C’EST D’ACTUALITÉ Le rôle clé des beaux-pères d’aujourd’hui
En France, la grande majorité des beaux-parents sont… des hommes. Ils vivent avec les enfants de leur compagne, souvent plus jeune, et essayent de trouver leur place.
Si les contes et les films mettent plus souvent en scène des familles recomposées avec une belle-mère, souvent une horrible marâtre, la réalité est assez différente. En effet, dans notre pays, sur les 800000 beaux-parents vivant avec des enfants nés de l’union précédente de leur actuel conjoint, 73 % sont des hommes*, qui inventent chaque jour leur nouveau rôle.
Des hommes à la tête d’une véritable tribu
La France compte 723000 familles recomposées, c’est-à-dire formées d’un couple et d’au moins un enfant de moins de 18 ans issu d’une union précédente. Environ 11 % des petits Français vivent dans ce type de famille, un chiffre qui a doublé depuis les années 1980**. Aujourd’hui, les
beaux-pères sont presque trois fois plus nombreux (584000) que les belles-mères (212000), car lorsque les parents se quittent, les femmes obtiennent en grande majorité la garde des enfants. « Je vois plus les enfants de ma compagne, qui habitent avec nous une semaine sur deux, que mes deux filles, qui ne viennent que lors des vacances scolaires », assure Sti, auteur, illustrateur et scénariste de BD, qui publie un album autobiographique sur le thème de la famille recomposée (voir encadré page ci-contre). Comme Sti, les beaux-pères sont souvent à la tête d’une véritable tribu : « 38 % des familles recomposées comportent trois enfants ou plus, contre seulement 21 % des familles “traditionnelles”, explique Kilian Bloch, chercheur à l’Insee*. Les beauxpères ont en moyenne 43 ans, contre 39 ans pour les bellesmères, et ils sont bien plus âgés que leur compagne. » Une chose est sûre au regard des différents chiffres : être un beau-père n’est plus une situation exceptionnelle aujourd’hui. Et cela peut contribuer à leur acceptation plus facile. « Mon fils Martin, 11 ans à l’époque, a plutôt bien vécu l’arrivée de Pierre dans notre foyer, car un de ses très bons copains avait aussi un beau-père, raconte Judith, 51 ans, qui s’est remise en couple, il y a quatre ans, après un divorce. Il connaissait donc ce statut particulier. Cela lui a permis de comprendre que mon nouveau compagnon allait vivre avec nous au quotidien, mais qu’il n’allait pas “piquer” la place de son papa. »
Une implication quotidienne
Au cours des siècles précédents, la belle-mère ou le beau-père jouait véritablement le rôle du parent. « À cette époque, on devenait beaux-parents suite à un veuvage : il s’agissait de conditions dramatiques et il fallait remplacer le (ou la) disparu(e) auprès des enfants et au sein du foyer, remarque Émilie Devienne, coach (emilie-devienne.com) et auteur des 50 règles d’or de la famille recomposée (éd. Larousse). Aujourd’hui, les beaux-pères peuvent cumuler le rôle de père, avec leurs propres enfants, et celui de beaux-pères avec ceux de leur compagne. Une place définie, avec elle, en fonction des modalités du quotidien : le père des enfants est-il présent dans leur vie ? À quelle fréquence viventils dans leur foyer ? Le couple s’est-il engagé à long terme, par un mariage ou l’arrivée d’un nouvel enfant ? Autant de facteurs qui déterminent l’implication du beau-père auprès des enfants qui ne sont pas les siens. »
« Au départ, j’avais une vision idyllique de la famille recomposée et de mon rôle de beaupère, confie Sti. Puis j’ai compris qu’avec ma compagne, nous ne serions pas d’accord sur tout. Contrairement à elle, je suis strict sur la tenue des repas mais permissif sur l’heure du coucher, par exemple. Chacun a appris à mettre de l’eau dans son vin, à trouver sa place. Désormais ça se passe superbien. »
À l’image des papas d’aujourd’hui, les beaux-pères jouent souvent un vrai rôle auprès des enfants de leur compagne, surtout lorsqu’ils partagent le même toit. « Je les amène à l’école, chez le médecin, je les console, leur lis des histoires… comme je le ferais avec les deux miens, raconte Sti. En revanche, je ne me mêle pas leur éducation et je n’interviens directement pas en cas de conflit, car c’est à leur maman de trancher. » Autre approche : « Après quelques mois pour l’apprivoiser, Pierre a réussi à trouver sa place auprès de Martin, se réjouit Judith. Comme il n’a pas d’enfant, il connaît les joies de la paternité grâce à cette relation. Ils sont passionnés de foot et cela crée une complicité ! »
Aucun statut officiel…
Même si certains beaux-pères sont très engagés avec leurs beauxenfants, ils n’ont aucune reconnaissance officielle. En France, une belle-mère ou un beau-père n’a ni droits ni devoirs envers les enfants de son conjoint, même s’il s’en occupe au quotidien et qu’ils ont tissé des liens forts. « Je trouve ça fou que mon conjoint, qui participe activement à l’éducation de mon fils ne soit pas reconnu comme tel, s’indigne Judith. En principe, il n’a même pas le droit de l’emmener chez le médecin ou d’aller le chercher au collège en cas d’urgence ! Il faudrait qu’il y ait un statut pour ces cas particuliers qui concernent de si nombreuses familles. »
En 2009, des parlementaires avaient rédigé une proposition pour modifier la loi, mais celle-ci n’a pas abouti. Or, 79 % des Français sont favorables à la création d’un statut de beau-parent pour les familles recomposées***. Toutefois, dans certains cas, la justice peut accorder une « délégation d’autorité parentale » au conjoint, si l’un des parents est incapable de l’élever à cause de sa situation matérielle ou de son état de santé. Mais il s’agit d’une procédure exceptionnelle. Autre cas de figure, la « délégation partage » permet au père ou à la mère, ou aux deux, de demander au juge
des affaires familiales de partager leur autorité parentale avec un tiers. Une procédure sutout utilisée par les couples homosexuels qui élèvent ensemble un enfant. « Je me fiche d’avoir un statut ou pas, assure Sti, je me sens responsable d’eux, heureux de les aider à avancer dans la vie. Je les aime profondément : nous formons une vraie famille, ils sont bien plus que les enfants de ma compagne ! »
*Étude Insee Première, 2020.
**Centre d’observation de la société, 2020. ***Sondage « La Famille en mutation », Harris Interactive pour La Parisienne, 2015.