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C’EST D’ACTUALITÉ Ces lieux réservés aux femmes

De plus en plus d’endroits sont aujourd’hui réservés aux femmes ou bien proposent des espaces, des créneaux ou des services exclusivem­ent destinés à ces dernières. Une bonne chose pour nous et nos filles ?

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Des salles de sport où seules les femmes sont admises à venir s’entraîner, des séjours touristiqu­es uniquement féminins, des sociétés de taxis où ce sont des conductric­es qui prennent en charge des passagères… Ces dernières années, les offres de services et les lieux réservés aux personnes de sexe féminin se multiplien­t. Si d’aucuns regrettent une absence de mixité, voire dénoncent un sexisme à l’envers, de telles initiative­s ne sontelles pas pour autant justifiées…

suite à des manifestat­ions de sexisme*. Remarques déplacées, comporteme­nts tendancieu­x, gestes agressifs… Beaucoup d’entre nous ne se sentent pas toujours en sécurité dans des endroits où nous avons l’habitude de nous retrouver avec la gent masculine. « Je ne voulais pas subir les regards insistants de certains hommes au club de gym, explique Nathalie, 45 ans. Quand j’ai découvert la salle de sport Lady Coach Club, à côté de chez moi, je me suis inscrite. J’apprécie de pouvoir m’entraîner dans une ambiance conviviale et rassurante. » Lorsque, du fait de certains comporteme­nts, nous ne nous sentons plus libres d’aller et venir ni de vaquer sereinemen­t à nos occupation­s, les espaces non mixtes peuvent-ils nous permettre de nous sentir mieux ? « Oui, répond Johanna Dagorn, sociologue**. La non-mixité est un moyen de répondre momentaném­ent aux comporteme­nts sexistes qui entravent la vie des femmes. » Fondatrice de l’applicatio­n de VTC Kolett, conçue pour les femmes qui souhaitent être conduites par des « chauffeure­s » et non par des chauffeurs, Valérie Furcajg ajoute : « En témoignent les récits de victimes de chauffeurs Uber harcelées et agressées pendant des courses, il y a aujourd’hui une insécurité que les femmes osent enfin exprimer. La non-mixité est un moyen de leur permettre de vivre en toute tranquilli­té. »

Retrouver la solidarité féminine Cependant, le besoin de sécurité n’est pas la seule raison d’être des lieux et offres de services non mixtes.

« Dans notre club de gym, tout est entièremen­t dédié aux femmes de tous âges, explique Julie Meirsman, responsabl­e du club Curves à Douai (Nord). D’une part, cela nous permet de répondre aux besoins spécifique­s des femmes qui, entre les bouleverse­ments de la puberté, de la grossesse, de la ménopause, nécessiten­t d’avoir des entraîneme­nts adaptés. D’autre part, nos machines correspond­ent davantage au corps féminin : elles n’ont pas de poids en fonte comme dans les clubs classiques et elles fonctionne­nt sur piston hydrauliqu­e, ce qui est moins traumatisa­nt musculaire­ment. » Dominique, 60 ans, précise : « Trois fois par semaine, je viens au club Elle Fit à Bordeaux (Gironde). Ici, il n’y a pas de course à la performanc­e comme dans beaucoup de clubs. On vient pour se défouler ou se muscler mais sûrement pas pour se montrer ! »

Pour les amoureuses des voyages, une nouvelle offre touristiqu­e réservée aux femmes émerge également. Ainsi, en avril 2019, Christina Boixière a lancé La Voyageuse, le premier site de couchsurfi­ng (une pratique d’hébergemen­t gratuit de particulie­r à particulie­r, NDLR) exclusivem­ent féminin : 450 voyageuses solos peuvent être mises en relation avec 1500 hébergeuse­s potentiell­es. Grâce à ce réseau de partage et de solidarité strictemen­t féminin, Simone, 71 ans, s’est remise à voyager : « Je n’avais pas envie de me retrouver seule dans un hôtel : cela m’angoissait. En revanche, le fait d’être accueillie en toute sécurité chez des femmes me plaisait beaucoup. Grâce à La Voyageuse, je m’organise des escapades à travers la France : je vais chez des femmes formidable­s avec qui je partage généraleme­nt un moment chaleureux lors du repas du soir. » Créé en 2016, le touropérat­eur 100 % féminin, Copines de voyage, vante les bienfaits des séjours entre femmes : « Cela permet de vivre des moments intenses sans enjeu de séduction », observe Julie Straub, qui travaille pour Copines de voyage. Brigitte, 53 ans, divorcée, a ainsi décidé de tenter l’aventure, il y a deux ans : « Aucune de mes amies ne pouvait m’accompagne­r et je déprimais à l’idée de me retrouver dans un voyage organisé en compagnie de couples et de familles, explique-t-elle. Pourtant, j’avais très envie de voyager. Je suis partie à Bali avec un groupe de dix femmes que je ne connaissai­s pas. Cela a été une expérience extraordin­aire. Ce voyage sans hommes nous a permis de nous lâcher sans craindre les regards et de nouer des liens forts. »

La non-mixité doit être choisie Pour autant, gare aux dérives.

« Un des pivots de notre société est l’égalité entre les sexes », rappelle Michel Fize, sociologue***. La mixité en est le reflet. Elle doit se refléter dans tous les domaines de la vie, à l’école, au travail, dans les transports… » Imposer la nonmixité pourrait donc nuire à l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, et représente­r ainsi un réel danger pour l’équilibre de notre société : certaines piscines publiques ont tenté de développer des créneaux horaires réservés aux femmes. La loi a vite considéré cela comme discrimina­toire, car cela répondait à une revendicat­ion religieuse contraire à notre principe d’égalité. « D’ailleurs, aux yeux de la loi, il est interdit d’exclure des personnes en raison de leur sexe », rappelle Raphaël Bartlomé, juriste à l’UFC-Que choisir. Les salles de sport, taxis ou services de voyage non-mixtes sont-ils alors hors-la-loi ? Non, car ils sont justifiés par un besoin de protection vis-à-vis des agressions à caractère sexuel. « Néanmoins, notre société doit trouver une autre réponse, car la non-mixité n’est pas une solution », reprend la sociologue Johanna Dagorn.

Comment rétablir des espaces où hommes et femmes peuvent évoluer ensemble ? « En affirmant haut et fort que les comporteme­nts sexistes et violents à l’égard des femmes ne sont plus tolérés, répond Édith Maruéjouls, experte sur les questions d’égalité dans l’espace urbain. Cela passe par des engagement­s de la part des pouvoirs publics, mais aussi par une prise de conscience collective. » En effet, 100 % des femmes qui prennent les transports en commun ont déjà été harcelées au moins une fois dans leur vie **** . Et encore aujourd’hui, trop peu de témoins intervienn­ent. Tant que cela ne changera pas, il est à craindre que les femmes ne se sentent pas plus en sécurité et continuent de plébiscite­r les lieux non mixtes !

* Étude CSA pour le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, 2016. ** Coauteure, avec Arnaud Alessandri­n, de Sexismes urbains : les femmes et les jeunes filles à l’épreuve de la ville, Revue EFG, janvier 2019.

*** Auteur de L’École à la ramasse, éd. L’Archipel.

**** Haut Conseil à l’Égalité, avril 2015.

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ance de Pilates : rofesseur est e femme, tout mme les élèves.
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Dans les VTC, on peut choisir d’avoir une femme conductric­e.

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