Maxi

TÉMOIGNAGE « Je suis la preuve qu’une autre vie est possible »

Élevée dans la violence et battue par son petit ami de 17 ans, Tatiana aurait pu, comme sa maman, perdre la vie. Aujourd’hui, grâce à son expérience, elle se sent plus forte que tout et elle aide des femmes à s’en sortir.

- Tatiana

J’avais 4 ans quand mes parents ont divorcé. Ma mère est partie vivre avec l’autre : un homme violent qui la battait. J’ai grandi en pensant que la violence était normale dans le couple. Dans ma famille, tout le monde savait ce qu’endurait ma mère, mais personne ne dénonçait la situation. Régulièrem­ent, maman me répétait qu’avec les coups qu’elle recevait, elle partirait bientôt. Elle m’avait fait alors promettre de m’occuper de ma petite soeur. En fait, elle me préparait à sa mort, mais je ne voulais pas l’écouter. Ma mère est morte sous les coups, j’avais à peine 12 ans. Jamais je ne pourrai me pardonner de ne rien avoir fait pour la sauver. Mon père a repris ma garde, mais je ressemblai­s tant à ma mère dont il était encore amoureux qu’il ne supportait pas de voir mon visage.

J’avais 16 ans, quand il m’a jetée à la rue avec mes affaires. À cette époque, j’ai eu la chance de trouver une chambre dans un foyer pour jeunes. C’est là que j’ai rencontré l’autre bis : un jeune homme de 17 ans. Impossible d’oublier la première gifle qu’il m’a donnée ! Juste après, il s’est excusé, il m’a couverte de cadeaux. Et puis, il a recommencé avec chaque fois plus de violence. Aux insultes et aux gifles, se sont ajoutés des coups. Il lui arrivait juste après de vouloir faire l’amour avec moi, bien sûr, je n’en avais pas du tout envie. Combien de fois m’a-t-il violée ? Un jour, il a décidé de me faire un enfant, pour que je lui appartienn­e pour toujours. Et je suis tombée enceinte ! J’aurais dû fuir ! Mais, l’autre m’avait tellement rabaissé et il était tellement menaçant que je n’avais même plus cette force en moi… Il a fallu arriver jusqu’à ce jour, en 2002, où il m’a annoncé ma mort prochaine, pour avoir enfin le déclic : si je ne m’enfuyais pas, j’allais y rester.

Dès que j’ai pu, j’ai pris mon enfant sous le bras et je suis partie en courant à l’hôpital. En m’auscultant, les médecins ont découvert mon corps couvert de bleus et de blessures. Ils m’ont dit que j’étais une miraculée. Durant mon hospitalis­ation, j’ai rencontré un avocat. C’est lui qui m’a aidée. Il m’a trouvé un logement, puis du travail. Je n’ai pas voulu porter plainte mais, malgré cela, l’autre s’est retrouvé en prison.

Je me sentais renaître ! Surtout, j’ai fait la connaissan­ce de Xavier. Mais quand l’autre est sorti de prison, bien évidemment, il m’a retrouvée. Et quand il a sonné à la porte, ce n’est pas moi qui ai ouvert la porte, mais mon mari : un homme de 2 mètres de haut… Certes, j’avais réussi à m’en sortir mais, même si j’étais sauvée, je n’étais pas du tout guérie de mon traumatism­e ! Dès que Xavier haussait le ton ou marchait d’un pas dynamique, je sursautais et je me sentais à nouveau transporté­e dans mon quotidien avec l’autre ! Combien de fois me suis-je enfuie, apeurée ? Je n’arrivais pas à lui faire complèteme­nt confiance. Pour moi, un homme, c’était forcément violent… Xavier a vraiment eu une patience incroyable avec moi ! Ma réelle reconstruc­tion a démarré le jour où j’ai entrepris d’écrire un livre sur mon histoire. Je me revois encore rédiger des passages, puis les effacer. En me relisant, je me disais qu’ils étaient trop violents et que les gens seraient trop choqués, voire dégoûtés. Finalement, mon éditrice m’a fait comprendre que c’était mon vécu, que l’on ne pouvait pas l’effacer ni le changer. Il m’a fallu encore deux ans pour le terminer. Mon livre a été publié en 2010.

Grâce à cette parution, j’ai reçu des messages de centaines de femmes. Quand je lis cette phrase magique : « grâce à votre livre, Tatiana, j’ai pris la décision de m’enfuir », j’en ai toujours les larmes aux yeux. Je n’avais pas réussi à sauver ma maman mais, grâce à mon histoire, j’arrivais à encourager d’autres femmes de reprendre leur vie en main. Toutefois, je devais aller plus loin encore. Je me revois marcher dans le parc ce jour-là avec mon chien. Grâce à mon livre et aux interviews que j’avais eues à la télévision et dans la presse, j’avais aidé des femmes à ne plus subir la violence, mais en fondant une associatio­n, je pourrais aller encore plus loin. Et je me sentais assez

Aller encore plus loin en créant une associatio­n d’aide aux femmes

forte à présent pour cela. C’est ainsi qu’est née l’associatio­n Rose-Jaune, en 2010. En fait, je n’avais pas encore réalisé à quel point ce nouveau défi allait être dur à relever. Face aux femmes que j’aidais, je montrais mon plus beau sourire, mais après avoir entendu leurs confidence­s, combien de fois il m’arrivait de fondre en larmes chez moi ? Leur histoire me replongeai­t inéluctabl­ement dans la mienne ! Il m’a fallu encore pas mal de chemin, d’introspect­ion et de travail sur moi-même pour ne plus m’effondrer au moindre haussement de ton ou bruit de pas un peu trop brusque.

C’est grâce à des rencontres avec des moines bouddhiste­s et à une étude scientifiq­ue réalisée aux Pays-Bas, que j’ai compris que rien n’était possible sans visualisat­ion. Alors, j’ai commencé à m’imaginer que j’étais une femme très forte. Ainsi, j’ai eu le courage de m’inscrire à un cours de boxe. Cet entraîneme­nt a réussi à m’aider à évacuer la peur ! Si un jour un homme m’agresse dans la rue, je sais que je pourrais me défendre ! Et ce qui a été vraiment le plus magique, c’est de constater, il y a quelques semaines, que lorsque Xavier haussait un peu la voix, je ne tremblais plus. Pour moi, ce changement est la preuve tangible de ma guérison ! Alors, croyez-moi ! Osez fuir ! Après des violences conjugales, une autre vie pleine de bonheur est possible, j’en suis la preuve !

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