TÉMOIGNAGE « Grâce à Maxi, mon histoire est devenue un livre ! »
Séverine a d’abord cru à une blague quand un éditeur parisien l’a contactée, après avoir vu son reportage dans notre magazine. Mais non, il était bien sérieux, la preuve!
Parfois, il faut vraiment le voir pour le croire ! À la fin de l’été, quand le colis est arrivé, ils étaient pourtant bien là : quinze exemplaires de « mon » livre promis par mon éditeur parisien. J’en ai tout de suite distribué autour de moi, à ma maman, à mon docteur et, bien sûr et surtout, aux pensionnaires que j’accueille à la maison. Quelle drôle et belle sensation, ce soir-là, de me coucher avec mon histoire. Même si je savais ce qu’il y avait dedans, je n’ai pu m’empêcher de la relire du début à la fin, en me frottant les yeux…
Quel chemin parcouru, quand j’y repense! Enfant, je n’étais pas très scolaire. J’ai arrêté à la fin du collège et, sans diplôme, je n’ai pas eu d’autre choix que d’aller à l’usine. J’y suis restée plus de vingt ans sans y être heureuse. Mon travail était de découper des miroirs brûlants dans une chaleur épouvantable. Chaque jour, je répétais les mêmes gestes, je suivais les mêmes cadences. Ce n’était pas du tout épanouissant. C’était un métier dur, où l’on rentre chez soi à la fin de la journée complètement éreintée, physiquement mais aussi psychologiquement, surtout quand ce métier n’a pas de sens. Mais dans mon malheur, j’ai eu la « chance », un jour, d’être licenciée au retour d’un congé parental. L’entreprise avait donné ma place à quelqu’un d’autre ! C’est très violent d’être jetée comme un vieux mouchoir. Heureusement, je ne suis pas du genre à m’apitoyer. J’ai toujours vu mes parents travailler dur et la priorité, pour moi, a été de trouver un métier plus intéressant. Rapidement, j’ai eu l’idée de devenir aide à domicile en milieu rural, auprès de nos aînés. J’en avais viscéralement envie : après avoir manipulé des objets sans réfléchir, j’avais besoin de renouer avec un contact humain, plus sincère et utile. Et, très vite, ces personnes âgées ont changé ma vie. Est-ce parce que, enfant, j’ai été privée de mes grands-parents? En tout cas, j’ai toujours nourri une tendresse particulière pour elles. À leur contact, j’ai découvert le bonheur d’être utile et de lire la reconnaissance de l’autre dans un regard. C’était tellement évident pour moi que j’ai voulu aller plus loin. Et si, plutôt que d’aller chez elles, elles s’installaient chez moi ? J’en ai parlé à ma famille qui a tout de suite été d’accord.
C’est vous, M, qui avez parlé de moi en premier. Quand une journaliste m’a appelée pour me proposer de raconter mon histoire dans cette rubrique, déjà, j’ai eu du mal à y croire ! Mais j’ai accepté volontiers, car l’idée était de mettre en lumière mon travail comme famille d’accueil de personnes âgées en situation de dépendance. Cette première expérience, déjà, avait été extraordinaire. Car autour de moi, dans mon village de l’Orne, il y a beaucoup d’abonnées ! Ma mère le lit, mes amies le lisent. Votre magazine est aussi sur la table basse de la salle d’attente du docteur, car sa femme est abonnée!
Un sympathique photographe était également venu réaliser mon portrait à la maison. Je n’ai pas l’habitude, mais c’était pour la bonne cause. J’ai accepté de raconter mon parcours parce que j’espère faire naître des vocations. Je ne voulais pas spécialement parler de moi mais surtout mettre en lumière mon métier. Nous sommes environ 80 familles d’accueil dans mon département et c’est un travail merveilleux qui gagne à être connu. En plus, il y a énormément de besoins. Évidemment, c’est un métier où il faut aimer le contact humain. Il y a des moments douloureux, comme lorsque j’ai accompagné cette pensionnaire en fin de vie. Néanmoins, jamais je n’ai regretté cette reconversion. J’ai aménagé trois chambres chez moi et j’estime que mes pensionnaires font un peu partie de la famille. Il n’y a pas d’horaires fixes, c’est un métier où je donne beaucoup mais où j’ai aussi reçu tellement en retour, c’est la même chose pour mes enfants. Pour ma part, j’ai trouvé le plus beau métier de ma vie !
J’ai accepté de raconter mon parcours pour mettre en lumière mon métier
Mais mon conte de fées ne s’arrête pas là. Car, apparemment, cet article dans M et mon histoire ont convaincu un éditeur parisien de s’intéresser à mon histoire. Quand j’ai décroché le téléphone, je me suis demandé si ce n’était pas une arnaque au début. C’était la maison Flammarion qui voulait à son tour publier un livre, un vrai, sur ma vie. Sur moi? Au début, je n’ai pas compris. Je me vois comme quelqu’un de très simple, une fille de la campagne. Avais-je vraiment des choses à dire? Cet éditeur m’a assuré que oui et demandé de ne pas m’inquiéter. Il m’a aussi expliqué que je n’aurais qu’à raconter ma vie, du début jusqu’à mon travail en famille d’accueil. Et, surtout, pour écrire ce livre, je ne serais pas seule : je serais aidée par une vraie écrivaine à qui je raconterais mon histoire. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Catherine est venue plusieurs fois à la maison et nous avons sympathisé. Elle a rencontré ma famille, mes pensionnaires et réalisé un travail remarquable. Nous avons discuté pendant des heures et elle a retranscrit mes propos très fidèlement dans le livre*. Quand je lis l’ouvrage, c’est vraiment moi qui parle ! Ma principale inquiétude était de passer pour une prétentieuse, mais il n’en est rien. Tous mes proches m’ont reconnue. J’y suis comme je suis : une femme simple et juste passionnée par son métier. Séverine
* Bienvenue chez Séverine, de Séverine Bellier (avec Catherine Siguret), éd. Flammarion.