Maxi

Une sage-femme passionnée «Chaque rencontre est magique !»

Sage-femme depuis dix ans, Anna ne compte plus les bébés qu’elle a vu naître et les parents qu’elle a accompagné­s. Pour elle, chaque histoire montre que l’on ne peut réduire son métier à un acte médical…

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C’est un anniversai­re qui ne s’oublie pas. Voilà maintenant dix ans que je suis devenue sage-femme. Une belle décennie de montagnes russes ! Pendant cette période, j’ai plus appris sur l’amour qu’en parcourant bien des romans. Avec les mamans et les papas que j’ai croisés, j’ai également appris beaucoup sur la douleur, la peur, le deuil. Cependant, à l’hôpital, je me suis également frottée aux coupes, au manque de temps et à la rigueur budgétaire. Mais je m’accroche. Ce métier est trop beau pour qu’on le laisse s’abîmer…

Je n’oublierai jamais mon premier accoucheme­nt. J’avais 19 ans, j’étais étudiante et moi-même encore un peu un bébé! Je me souviens avoir plongé dans un état de sidération qui ne m’a jamais quittée: voir surgir un visage entre les jambes d’une femme, c’est incroyable! D’ailleurs, je crois que la moitié des filles de ma promotion se sont évanouies… C’est tellement fou comme expérience, et je ne m’en remets toujours pas !

Je ne sais pas pourquoi j’ai voulu faire ce métier, mais je ne l’ai jamais regretté. Quand je suis née, une sage-femme m’a sauvé la vie, peut-être m’en suis-je rappelée ? En tout cas, j’ai toujours été fascinée par ce moment du passage. Au début, je voulais devenir obstétrici­enne avant de comprendre qui pratiquait vraiment les accoucheme­nts. L’obstétrici­en est celui que l’on appelle pour les forceps ou les césarienne­s. Or, je souhaitais autre chose. Durant mes études de médecine, j’ai donc opté pour cette spécialisa­tion merveilleu­se. Moi qui voulais de l’humain, j’ai été servie ! Le gros problème d’une sagefemme est qu’elle trouve le quotidien et la vie normale parfois tièdes et plats… On ne sait jamais de quoi notre journée sera faite, on vit des émotions très fortes. Tant de tendres attachemen­ts amoureux, amicaux, filiaux ou familiaux me sont apparus au détour de scènes, de décisions, de regards, de paroles et d’actes imprévisib­les, avec une puissance que je ne soupçonnai­s pas.

Depuis que j’ai commencé, je prends des notes quasiment tous les jours sur ce que je vis. À force, elles ont fait un, deux, plusieurs livres. En effet, chaque rencontre est magique et, chaque jour, tout peut arriver ! Comment oublier Zélie qui, à la suite d’un long parcours en procréatio­n médicaleme­nt assistée, s’est finalement trouvé enceinte après être partie en voyage « pour essayer de tourner la page »? Ou Judith qui n’arrivait pas à aimer son enfant après un accoucheme­nt difficile et « une petite hémorragie », comme on dit? Il n’y a rien de petit dans un accoucheme­nt et je les ai aidés, elle et son mari, à comprendre et à se relever. Il y a aussi Suzanne que j’ai rencontrée au début de ma carrière. J’ignorais alors que notre relation serait si longue : Suzanne est l’heureuse maman de six enfants et elle a vraiment participé à ma formation ! Elle m’a appris à ne pas tenter de maquiller les faits par de dérisoires et trompeuses épithètes, à ne pas minimiser les risques ou les désagrémen­ts éventuels…

J’en ai ressenti, des joies et des peines ! Je ne peux oublier Leila et Matthias qui ont perdu leur petite Gabrielle de la mort subite du nourrisson. Ils ont traversé cette épreuve ensemble et m’ont rappelée quand, quelques années plus tard, ils lui ont donné un petit frère. Aujourd’hui, je suis persuadée qu’il faut accompagne­r le couple et pas seulement la maman. Combien de séparation­s après la naissance d’un bébé et des nuits sans sommeil? Beaucoup n’osent pas consulter alors que l’histoire est rarement vraiment terminée. C’est plus fort que moi : j’adore les histoires d’amour, avec leurs rebondisse­ments mais surtout avec des fins heureuses!

J’aime tellement mon métier que j’ai besoin de le pratiquer autrement. Oui, je l’aime, mais je vais le quitter, au moins pour quelque temps. Je vais arrêter l’hôpital, pendant quelques mois, pour travailler en libéral et réfléchir à notre avenir. Au mien, mais aussi à celui de mes collègues. Il y a, certes,

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M.

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