Maxi

Témoignage

Malgré des débuts dans la vie difficiles, Cécilia est une survivante grâce à la musique. En chantant, elle a vaincu sa timidité et développé une force de caractère qu’elle transmet aujourd’hui aux autres…

- Cécilia

« Chanter m’a aidée à guérir de mon enfance »

C’était en octobre dernier, sur la scène de l’Olympia. Ce soir-là pour une fois, moi qui aime tant la musique, je n’étais pas venue assister à un concert. J’étais invitée à la cérémonie des « Re.Start Awards », une soirée destinée à célébrer des parcours et des victoires sur l’échec. À ma grande surprise, j’étais même nominée pour recevoir un prix ! De mon histoire, pas toujours très gaie, je suis, il est vrai, sortie grandie…

Mon enfance n’a pas été très rose, pour dire

les choses pudiquemen­t. J’étais l’aînée d’une famille de six enfants avec un père absent, qui buvait. Il a même commis quelques bêtises et connu la prison. Ma mère, qui rêvait d’une vie plus stable, a peiné à nous élever. J’ai subi des violences, verbales et physiques, dans ma chair et dans mon sang. Je me suis beaucoup occupée de mes frères et soeurs. À la maison, je remplissai­s les papiers, je gérais beaucoup le quotidien. Il m’est même arrivé d’aller chercher mon père dans des bars et de payer ses notes. Son alcoolisme l’a finalement emporté à l’âge de 52 ans. J’ai eu un beau-père qui s’est pendu et ma mère a fini elle aussi par se suicider. Comme elle, j’ai subi des abus sexuels. En termes de souffrance­s, je peux cocher beaucoup de cases ! Aujourd’hui, cette énumératio­n peut paraître froide, sans sentiment, mais ce n’est clairement pas le cas. Il n’en a pas toujours été ainsi. Si j’arrive à parler de tout cela maintenant, c’est parce que, justement, j’ai dépassé ces épreuves. J’en parle aussi parce que je sais, malheureus­ement, que cette forme de misère sociale et ces drames sont plus courants qu’on ne le pense. Il faut trouver un moyen de s’en sortir. Parce que je ne voulais pas être réduite à une victime passive, je me suis mise en quête de réponses. En quelque sorte, il a fallu que je « mute » pour survivre. Mais je n’étais pas seule. Sans le savoir, j’étais portée, depuis toute petite, par des mélodies qui, dans ma tête, m’aidaient à affronter le quotidien…

Dans mes souvenirs d’enfance les

plus lointains, je chante. Évidemment, je n’ai pas appris la musique ni le solfège. Mais je chantais assez juste, apparemmen­t, tout ce qui me passait par la tête, des génériques de séries télé aux grands titres de la chanson française que j’entendais à la radio. Seule dans ma chambre, je n’ai jamais imaginé avoir un don. Ma mère, malgré notre vie difficile, l’avait quand même remarqué. C’est elle qui m’a convaincue de passer ma première audition, à 16 ans et demi, pour me produire dans une salle de spectacles, près de chez nous. Je ne m’en sentais absolument pas capable, mais quand ma mère m’a demandé si j’avais peur, par défi, je me suis inscrite ! Au début, les organisate­urs ne m’ont pas prise au sérieux. J’étais mineure et je n’avais aucune formation. En plus de cela, je me suis présentée habillée comme un vrai garçon manqué. Pas très glamour ! Quand je les ai suppliés de me laisser ma chance, ils m’ont demandé de préparer une chanson de Whitney Houston, l’une des plus difficiles de son répertoire. Sans doute pensaient-ils que j’allais abandonner. Or, j’ai réussi et ils m’ont engagée ! Grâce à cela, j’ai commencé à gagner ma vie et à rêver d’indépendan­ce. À 18 ans, quand j’ai été enceinte de mon fils, j’ai décidé qu’il était temps de changer de vie. J’ai pris un appartemen­t et embarqué mes petites soeurs avec moi. Elles étaient déscolaris­ées et, avec moi, elles ont repris leurs études. Je suis devenue mère à mon tour et j’ai commencé à élever mon petit garçon.

Avec le recul, j’ai surmonté toutes ces épreuves grâce à ma voix.

Grâce aux chansons que j’écoutais, je me suis mise en « résonance » avec la force de différente­s artistes. En chantant, j’ai pris un peu de la déterminat­ion d’Édith Piaf, de la combativit­é de Diam’s ou de la force d’Aretha Franklin. Au début, avec ma voix puissante fracturée par la vie, je passais en force. Ensuite, quelques années plus tard, j’ai compris que je devais aussi accepter ma

Le chant comme un moyen de dépasser ses blocages et ses peurs

vulnérabil­ité et mon passé. J’ai eu la chance, là encore, de faire de belles rencontres. Alors que j’étais chanteuse profession­nelle, j’ai été sollicitée pour enseigner dans une école. L’expérience m’a tout de suite plu. Et quand j’ai vu l’effet de la musique sur les autres, j’ai décidé de m’installer à mon compte pour les aider à ma manière. Comme il me manquait encore quelques outils et un peu de confiance, je me suis formée au coaching*. Je voulais travailler sur l’identité des gens pour les aider à dépasser leurs blocages et leurs peurs. C’est d’ailleurs en suivant ces cours que j’ai compris combien et comment la musique m’avait aidée. Grâce à ma voix, j’avais convoqué plein de bonnes ondes et évacué les mauvaises. Grâce au chant, j’étais devenue résiliente, j’avais réussi à parler et à analyser ce que j’avais vécu, et pu laisser tout cela derrière moi… J’ai ouvert mon premier centre qui s’appelait « Il était une voix ». Chacun de nous est unique et notre timbre est une mémoire empreinte de notre histoire. La voix ne se limite pas à des cordes vocales qui vibrent, c’est tout le corps qui résonne. Je le sais bien : en chantant, j’ai trouvé ma vie et ma voie…

* Rens. sur ceciliaden­iaud.com.

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