C’EST D’ACTUALITÉ Le succès croissant des achats en vrac
Autrefois cantonnée à quelques produits alimentaires et aux magasins bio ou spécialisés, la vente de produits au détail ne cesse de gagner du terrain.
Aujourd’hui, plus un supermarché, un commerce de proximité ou une enseigne bio sans son rayon de produits en vrac. Depuis l’apparition des silos en libre-service de céréales, qui furent les premières denrées à nous séduire, l’offre s’est élargie. Elle permet désormais aux plus vertueux de faire presque toutes leurs courses sans emballages superflus. Surfant sur cet engouement, des magasins spécialisés et même une chaîne franchisée de près de soixante-dix épiceries de vente uniquement en vrac nous permettent désormais de faire nos courses autrement.
Une progression très rapide
Même si elle constitue encore un marché de niche (seulement 0,75 % des produits secs sont vendus sans emballages*), la vente de produits en vrac est en plein essor. De dix-huit magasins spécialisés en 2015, nous sommes passés à plus de quatre cents aujourd’hui et 80 % des hypermarchés ont un rayon dédié. Pionniers, les produits bio ne sont plus les seuls à être proposés sans emballage. Auchan, l’un des premiers groupes de grande distribution à s’être lancé, propose ses premiers prix en vrac, tandis que d’autres enseignes ont élargi leur gamme aux liquides, croquettes pour animaux, détergents… Des centaines de références sont disponibles.
« Les débuts de la vente en vrac dans les supermarchés remontent aux années 2000, mais ils ont été difficiles, explique Didier Onraita, cofondateur et directeur du réseau d’épiceries en vrac Day by Day. L’activité n’était pas rentable. Elle
demandait beaucoup de maind’oeuvre et les consommateurs étaient méfiants. Il a fallu gagner leur confiance. » Une petite révolution qui s’est mise en route à bas bruit, portée par notre prise de conscience écologique et la nécessité de limiter nos déchets.
Aujourd’hui, quatre foyers sur dix déclarent acheter des produits en vrac. Plus de la moitié des achats se font en grandes et moyennes surfaces contre 44 % en magasins bio, 20 % sur les marchés et 18 % dans les épiceries. Entre 2018 et 2019, les ventes de produits en vrac ont bondi de 41 %, et devraient plus que doubler d’ici 2022**. Cette tendance n’est pas près de s’arrêter puisqu’une loi favorisant la vente en vrac a été promulguée début 2020 (voir encadré) et, en juin dernier, le gouvernement a retenu la proposition de la convention citoyenne, de mettre à disposition des consommateurs 50 % de produits secs et liquides en vrac dans les magasins d’ici 2030.
Un choix qui s’élargit
Si nous sommes encore plus de 60 % à penser que l’offre de produits en vrac est trop limitée**, cela devrait changer. Les épiceries tout vrac se multiplient et une chaîne de magasins franchisés, Day by Day, a vu le jour, avec près de soixante-dix magasins de centre-ville, proposant jusqu’à sept cent cinquante références. Si les céréales du petit déjeuner sont en tête des ventes, les produits d’hygiène et de droguerie sont en forte augmentation. Idem dans les supermarchés comme Carrefour, qui développe des espaces vrac. Les groupes Casino et Intermarché systématisent eux aussi ce type de rayon, avec parfois des offres élargies aux liquides (vin, huile, vinaigre, etc.), aux cosmétiques et aux détergents. Auchan offre la gamme la plus large, avec un record de quatre cent quatre-vingts bacs pour son magasin de Toulouse. La grande distribution n’est pas le seul secteur à s’intéresser au vrac. La marque Nestlé a ouvert en Suisse, à titre expérimental, un magasin proposant plusieurs de ses produits en vrac, du Nescafé jusqu’aux croquettes pour animaux. Nivea fait de même en Allemagne et la marque Yves Rocher propose ainsi du liquide bain-douche dans trois de ses magasins parisiens.
Encore des efforts à faire
La vente en vrac a cependant encore des défis à relever. En effet, parmi les freins à l’achat, l’Observatoire du Rayon Vrac** pointe le prix (37 % des personnes interrogées), l’hygiène (29 %), l’aspect peu pratique (28 %), le manque d’informations sur les produits (28 %), l’absence des grandes marques (20 %). Des éléments également soulignés par Que Choisir*, qui note de grandes disparités tarifaires selon les enseignes et les produits. Ainsi, si les denrées en vrac sont globalement
6 % moins chères que leurs équivalents emballés, l’association a remarqué que les pâtes et le riz sont en général plus chers en vrac, tandis que les légumineuses, les fruits secs et les céréales du petit déjeuner sont plus économiques sans emballage. Outre le prix, l’hygiène et l’information sur les produits font partie des priorités des magasins Day by Day, où les bacs sont régulièrement lavés et désinfectés. « Sur chaque bac se trouve une grande étiquette pour les informations légales et celles du produit. Les clients peuvent aussi les retrouver sur notre site, ainsi que des idées de recettes », explique Didier Onraita. Côté emballage, les disparités sont grandes. Selon le cas, on vous proposera de venir avec vos contenants, d’utiliser des sachets en papier (recyclables ou non!), des poches en tissu, des bocaux déposés par les clients et lavés par le magasin
avant d’être mis gracieusement à disposition de tous, des bouteilles consignées, etc. Marianne, elle, réutilise plusieurs fois les sachets papiers de son primeur. Chez Mamie Marie, à Lyon, les clients amènent leurs propres contenants qu’ils pèsent avant de le remplir, pour ne payer au final que le contenu, au gramme près. D’autres encore imposent une quantité minimum pour limiter le nombre de petits sachets.
Il semble que le système idéal ne soit pas encore totalement trouvé et certains supermarchés peinent à limiter les pertes. Livrés à eux-mêmes, les clients ne sont pas toujours disciplinés. L’emballage, la pesée et l’étiquetage peuvent générer des pertes importantes, difficiles à contrôler. Affaire à suivre.
* Enquête de Que Choisir du 18 août 2020.
** Observatoire 2020 du Rayon Vrac.
Win Minute, éditions Dauvers.