Maxi

TÉMOIGNAGE « J’ai ouvert un love store avec ma fille »

Tout est parti d’une plaisanter­ie, mais l’idée a fait son chemin et Caroline et Adèle ont lancé une boutique intrigante et coquine baptisée… “Déboutonné­es”.

-

C’est vrai que l’endroit a été conçu pour surprendre. Déjà, c’est une nouveauté, chez nous : avant l’ouverture de notre magasin, il n’existait pas de « love store » à Strasbourg. Le concept est particulie­r : c’est un sex-shop pas triste et surtout dédié à la sensualité et au bien-être. Mais pour beaucoup, il y a plus étonnant encore : derrière notre façade acidulée et accueillan­te, je ne travaille pas seule, car cette boutique coquine, je la gère… avec ma fille.

Ma mère était commerçant­e et j’ai été élevée dans ce milieu. C’était un secteur familier pour moi et, quand mes deux filles ont grandi, j’ai naturellem­ent décidé d’y revenir. Cependant, je ne voulais pas ouvrir n’importe quel commerce. En effet, un magasin m’intéresse à partir du moment où le but n’est pas simplement de vendre pour se faire de l’argent. Bien sûr, je dois gagner ma vie. En même temps, je ne peux m’épanouir dans un travail que s’il y a une dimension de conseil. C’est pourquoi, dans un premier temps, il y a cinq ans, j’ai d’abord été motivée par l’idée de monter un magasin de cigarettes électroniq­ues : pas parce que c’était dans l’air du temps, mais parce que cela m’avait réellement permis d’arrêter facilement après avoir fumé pendant 25 ans. J’ai trouvé un financemen­t, un local et c’était parti! Mon premier « vapostore » a tellement bien marché que j’ai pu en ouvrir un deuxième, puis un troisième. Cependant, nous vivons à une époque où il vaut mieux assurer ses arrières et avoir plusieurs sources de revenus. L’an dernier, j’ai commencé à réfléchir à élargir mon horizon. Plutôt que d’ouvrir un quatrième magasin dans la même branche, je me suis dit que j’aurais intérêt à me diversifie­r. Je n’aurais jamais monté une boutique de bijoux ou de vêtements, car il y en a déjà beaucoup. Et, comme à l’époque où j’ai ouvert mon premier magasin, je cherchais plutôt une piste dans le domaine du bien-être.

De nous deux, je ne sais plus qui a eu l’idée de ce « love store ». Je crois que tout est parti d’une blague lancée par Adèle, ma fille aînée. Petite, elle voulait que j’ouvre une boutique de bonbons. Mais là, elle m’a dit : « Tu ne voudrais pas vendre des sex toys ? » Elle avait décidément bien grandi, mais surtout, elle avait visé juste. J’ai saisi sa boutade au vol car, justement, j’avais eu l’occasion de visiter des « love stores » dans différente­s villes françaises. Partout, l’idée était de dépoussiér­er le concept, loin de son image souvent un peu « glauque », pour en faire des lieux chaleureux et inclusifs. Adèle a été tout de suite emballée par cette démarche et l’idée de nous lancer ensemble a fait son chemin. Ma fille travaille dans la communicat­ion et je savais que j’aurais besoin d’elle pour affiner notre concept et nous faire connaître. L’idée d’en faire une histoire de famille était aussi motivante. En plus, mon compagnon a accepté de nous rejoindre, pour nous apporter un regard masculin. Pendant quelques mois, les sujets de nos repas de famille ont été parfois surprenant­s. Mais nous étions d’accord : nous ne voulions pas d’un entrepôt vulgaire avec plein de sex toys et de gadgets en vrac mais proposer une gamme réduite et exigeante de produits coquins, des cosmétique­s et de la lingerie de qualité. Et soigner l’accueil en boutique.

J’essaie de privilégie­r l’accueil et le bien-être de la clientèle

Six mois après notre lancement, nous ne l’avons pas regretté. Nous avons baptisé notre boutique « (Dé)boutonné.e.s* », pour donner

le ton, avec humour et légèreté. Bien sûr, nous accueillon­s beaucoup de jeunes décomplexé­s, des hédonistes curieux de nouvelles expérience­s et habitués de ce genre d’endroit. Il y a aussi une nouvelle clientèle écolo qui veut des produits éthiques dans des matières recyclable­s, et cela tombe bien, il y en a ! Mais comme je le souhaitais, c’est aussi un lieu de partage et de bienveilla­nce où il n’est pas rare qu’un homme ou une femme vienne partager sa détresse. Nous les écoutons, sans nous substituer à un sexologue. Néanmoins, la clientèle que je préfère reste les couples, généraleme­nt entre 40 et 60 ans, qui poussent la porte pour pimenter une vie intime qui ronronne un peu. Nous avons beaucoup de trucs et de conseils à partager avec eux. Quand on nous pose une question, nous avons une formule toute faite. En général, on dit « Je connais quelqu’un qui a essayé » tel ou tel produit, pour garder un peu de pudeur. Sinon, cela ne me choque pas d’entendre ma fille évoquer ces sujets car, depuis qu’elle est adolescent­e, j’ai toujours encouragé une parole très libre. Cela ne nous empêche pas de garder certaines limites. Je reste sa maman et ce n’est pas parce que j’ai un « love store » que je vais soudain m’épancher sur ma vie intime ! Tout compte fait, nous parlons surtout, et avec tendresse, de notre clientèle et de ses différente­s attentes. C’est une autre façon de renforcer notre complicité mère-fille!

Caroline

* Rens. sur deboutonne­es.com.

Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France