté du spectacle vivant et je crois que je ne pourrais plus m’en passer. Je travaille à temps partiel et j’essaie de participer à une scène ouverte par semaine. J’ai aussi lancé le « Montrouge Comedy Show », dans la ville

Le théâtre a aussi fait de moi une meilleure vétérinair­e !

de Coluche. Si pour l’instant, je ne pourrais pas en vivre, j’espère que mes deux activités parviendro­nt à s’équilibrer. Néanmoins, quoi qu’il arrive, jamais je n’abandonner­ai mon métier de vétérinair­e.

En fait, les deux univers se nourrissen­t mutuel

lement. Je puise dans mon quotidien la matière pour mes spectacles. Mais en même temps, j’ai compris que le théâtre avait aussi fait de moi une meilleure vétérinair­e. En prenant des cours, j’ai appris à observer le langage du corps et, aujourd’hui, j’ai une meilleure écoute des maîtres d’animaux que je reçois. S’il y a un problème de communicat­ion ou une angoisse latente, je la perçois davantage. Mon travail d’humoriste m’a permis de mieux exercer mon métier. Donc, si le succès continue, pas question d’abandonner ma double vie !

* Rens. : Carole Ck, sur Facebook. Au théâtre Le Bout, à Paris, les 17/03, 03/05 et 02/06 prochains.

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