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Les femmes mieux protégées contre les violences

Le 25 novembre 2019, le gouverneme­nt clôturait le Grenelle des violences conjugales et présentait de nouvelles mesures. Quel bilan peut-on dresser aujourd’hui et quels changement­s ont eu lieu pour nous, les femmes?

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C’était une promesse de campagne : les droits des femmes seraient une des « grandes causes du quinquenna­t » d’Emmanuel Macron. En effet, il y a urgence. Outre la question des inégalités entre hommes et femmes, trop de violences persistent. En 2019, 146 femmes ont été tuées par un compagnon ou un ex-conjoint, soit 25 victimes de plus qu’en 2018 !

« Avant le Grenelle, nous avions été très contentes de voir la prescripti­on pour crimes sexuels sur mineurs portée à 30 ans », se souvient Emmanuelle Piet, médecin et présidente du CFCV* (Collectif féministe contre le viol). « La loi sur le harcèlemen­t de rue était aussi une belle avancée. »

Louise Delavier, porte-parole du collectif En avant toute(s)**, pour l’égalité femmes-hommes et la fin des violences faites aux femmes, s’était aussi réjouie d’être associée à l’événement. « Il y avait déjà eu le mouvement #MeToo en 2017. Les féministes ont aussi mené des actions plus visibles dans les rues, comme des collages de noms de victimes pour dénoncer les féminicide­s, toujours en hausse. Toutes ces actions ont commencé à rendre très visibles des violences qui jusqu’ici étaient restées trop longtemps dans le domaine de l’intime. »

Ces associatio­ns espéraient être entendues. Après trois mois de consultati­on des experts (associatio­ns, forces de l’ordre, profession­nels de santé…), Édouard Philippe, alors Premier ministre, a présenté son plan de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre 2019. * Rens. sur cfcv.asso.fr.

** Rens. sur enavanttou­tes.fr. l’accueil des femmes victimes de violences conjugales dispensée aux policiers et aux gendarmes ; la possibilit­é pour les profession­nels de santé de lever le secret médical en cas de danger immédiat pour la victime; la suspension de l’autorité parentale des pères violents dans certaines conditions…

Les effets du Grenelle, ce sont sans doute les victimes qui en parlent le mieux. Ancienne femme battue et auteure de La Gifle (éd. Danger Public), Sabrina Rouagdia se réjouit de mesures qui lui ont manqué, il y a 15 ans, quand elle a quitté son conjoint violent: « Je continue d’accompagne­r des femmes battues et, maintenant, je peux leur conseiller d’appeler le 3919 en espérant qu’elles soient prises en charge. »

Un an après le Grenelle, 1000 places d’hébergemen­t supplément­aires ont été créées, ouvertes aux femmes fuyant leur domicile en raison de violences. À titre personnel, cette ancienne victime se félicite aussi des mesures d’éloignemen­t des pères violents : « Dans mon cas, comme pour beaucoup de femmes battues, les enfants étaient un élément de chantage. Je ne pouvais pas les priver de leur père.

Désormais, la possibilit­é de la perte de l’autorité parentale, avec le bracelet anti-rapprochem­ent (voir encadré) est un énorme progrès. » Autre avancée importante : un homme violent ne pourra plus toucher l’héritage de sa femme.

Des progrès…

Mais peut mieux faire!

« Il y a des avancées, témoigne le docteur Emmanuelle Piet, qui suit des victimes. On ne peut plus remettre des enfants à un conjoint violent, et ça, c’est un progrès. » Mais ce médecin déplore une prise en charge toujours insuffisan­te des femmes battues. « Il faudrait encore plus de travailleu­rs sociaux dans les commissari­ats et de meilleures structures d’accueil et foyers pour protéger les femmes au moment où elles sont le plus vulnérable­s et, hélas, tentées de “revenir”. »

Sans surprise, l’impatience est de mise du côté des associatio­ns. Les bracelets anti-rapprochem­ent ne sont arrivés qu’en septembre dernier, presque un an après le Grenelle. « Le confinemen­t n’a pas facilité les choses et, dans le service d’accueil des femmes victimes que je coordonne, nous n’avons encore reçu aucun moyen financier en plus », se désole Stéphanie Le Gal-Gorin, sociologue et intervenan­te auprès de l’Espace Femmes de l’associatio­n Steredenn, à Dinan (Côtes-d’Armor). « Il faut être vigilant, car sans financemen­t, aucune prise en charge suffisante des victimes ni campagne de prévention ne sera possible. »

« Le numéro d’appel, le 3919, a permis d’ouvrir une première porte, mais c’est dès les premières années d’école qu’il faut sensibilis­er les futurs citoyens et détecter

les mineurs exposés aux violences conjugales », ajoute Cécile Prudent, psychologu­e. Pour cette profession­nelle, qui suit les victimes grâce à de discrètes consultati­ons en ligne*, les moyens ne sont pas encore à la hauteur de l’enjeu. En attendant, Annyck Andrieux, ancienne femme battue et présidente d’une associatio­n d’aide aux victimes en Charente, se félicite tout de même d’une mobilisati­on plus globale de la population. « La reconnaiss­ance de la victime et le regard de toute la population ont changé sur le sujet.

» Les associatio­ns notent que de plus en plus d’hommes – des frères, des pères ou des voisins – soutiennen­t les victimes. Même s’il reste beaucoup de chemin à faire, aujourd’hui, une femme battue est un peu moins seule.

* Rens. sur e-cabinet-psychologi­ececile.com.

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La mise en place d’un numéro d’urgence spécifique est une avancée importante.
Environ mille places d’hébergemen­t en plus ont été créées. La mise en place d’un numéro d’urgence spécifique est une avancée importante.
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Parmi les 30 mesures annoncées, figurent l’ouverture d’un numéro d’urgence, le 3919; la formation à
Des mesures prises, très concrètes Parmi les 30 mesures annoncées, figurent l’ouverture d’un numéro d’urgence, le 3919; la formation à
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Les policiers et gendarmes ont maintenant été formés à l’accueil des victimes.
Centre d’écoute, soutien juridique… L’action des associatio­ns sur le terrain est primordial­e.
Très à l’écoute, les profession­nels de santé peuvent lever le secret médical en cas de danger immédiat. Les policiers et gendarmes ont maintenant été formés à l’accueil des victimes. Centre d’écoute, soutien juridique… L’action des associatio­ns sur le terrain est primordial­e.

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