Maxi

TÉMOIGNAGE « J’ai décidé que je serais mère malgré tout »

Audrey a voulu fonder une famille. Mais quand, à 35 ans, elle s’est séparée de son compagnon, elle a entendu son horloge biologique tiquer de plus en plus fort…

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De jolies coïncidenc­es font parfois sourire. Un éditeur m’a proposé de publier mon histoire*… le jour même où j’ai accouché de Georgia ! Il y a des moments où les planètes s’alignent. Enfin. Mon chemin vers ma fille avait été tellement long que j’avais commencé à écrire notre histoire pendant ma grossesse. Car pour devenir mère, j’ai dû aller à l’étranger. Cela a été compliqué, mais j’ai réussi. Si je raconte aujourd’hui mon parcours, c’est pour encourager la loi et la société françaises à évoluer et à donner espoir à d’autres femmes.

Je n’ai jamais envisagé ma vie sans enfant. J’ai grandi à Versailles, dans une ville bourgeoise, où les enfants de mon école avaient tous de nombreux frères et soeurs. Pour avoir grandi seule avec ma mère, j’avais détesté le calme, les Noëls trop silencieux et les dîners d’adultes trop longs de mon enfance. Très tôt, j’ai pressenti que j’adorerais vivre dans le vacarme et l’énergie débordante d’une famille nombreuse. Cela dit, mes aspiration­s n’avaient rien d’extraordin­aire. Comme la plupart des filles de mon temps, je n’étais pas pressée non plus. J’ai fait des études, j’ai voyagé, j’ai travaillé à l’étranger et j’ai été très heureuse de vivre ces expérience­s. Je me disais, de façon assez classique, que j’aurais des enfants « à la trentaine ». Après une première longue histoire où la question ne s’est pas posée, j’ai rencontré Nicolas. J’avais 32 ans et lui 44. Il n’était pas très vieux mais avait déjà des enfants. J’ai adoré cette famille recomposée et naturellem­ent voulu l’élargir. Nous avons été très heureux jusqu’au jour où, peu avant mes 35 ans, mon monde s’est écroulé. Nicolas s’est assis sur le bord du lit et a lâché tout doucement sans me regarder : « Il faut que je t’avoue quelque chose, je crois que je ne veux pas d’autre enfant. » ll a vu mon visage défiguré de tristesse et ne m’a pas retenue. Il savait que j’allais partir et je lui ai rendu sa clé. Pour devenir maman, j’étais prête à devenir « hors-la-loi ». C’est une façon de parler, car j’ai simplement envisagé la possibilit­é de faire un bébé « toute seule » en faisant congeler mes ovocytes, ce qui était alors interdit en France, dans une clinique de Barcelone dont j’avais entendu parler.

Si je restais célibatair­e, je pourrais ainsi concevoir un enfant seule, grâce à un don de sperme. J’en ai parlé à mon gynécologu­e qui ne m’a pas encouragée. Mais je ne l’ai pas écouté. J’ai pris rendez-vous en Espagne. Entre la modernité de la clinique, la gentilless­e des hôtesses d’accueil et le médecin qui parlait français, je n’ai pas été déçue. Et, visiblemen­t, je n’étais pas la première. Le docteur m’a expliqué la marche à suivre, le traitement à prendre et même donné une liste de médecins qui pourraient me suivre à Paris ! Tout m’a paru très simple. En tout cas, je n’ai pas eu peur. J’ai surtout eu le sentiment d’avoir trouvé une solution pour déjouer mon horloge biologique.

La première interventi­on a permis de me ponctionne­r six ovocytes matures. J’ai refait un aller-retour à Barcelone quatre mois plus tard et, cette fois, la ponction en a donné neuf autres. Cela constituai­t à mes yeux une « assurance maternité » pour la suite. J’en aurais besoin. En effet, j’ai alors vécu une belle histoire avec Thomas à cette période. Mais lui aussi, divorcé et père de trois enfants, était réticent à devenir père à nouveau. J’ai donc persévéré, seule. Ce n’est pas du courage, juste de la déterminat­ion et de l’optimisme. Même si j’étais célibatair­e, je n’ai jamais douté que j’y arriverais. Sur ma route, des amis, ma famille et des médecins français m’ont conseillée et aidée à y croire… Au final, j’ai quand même mis plus de cinq ans à devenir mère. Mon parcours ne s’est pas déroulé aussi bien que je l’aurais souhaité. Aucun enfant n’est né de ce premier parcours en PMA (procréatio­n médicaleme­nt assistée). Avec le recul, je n’ai sans doute pas choisi la meilleure clinique. Je me suis lancée en 2013, à une époque où

Raconter mon histoire, c’est donner espoir à d’autres femmes

certaines informatio­ns étaient moins disponible­s qu’aujourd’hui. Pourtant, je n’ai pas renoncé. Je pensais souvent à Daphné, Athina, Achille, Gaspard, Fleur et Zoé, mes ex-« beaux-enfants ». J’avais compris pourquoi la vie les avait mis sur mon chemin. Ils m’avaient donné, sans le savoir, du carburant pour l’aventure que je vivrais un jour. Le temps passait et ma fertilité baissait. Pour devenir mère, j’ai dû me résoudre à accepter un double don de gamètes, soit un don de spermatozo­ïdes et d’ovocytes. Mais au bout de cinq ans et demi, Georgia est arrivée dans ma vie, en décembre dernier. Quand on me parle du père, je réponds toujours de la même façon, qu’il y a un donneur. Étrangemen­t, comme je l’ai portée, personne ne s’interroge sur une éventuelle donneuse. Moi, je ne l’ai pas oubliée, car je sais ce que je lui dois. Mon but sera désormais d’apprendre à ma fille à raconter son histoire avec des mots simples. Mais j’ai bon espoir, avec l’évolution de la loi, que ce sera de plus en plus facile, car c’est de plus en plus courant. Pour différente­s raisons, les femmes ont de plus en plus souvent besoin d’aide. Audrey

* Allers-retours pour un bébé, d’Audrey Page (éd. Albin Michel).

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