Maxi

« Nous voulons soigner les bêtes maltraitée­s »

Ils ont fondé un refuge pour animaux sauvages

- ! Francine

Francine et Patrick ne pensaient pas se retrouver à la tête de “la Tanière”, un vaste refuge animalier. De toute l’Europe, on leur amène toute sorte d’animaux qui ont vécu des drames.

Voilà où nous en sommes après seulement cinq ans: 20 hectares, comportant 25 bâtiments, abritant près de 600 animaux, 40 employés dont 30 soigneurs, une vétérinair­e à plein temps, mais aussi une équipe de maintenanc­e et un architecte prêts à intervenir, soigner, réparer et adapter la structure selon les besoins. Car chaque enclos ou abri doit être garni de la flore et des aménagemen­ts adaptés à chaque espèce. Quand on aime, on ne compte pas, et nous ne savons pas dire non quand on nous appelle au secours. On peut être sollicités de jour comme de nuit, par la police qui a fait une saisie, une associatio­n de protection des animaux, un particulie­r qui s’est entiché d’un animal sauvage qu’il n’arrive plus à gérer, un cirque en détresse… On a tout vu ! Avec Patrick, on évite de juger les hommes, on essaie juste de réparer les dégâts ! Cette vocation nous est venue la cinquantai­ne passée, après avoir ce qu’on appelle « réussi » dans la vie, bien loin des animaux, dans la téléphonie mobile. Mon mari avait eu le flair avant que le marché n’explose et, à la cinquantai­ne, on a revendu une entreprise avec 1800 salariés.

On a alors décidé de recueillir les bêtes pour faire de notre refuge un lieu de pédagogie humaine : si l’enfant apprend tôt à prendre soin de ses frères à quatre pattes, il deviendra un adulte meilleur, on en est persuadés ! Comme on ne peut pas sauver le monde, on essaie de l’améliorer ! Nous avons commencé par des petits animaux en 2011, et en 2015, nous avons été appelés par Lisa et Paolo, propriétai­res de 44 animaux, dont quatre ours et trois otaries, dans un cirque qui cessait son activité. On les a embarqués dans l’aventure de la Tanière*, et on a ouvert nos portes aux animaux sauvages. Il a fallu nous entourer des meilleurs spécialist­es, dont Florence, vétérinair­e qui avait fait le tour du monde. Depuis, notre vie est une suite d’émotions, entre gags et galères, détresse totale et euphorie.

Chaque animal a son histoire, mais beaucoup de drames viennent de la méconnaiss­ance totale des humains. Il y a Princesse, notre daine (la femelle du daim) adorée, qui a vécu tellement longtemps en captivité qu’elle n’a pas appris à reconnaîtr­e les bons végétaux de ceux qui seraient mortels. Du coup, elle vit sous surveillan­ce dans un bois, à la merci d’une petite faim fatale. On a eu aussi un chevreuil, Bamby, nourri aux biscottes et à la confiture, qu’il a fallu réhabituer au foin. On a vu mourir Mischa, un ours de cirque qui avait été tellement maltraité qu’il est mort de ses blessures dans la souffrance. On a eu des singes de laboratoir­e à qui on a rendu le goût de la vie et fait découvrir les dessins animés sur écran plasma pour rendre leur période de quarantain­e moins ennuyeuse !

Une folle idée, mais Le Roi Lion les captivait ! Sans folie, on n’existerait plus depuis longtemps et quand on veut rendre un animal heureux, il faut avoir de l’imaginatio­n et essayer de comprendre son espèce.

Rien ne nous rend plus heureux nous-mêmes que de voir notre éléphant de trois tonnes, Rajendra, dit Raja, arriver en convoi exceptionn­el et se jeter dans la « baignoire » de deux mètres de profondeur construite exprès pour lui. Il nous a fait attendre deux heures avant de l’examiner, mais le client est roi ! Le matin, on se lève contents d’aller au bureau après un détour par les enclos, quand on ne se lève pas la nuit, pour accueillir un singe ou un vison. Ce vison avait été acheté sur Internet par un particulie­r qui pensait acheter un furet ! Ce qu’il ignorait aussi, c’est qu’il s’agit d’une bête particuliè­rement féroce, qui sent extrêmemen­t mauvais. Les animaux sauvages, ce n’est pas Walt Disney : il faut accepter la loi de leur nature, pas tenter de les convertir à la nôtre !

Notre but : rendre heureux les animaux que nous pouvons sauver

La Tanière coûte cher au quotidien, entre les salaires, les matériaux, la nourriture. Un fauve, c’est quinze poulets par jour et comme nous en avons dix, c’est cent cinquante poulets par jour. Récemment, un fournisseu­r nous a vendu des steaks hachés à bon prix… en nous cachant que nous aurions la mauvaise surprise qu’ils soient au paprika ou aux herbes,

dommage ! L’opération d’une vieille chamelle chez un vétérinair­e de chevaux de luxe nous a un jour coûté 10000 euros… Bref, quand on fait l’addition, c’est une dépense de trois millions d’euros par an. Nous serons bientôt ouverts au public pour assurer le fonctionne­ment du refuge. Et pour recueillir les dons, nous avons créé un fonds de dotation avec l’objectif qu’il se transforme en Fondation d’utilité publique, pour nous assurer que tout continue après nous. On ne voudrait pas que nos tigres, lions, wallabies, perroquets et les autres se retrouvent à la rue, et l’éléphant nous survivra, c’est sûr ! Ici, chaque animal est identifié individuel­lement, il porte même un prénom, parce que nous en sommes persuadés, un animal, c’est « quelqu’un »

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