Médecins du Monde fête ses 40 ans
La célèbre association médicale est aujourd’hui présente dans le monde entier. Si ses membres ont de quoi être fiers de leur histoire et des actions menées, les défis sont encore nombreux !
Sur un fond bleu, une colombe, symbole de la paix, tient dans son bec un rameau d’olivier et forme une croix blanche représentant la médecine et les soins. Ce logo, qui incarne l’association Médecins du Monde, résume parfaitement son action : soigner les populations les plus vulnérables, témoigner des atrocités lors des conflits armés et essayer d’obtenir une meilleure santé pour tous. Depuis 40 ans, cette association agit. Aujourd’hui, elle aide près de 4 millions de personnes dans le monde.
Des « boat people » vietnamiens au centre de dépistage en France
Souvenez-vous : en 1979, des milliers de Vietnamiens fuient leur pays et le régime communiste qui s’est étendu au sud après la guerre. Sur des embarcations de fortune, ils prennent la mer pour trouver refuge ailleurs. Un voyage incertain au risque de leur vie. En France, au sein de l’association Médecins sans frontières, créée en 1971, on se demande s’il faut intervenir. Les avis divergent, du coup, une quinzaine de responsables, parmi lesquels Bernard Kouchner, quittent l’association et embarquent pour le Vietnam le 19 avril 1979, à bord du bateau Île de Lumière, aménagé en hôpital. « Les trois principes de l’association étaient posés avec cette première action : aller là où les autres ne vont pas, témoigner de l’intolérable et travailler bénévolement », relève le docteur Philippe de Botton, président de Médecins du Monde. Quelques mois plus tard, en 1980, l’association voit officiellement le jour. Son objectif : « Créer une structure prête à parer aux situations d’urgence dans les délais les plus brefs, ce qui n’est parfois pas possible pour les institutions internationales. » La même année, des équipes partent pour l’Afghanistan secourir les populations démunies, bombardées par les Soviétiques. En 1981, direction le Salvador, où une guerre civile vient d’éclater, puis le Brésil en 1984, pour aider les Indiens de la forêt amazonienne en danger à cause de l’intrusion de colons et de chercheurs d’or… En France, l’action de Médecins du Monde se développe aussi : « Peu de temps après la création, les fondateurs ont voulu agir contre la précarité et l’exclusion qui touchaient les personnes dans notre pays, raconte Philippe de Botton. En 1986, un premier centre d’accueil est ouvert, rue du Jura à Paris, pour soigner gratuitement les plus démunis. » À l’époque, le sida fait des ravages : Médecins du Monde ouvre également le premier espace en France de dépistage anonyme et gratuit du VIH.
Combattre sur tous les fronts
Depuis les années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, Médecins du Monde intervient sans relâche dans les zones de conflit : Rwanda, Somalie, ex-Yougoslavie, Tchétchénie, Kosovo… Et dès qu’une catastrophe sanitaire survient, à l’instar du tsunami en Indonésie, du tremblement de terre en Haïti ou
de la propagation du virus Ebola, on peut compter sur leur mobilisation. « À chaque fois, nous essayons de faire face à la situation de crise, puis nous mettons en place des programmes de santé à plus long terme sur la maladie mentale, ou encore la contraception, afin d’assurer une meilleure prise en charge, assure Philippe de Botton. Progressivement, nous sommes également passés d’une action 100 % médicale à une intervention plus globale sur le logement, les droits des femmes, les conditions de travail… »
Petit à petit, l’action de Médecins du Monde, s’est développée autour de cinq axes prioritaires. Premier axe : la santé sexuelle et reproductive, qui permet de mener des programmes sur l’éducation sexuelle, la prévention et la prise en charge des grossesses non désirées, mais aussi la lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST). « Notre deuxième axe consiste à agir sur la réduction des risques sanitaires pour les usagers de drogues, les travailleurs du sexe et les minorités sexuelles, qui sont davantage exposés aux maladies et aux violences, explique Philippe de Botton. Notre troisième axe est auprès des migrants, en France et à l’étranger. Et le quatrième consiste à développer des actions pour aider les populations confrontées à des environnements nocifs (ceux qui sont en contact avec des métaux lourds ou des produits chimiques, par exemple, ceux qui vivent dans des bidonvilles…), afin de réduire l’impact sur leur santé et celle de leurs proches. Enfin, nous continuons le combat de nos débuts : assurer les soins médicaux aux populations exposées aux guerres et aux événements climatiques. » Loin de travailler seule dans son coin, l’association développe ses actions à l’étranger avec des partenaires locaux. « Nous co-construisons des projets à long terme, main dans la main, avec les associations ou les institutions publiques du pays, car ils connaissent parfaitement la population locale et ses besoins, reprend Philippe de Botton. Aujourd’hui, 63 programmes internationaux sont menés dans 45 pays. Nos équipes comptent 120 expatriés et plus de 1600 locaux. Sans eux, rien ne serait possible ! »
De nombreux défis à venir
L’association a 40 ans, l’âge de la maturité, et l’occasion de regarder vers l’avenir. « En France, notre objectif pour les années à venir est que toutes les personnes sur le territoire puissent accéder aux soins, car c’est un droit fondamental, explique Philippe de Botton. Et c’est aussi un droit qui est vecteur de justice sociale. Or, aujourd’hui, les consommateurs de drogue, les travailleurs du sexe, les migrants, les sans-papiers en sont souvent privés. » De plus, aujourd’hui en France, alors que des lits ferment et que l’hôpital manque cruellement de moyens et de personnel, Médecins du Monde souhaite militer pour la survie d’un système de santé inclusif, solidaire et pérenne.
Autres combats : la fin de l’habitat indigne et l’amélioration des conditions de travail, car ces deux domaines influent fortement sur la santé des personnes, en France et dans le monde. « Nous voulons que la justice sociale devienne une réalité sur la planète, c’est-àdire l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social, annonce le président de Médecins du Monde. Et, bien sûr, cela passe par l’accès au soin et à la santé. »
Autre cheval de bataille pour l’ONG : la lutte contre les effets environnementaux. Selon l’OMS, 14 % de la mortalité en France est due à des causes environnementales, soit 74300 décès en 2016. « Il y a encore beaucoup de défis à relever, reconnaît Philippe de Botton. Mais toutes nos équipes comptent bien s’y atteler ! »