Maxi

TÉMOIGNAGE «Notre savon fait la fierté de notre région »

Après s’être reconverti­e dans la savonnerie avec son compagnon, Muriel a eu l’idée de faire revivre, en Picardie, le patrimoine local autrement.

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Malgré une année particuliè­re, nous n’avons pas arrêté de travailler. Notre savonnerie, installée dans un ancien hangar à manège, tourne bien grâce au bouche-à-oreille. Pendant le confinemen­t, alors que tout aurait pu s’arrêter, nous avons fait des dons de savons au personnel soignant. Nos savons étaient une bonne alternativ­e au gel. Je ne regrette pas ma reconversi­on. Aujourd’hui, nous avons plusieurs raisons d’être fiers de nos produits et de notre patrimoine !

J’ai découvert l’artisanat dans une autre vie.

Quand j’ai rencontré Jean-Marc, mon compagnon, il y a dix ans, il était le seul fabricant français de cabochons pour manèges, c’està-dire de capsules colorées qui entourent les loupiotes. Il concevait aussi les mouvements de lumière et les bruiteurs de diverses attraction­s foraines. Un autre monde s’est ouvert à moi qui avais étudié aux Beaux-Arts et plutôt évolué dans la production théâtrale. J’ai commencé à travailler avec lui avant d’avoir envie d’une nouvelle aventure profession­nelle. Comme je suis du sud de la France, nous redescendi­ons régulièrem­ent « chez moi ». Notre idée est d’abord née d’un besoin personnel.

Mon compagnon a la peau fragile. Nous avons beaucoup utilisé de savon de Marseille. Cependant, de nos jours, beaucoup préfèrent trouver un savon plus hydratant et doux. Nous avons donc cherché un produit plus enrichi et en étudiant de nouvelles compositio­ns, nous avons décidé de nous lancer dans cette voie. Nous avons cédé notre activité et réinvesti notre argent dans cette aventure. Nous avons acheté de nouvelles machines et nous nous sommes formés à la production de savon. C’est Jean-Marc qui a eu l’idée de lancer une gamme sans parfum ni colorant baptisée… Le Cul propre, « le savon qui n’a rien à cacher », blaguait-il, c’est-à-dire sans additifs chimiques ni perturbate­urs endocrinie­ns. Mais nous savions que nous devions aussi proposer des savons parfumés et colorés, mais toujours garantis 100 % naturels. Nous avons pensé à la gamme des « Manèges à savons », en clin d’oeil à notre vie d’avant… Nous avons lancé notre savonnerie, « La Savonnerie des Hauts-de-France* » en Picardie,

à Salouël, dans un hangar à manèges désaffecté. Je suis revenue avec mon compagnon dans sa région d’origine pour laquelle j’ai eu un véritable coup de coeur. C’est l’avantage quand on vient d’ailleurs : on voit des trésors que les locaux parfois ne voient plus ! Je me souviens avoir souvent remarqué des amas de légumes sur le bord des routes. Mes amis ici ne remarquaie­nt plus ces tas de betterave à sucre, pourtant si particulie­rs à la région. Voilà comment on a créé notre savon betterave à sucre, enrichi au beurre de karité bio et à l’huile de germe de blé. Il appartient à une gamme baptisée « Vive la Picardie », comme notre savon à la spiruline de marc, une microalgue à la forme spiralée, aussi vieille que le monde et produite en Picardie. C’est aussi en visitant la cathédrale d’Amiens, en « touriste », que j’ai découvert l’histoire de la waide. Sur un mur de la nef, une statue représente deux marchands devant un sac de tourteaux de waide. Des fleurs de waide ont aussi été sculptées sur un soubasseme­nt de la façade. Je me suis demandé ce que c’était. En fait, les feuilles de la waide, une plante tinctorial­e donnant un pastel bleu, sont un symbole

Nous avons investi dans notre gamme de savons 100 % naturels

à Amiens. Elle était très cultivée au Moyen Âge dans les alentours et la capitale picarde a longtemps dû sa renommée grâce au fameux « bleu d’Amiens ». Nous avons retrouvé des graines que nous avons fait pousser sur une parcelle appartenan­t à des amis agriculteu­rs. Cela a donné un autre savon bleu. Nous allons retravaill­er sa compositio­n, car l’extraction de ce colorant naturel consomme trop d’eau à notre goût, mais nous continuero­ns à valoriser le patrimoine de notre région !

Depuis l’ouverture de la boutique, le bouche-àoreille marche bien et

me remplit de fierté. Il faut réinventer ces produits tout en respectant la réglementa­tion cosmétique en vigueur, mais nous sommes heureux du résultat obtenu. Nos savons sont aussi enrichis au beurre de karité bio, avec des huiles différente­s de germes de blé, d’olive ou d’avocat selon les peaux. Mais nous sommes également émus par les retours de la clientèle, car beaucoup sont conscients de l’importance et de la valeur de leur patrimoine. Il y a ici une histoire et un passé industriel formidable­s. Ils sont heureux quand ils lisent que notre savon est fabriqué à Salouël, à côté de chez eux. C’est particuliè­rement émouvant dans les marchés de Noël, lorsque les clients nous félicitent. Aujourd’hui, notre savon semble faire la fierté de la région ! Et ce n’est pas terminé. Nous sommes justement à un tournant, cette année, où il est essentiel de réfléchir à ce que l’on peut produire localement, en circuit court pour protéger la planète et l’économie. Il y a tant à faire dans cette magnifique région ! Muriel

* Rens. sur facebook.com/savonlecul­propre.

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