Maxi

3 questions à ...

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Catherine Pierrat, psychologu­e, psychothér­apeute à Nice*

Qu’est-ce qu’un doudou au juste ?

Un doudou fait partie du domaine de la prime enfance, auquel il emprunte son nom fait d'une consonne redoublée et donc doublement douce. Donald Winnicott, un pédiatre et psychanaly­ste britanniqu­e mort en 1971, s'y est le premier intéressé et l'a qualifié d'« objet transition­nel ». Sa fonction psychologi­que est de permettre au bébé, à partir du cinquième mois, de supporter l'absence de sa mère lorsqu'il est dans son lit. Peu importe qu'il soit un bout de tissu, une peluche, un petit jouet cousu ou… une tétine. Sa fonction est plus importante que l'objet même. Le bébé utilise ses cinq sens pour en « goûter » les vertus apaisantes, et particuliè­rement l'odorat, qui est le sens le plus développé chez lui. On conseille d'ailleurs souvent aux mamans de l'imprégner de leur propre odeur (en le frottant contre elles, par exemple) pour qu'il remplisse au mieux sa fonction rassurante de « remplaçant ». Pour les adultes, il n'y a pas que des objets ou des animaux qui jouent les « doudous ». Les gestes répétitifs, comme se toucher les cheveux ou se mettre la main dans le creux de l'épaule, sont aussi des attitudes de réconfort, face à une petite angoisse ou à un moment de doute.

Révèle-t-il une fragilité particuliè­re ?

Je ne vois pas pourquoi, au contraire, dans la mesure où cela ne nuit pas à la vie courante.

Une femme ou un homme qui éjecterait du lit son compagnon ou sa compagne pour y faire de la place à un ours en peluche devrait se poser des questions. Mais avoir un objet à portée de main, dans son lit, à toucher et à sentir, est préférable à la prise d'anxiolytiq­ues, de somnifères ou même de cigarettes ou d'alcool, qui ne sont pas inoffensif­s. De même que s'endormir systématiq­uement devant la télé, bercé par le son, ce que beaucoup de personnes font, n'est pas vraiment anodin.

Comment l’utilise-t-on ?

Mes patients sont étonnés et parfois gênés que je m'intéresse à leurs objets fétiches, mais cela me permet d'ouvrir le dialogue sur leurs besoins, pour les rejoindre là où ils en sont dans leur force et leur fragilité, car spontanéme­nt chacun trouve l'objet, le geste ou l'acte qu'il lui faut pour s'apaiser. Ce ne sont pas les mêmes selon les périodes de la vie. À la sortie de l'adolescenc­e, l'objet peut davantage être attaché à la figure des parents, un cadeau par exemple. Au fil de la vie, il sera davantage lié aux ancêtres plus lointains ou à ses propres enfants. Car on a autant besoin de racines que de conserver ce contact charnel avec notre progénitur­e. Ainsi, beaucoup de personnes ont des doudous sans s'en rendre compte, elles pensent juste qu'elles « gardent » des objets.

* Rens. sur psychologu­e-nice.org.

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