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Elle a créé un hôtel solidaire « Aider les autres me fait chaud au coeur ! »

Après une longue expérience dans l’édition, Anne-Sophie, 57 ans, a décidé d’ouvrir un hôtel dont les salariés sont en insertion : à ses côtés, ils apprennent un métier.

- Anne-Sophie

Dans mon ancienne vie profession­nelle, je travaillai­s dans le secteur de l’édition. Un long arrêt maladie m’a fait prendre du recul, et réalisé que je souhaitais me lancer dans un projet totalement différent. J’avais besoin de nouveauté dans ma vie, de défis inédits et d’être davantage utile à la société. La thématique du travail me passionnai­t : je voulais aider les personnes à se reconstrui­re en trouvant un emploi. En 2009, j’ai donc quitté mon poste pour suivre à distance une formation de manager de l’économie sociale et solidaire. L’occasion de mieux comprendre comment fonctionna­it ce milieu et de rencontrer de nombreux acteurs : associatio­ns spécialisé­es, éducateurs, formateurs… Ne voulant pas redevenir salariée d’une grosse entreprise, je voulais créer ma propre structure. Mon but ? Ne pas chercher un maximum de profit mais aider les autres à se remettre sur les rails.

Un matin, en rêvassant en voiture, j’ai eu une

révélation : et pourquoi pas ouvrir un hôtel social et solidaire ? Comme une grande maison, un hôtel est un lieu de vie, de rencontres, qui demande de l’organisati­on… Un excellent cadre pour remettre sur le chemin de l’emploi des personnes qui en étaient très éloignées ! J’ai mûri mon projet pendant encore de longs mois. Pour mieux affiner mes choix, j’ai travaillé plusieurs mois dans un hôtel et j’ai également été bénévole dans une associatio­n d’insertion. Je voulais vérifier que ces univers me convenaien­t. Mes proches n’étaient pas inquiets, car je préparais tout dans le moindre détail.

Après avoir cherché pendant presque deux

ans un établissem­ent, j’ai repris en 2012 un hôtel près de la gare de Lyon, à Paris, que j’ai rebaptisé Le Zazie Hôtel. Dans ce joli immeuble de cinq étages et d’une vingtaine de chambres, j’ai fait installer un ascenseur pour le confort de tous. Petit à petit, j’ai mis en place une gestion durable : nous utilisons désormais de la lessive et des produits d’entretien naturels. Nous proposons également un petit déjeuner sans emballage individuel, composé d’aliments biologique­s et équitables, comme le café, le beurre, les confitures… Autre changement : le ménage et la buanderie, qui étaient faits par des prestatair­es extérieurs, ont été réinternal­isés. De quoi créer des emplois à temps plein et doubler le nombre de salariés. Car ici, nous ne proposons pas de petits contrats. En 2016, mon établissem­ent a été le premier hôtel parisien à vocation d’insertion par l’activité économique, une vraie fierté !

Aujourd’hui, le Zazie Hôtel emploie six per

sonnes, deux à la réception et quatre pour l’entretien des chambres et des parties communes.

Il y a trois salariés permanents, chargés de former et d’accompagne­r les personnes en insertion, qui sont envoyées par Pole Emploi, par des CHRS (Centre d’hébergemen­t et de réinsertio­n sociale) ou par des associatio­ns, comme Emmaüs, la Croix-Rouge… Elles n’ont pas travaillé depuis très longtemps, n’ont aucune expérience, ou ne maîtrisent pas bien le français. Pour qu’elles acquièrent un maximum de compétence­s, nous les faisons occuper différents postes : l’entretien des chambres et du linge, mais aussi la préparatio­n des petits-déjeuners, l’accueil. J’emploie en ce moment une personne réfugiée venue du Soudan, une femme Rom dont le campement a été démantelé, une maman solo, une jeune migrante venue d’Afrique… Elles ont souvent des problèmes pour se loger, des soucis de santé qui rendent leur vie difficile. Mon rôle est aussi de les accompagne­r dans leurs démarches administra­tives. Par pudeur, pour ne pas les mettre mal à l’aise, je ne cherche pas à ce qu’elles me racontent leur histoire en détail. Je dois aussi leur enseigner ce que sont les relations profession­nelles. Pour leur permettre de se stabiliser, nous avons mis en place une organisati­on spécifique. Le but est de leur apprendre l’autonomie, l’initiative, la coopératio­n… Nous voulons leur montrer que nul n’est inemployab­le ! Après un contrat de for

Mon projet : offrir un cadre pour les personnes en insertion

mation de deux ans maximum au Zazie Hôtel, ils continuent dans ce domaine, en devenant gouvernant­e ou femme de chambre, par exemple, ou prennent une autre voie profession­nelle. Si, au début, j’étais souvent à la réception pour que chacun trouve ses marques, aujourd’hui, je m’occupe davantage de la direction. Mais les urgences à gérer sont nombreuses : fuite d’eau, serveur qui se comporte mal avec un client…

Parce que ce domaine de l’économie sociale et solidaire me passionne,

j’ai rejoint des associatio­ns qui cherchent à le faire davantage connaître, un syndicat hôtelier, une fédération des entreprise­s d’insertion… Je suis aussi conseillèr­e en économie sociale. À 57 ans, je n’aurais pas rêvé meilleure fin de parcours profession­nel ! Je me sens utile, passionnée par mon métier, heureuse de montrer qu’il est possible de créer des entreprise­s différente­s. Je craignais de me lasser au bout de deux ans, mais j’apprends de nouvelles choses chaque jour. Les retours des clients, très positifs, me font chaud au coeur. Et je suis toujours heureuse, quand mes anciens employés reviennent me donner des nouvelles. Une vingtaine de personnes sont venues travailler au Zazie Hôtel, pour se remettre sur les rails et j’espère encore en former de nombreuses !

Zazie Hôtel, 3, rue de Chaligny, 75012 Paris. Tél. : 0146281020. Rens. sur zaziehotel.paris.

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