Maxi

« On est retournés à l’école pour pouvoir ouvrir notre crêperie »

Leurs voies profession­nelles semblaient bien tracées… Toutefois, Anne-Fleur et Guillaume ont lâché leur vie de bureau pour faire des crêpes au bord de la mer. Sans regret !

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L’été 2019, je mangeais ma galette à la crêperie de Paimpol, en essayant de m’imprégner des murs : est-ce que je me voyais, avec Guillaume, servir une vingtaine de clients et assurer en cuisine ? La crêperie de l’Abbaye était à vendre, et on avait eu le coup de foudre pour cette adorable petite ville des Côtes-d’Armor, où nous allions écouter les chants de marin quand nous étions enfants. Mais le chemin était long avant de réaliser un tel projet !

En attendant, Guillaume avait la chance d’être embauché dans une grosse société, comme acheteur industriel, et moi, je commençais ma thèse après un master 2 de sociolingu­istique, mais à Nantes, soit à 250 kilomètres ! Tout lâcher, trouver un banquier qui nous accorde un prêt… parce qu’on avait reçu en cadeau une crêpière à Noël et adoré les faire tourner, c’était la grande aventure ! Mais, à 25 ans, nous avions une certitude : nous ne voulions pas continuer à nous croiser matin et soir, avant 7 heures et après 20 heures, surtout si nous avions un jour un enfant. Quand on a parlé de cette idée de crêperie à nos amis et à nos familles, passé la surprise, tout le monde a eu la même réaction : c’était maintenant ou jamais !

À l’automne, Guillaume a conclu une rupture convention­nelle et nous sommes allés à la banque expliquer notre projet pour obtenir un financemen­t, car nos minuscules économies ne suffisaien­t pas. Nous avions l’air sérieux, nos parcours nous rendaient crédibles, et nous avions déjà l’habitude d’exposer nos idées, ce qui nous a aidés. Toutefois, la banque nous a conseillé de suivre une formation profession­nalisante dans un Greta* avant de nous embarquer. En octobre, nous sommes donc partis pour le pays Bigouden, où nos super formateurs nous ont tout appris : tourner une crêpe, faire le service en salle, mais aussi imaginer des recettes originales, jusqu’aux sushis sucrés de crêpes et, bien sûr, la vraie galette saucisse ! On s’est juré que, dès qu’on serait rodés, on lancerait des soirées à thèmes parce que nous avons tous les deux horreur de la routine.

Après avoir passé deux semaines à travailler dix heures par jour, nous étions convaincus que ça nous plaisait, qu’on supportait la chaleur des crêpières et qu’on aimait vivre avec le parfum des cuisines sur le corps. Une fois munis de notre attestatio­n de formation, nous avons recontacté la banque qui nous a accordé un prêt sur sept ans. Et puis nous avons sollicité les organismes aidant les créateurs d’entreprise, la chambre du commerce, les associatio­ns locales accordant des prêts à taux zéro…

Tout de suite, il a bien fallu s’astreindre à ce qui occuperait une partie de notre temps : la comptabili­té-gestion ! La crêperie avait fermé en janvier et on a prévu l’ouverture en avril, le temps de donner un coup de frais au décor de la salle et d’aménager le petit appartemen­t de l’étage pour nous. C’était un débarras inhabité depuis des années, avec des couches de papiers peints et de lino années 1950, mais le plus urgent à nos yeux était de peaufiner la partie restaurati­on. J’ai donc acheté de la belle vaisselle et nous avons sélectionn­é nos produits locaux : des oeufs de poules qui gambadent en plein air, du lait en direct du producteur, de la truite fumée de Paimpol, des algues de Roscoff, de l’andouille de Guéméné… Tout est breton, avec le moins d’intermédia­ires possible !

Nous étions fin prêts quand soudain… le confinemen­t est arrivé ! Et les premiers « punis », c’était nous ! C’est sûr qu’en un mois et demi de « vide », on a bien eu le temps d’arranger notre maison ! Et même de se reposer, d’autant plus que j’ai appris que j’étais enceinte ! Un imprévu qui ne tombait pas forcément à pic, mais enfin, avec un commerce ce n’est jamais le « bon » moment.

Créer quelque chose ensemble correspond à notre idée du couple

Alors, nous avons accueilli cette jolie surprise comme un cadeau d’inaugurati­on. On a aussi profité de ce que nous étions venus chercher : la mer et son littoral. Et enfin, le grand jour est arrivé, mi-mai, avec les masques, le gel hydroalcoo­lique et la distanciat­ion des tables, une façon de nous roder puisque nous n’avions qu’un client sur deux ! Ce qui faisait tout de même 80 crêpes par jour, midi et soir…

Après les clients du quartier, heureux que la vie revienne, sont arrivés les touristes.

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