Éleveuse de chèvres et fière de l’être “Je me suis battue pour l’exploitation familiale”
Il y a 12 ans, suite à l’accident de son père, Noémie a dû reprendre la ferme familiale en Haute-Savoie et faire face à de nombreuses difficultés. Aujourd’hui, cette maman de deux enfants, élue Miss Agri 2020, savoure son succès, personnel et professionne
Mon père était agriculteur : il tenait une chèvrerie. En 2007, alors qu’il venait de quitter la ferme familiale pour s’installer sur un nouveau terrain, il a eu un très grave accident en tombant d’une échelle. À l’époque, j’avais tout juste 18 ans et je suivais des études de comptabilité. Le soir même, j’ai dû le remplacer dans l’exploitation ! Il fallait quelqu’un pour traire les bêtes, leur donner à manger et s’occuper de la production. Si je pensais moi aussi devenir agricultrice, je n’avais pas imaginé que cela arriverait si soudainement et surtout si tôt. Je n’avais même pas mon permis de conduire alors que notre ferme se situe dans un coin isolé. Ça a été dur aussi pour ma maman : secrétaire administrative, elle a dû arrêter ce travail pour venir s’occuper des chèvres avec moi. C’était très difficile, car il y avait beaucoup de tâches à accomplir, tout en gérant notre chagrin et notre inquiétude : mon père était hospitalisé après un sévère traumatisme crânien. Mes deux soeurs n’avaient pas le temps ni la possibilité de venir en renfort. débuts, lorsque j’ai voulu proposer de la vente directe de produits à la ferme, il fallait que le chemin communal amenant à notre chèvrerie soit goudronné. En l’état, il n’était pas pratique pour le public. Mais des personnes de la municipalité s’y sont opposées, à cause de vieilles histoires de clochers. Il y a des années, elles étaient en conflit avec mes grandsparents, pour d’obscures raisons que je ne connais même pas ! Quand j’ai repris la chèvrerie, j’étais jeune, j’étais une femme, et cela ne plaisait pas que je revendique mes droits. Mes interlocuteurs me tutoyaient, me regardaient de haut : pour eux, je n’étais pas crédible ! Et ils ont sali ma réputation dans les environs, m’appelant « madame mauvais caractère » alors que je voulais simplement faire mon travail. Ça a été très dur, car il m’a fallu me battre. J’ai également subi des dégâts à cause d’une décharge illégale qui a pollué ma source et qui a failli empoisonner mes bêtes. J’ai dû déposer plainte et les personnes de la mairie n’ont pas apprécié ce geste. Ces différents épisodes ont forgé mon caractère, ils m’ont endurcie, mais sur le moment, c’était déstabilisant. Toutefois, je n’ai jamais renoncé à mon travail ni à mon projet : je voulais mettre en place une agriculture proche de mes valeurs. Aujourd’hui, avec ma mère et nos deux employés présents de mai à octobre, nous fabriquons une dizaine de produits bio : chevrotin en label AOP, fromages, yaourts… Mes 80 chèvres sont aujourd’hui élevées dans nos champs, à 1000 mètres d’altitude, une grande partie de l’année. L’hiver, elles vivent dans la chèvrerie et sont nourries avec nos fourrages et ceux d’un autre producteur des environs, en complément. Ma mère s’occupe de la commercialisation, de la vente sur les marchés, et moi de la production : traite, fabrication du fromage, emballage…
J’ai la chance d’exercer un métier que j’aime et qui a du sens