Pourquoi les adultes ont eux aussi des « doudous »
Beaucoup d’adultes possèdent un petit objet fétiche qui les suit un peu partout. « Doudou », « porte-bonheur » ou « gri-gri », il sécurise et apaise, quel que soit l’âge.
Une oreille (usée) de lapin qui dépasse de sous un oreiller, un petit ours en peluche glissé dans la poche d’une valise, beaucoup plus d’adultes que l’on ne croit ont un objet fétiche, comme Fabienne, bientôt grand-mère, qui à 49 ans, confie emporter toujours en vacances un petit hibou en peluche offert par son père pour ses 14 ans et qui doit trôner à son chevet. Ces manies enfantines ne sont pas toujours faciles à assumer, encore qu’il soit convenu dans notre société, que les femmes puissent avoir un côté « sentimental » que comblent ces « doudous ». Mais que dire des hommes, nombreux, qui confient eux aussi un attachement illimité pour un objet enfantin qui les suit partout ?
Pour la psychologue Catherine Pierrat, qui pose souvent la question à ses patients, énormément d’hommes, plutôt jeunes, ont des doudous, des vrais, hérités de l’enfance et aussi précieux que mal en point d’avoir été trop câlinés.
Pour se réconforter Nous avons presque tous nos « doudous », même s’ils ne se présentent pas toujours sous la forme de poupées ou de peluches.
Par exemple, un tee-shirt hérité de notre adolescence, voire un chat ou un chien qui investit le lit, se pelotonne et se laisse caresser. En extrapolant un peu, la psychologue Catherine Pierrat admet que beaucoup d’objets ont cette fonction de nous rassurer et de nous réconforter : des galets ramassés sur la plage et précieusement conservés, au stylo de communiant que l’on ressort pour les signatures importantes. Même un certain type de voitures fétiches peut être investi de cette fonction, comme les 2 CV par exemple. Voire certains aliments… Lorsque manger (en général sucré) réconforte et même console, pense-t-on, et c’est une autre question !
Pour faciliter l’endormissement
Il existe donc les objets dont on ne se sépare jamais, exposés, ou
enfouis dans un carton, mais dont on sait toujours où les trouver, et ceux qui ont droit à une place de choix dans notre chambre, que
ce soit dans le tiroir de la table de nuit, sous l’oreiller, voire entre les draps. Ceux-là sont vraiment investis des pouvoirs de doudous de bébés : ils nous aident à faire la transition entre le jour et la nuit. Chez certaines personnes, le moment du coucher est délicat, il y faut des rites : vérifier la fermeture de la fenêtre, aligner ses chaussons, prévoir son verre d’eau. Ils sont destinés autant à se rassurer qu’à retarder le moment de se mettre au lit. Dans ce contexte, la peluche, qui ne change pas d’un pouce d’apparence et de mimique, de volume et d’odeur et qui est la fidélité même, détend et rassure : avec son passé parfois long, elle nous connaît, semble-t-il, mieux que quiconque. Betty, 37 ans, confie que la perspective de retrouver sa poupée de chiffon la motive à se coucher au lieu de se trouver toujours une dernière chose à faire avant d’aller au lit. Anne-Marie, elle, la soixantaine, n’hésite pas à affirmer que le seul fait de sentir son Pimpim l’aide à plonger dans le sommeil… et lui évite peut-être de prendre des somnifères.
Pour calmer des angoisses nocturnes
Le noir, le silence, la solitude
peuvent inquiéter (d’où la tentation de s’endormir au son de la télévision). Le coucher et l’endormissement qui s’ensuivent sont des moments de détente, certes, mais surtout d’abandon, et donc de plus grande fragilité. Les psychologues parlent d’angoisse de mort, face au sommeil et à la nuit, comme si on risquait, en se laissant happer par le sommeil, de s’endormir pour toujours. D’ailleurs, dans la bouche des enfants, « quelqu’un qui est mort, c’est quelqu’un qui dort toujours ». Le doudou permet d’affronter cette angoisse de la mort. Et puis, la crainte de ressasser les problèmes que l’on a mis en arrière-plan tout au long de la journée fait chez certains percevoir le lit comme un lieu de vulnérabilité. Le sommeil suscite une angoisse mortifère contre laquelle on lutte jusqu’au bout.
Pour se remémorer un souvenir heureux Le doudou protège et rassure, les adultes comme les enfants.
Certes, à l’âge adulte, il n’est plus le substitut des parents, mais il tranquillise, parce qu’il nous rappelle celui qui nous l’a offert ou un souvenir heureux (babiole rapportée de voyage, objet ayant appartenu à un grand-père…). Parfois, il vient directement de notre petite enfance et il y a presque une superstition, on s’imagine des malheurs si on venait à le perdre. Ces liens familiaux ou amicaux, ces souvenirs si chers, nous rassurent et nous réconfortent dans les moments de baisse de moral ou d’angoisse existentielle. Ils ont des pouvoirs apaisants et réparateurs, c’est pour cela qu’ils sont très souvent présents dans la chambre.