Maxi

TÉMOIGNAGE « J’ai toujours réussi à aller de l’avant »

Atteinte de nanisme et abandonnée à la naissance

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Sans jamais trahir sa famille, Sonia a tout fait pour retrouver ses parents biologique­s. Malgré les embûches et les déceptions, la jeune femme de 37 ans a obtenu les réponses à ses questions. Et peut désormais mieux embrasser l’avenir!

C’est un devoir d’anglais en 5e qui a éveillé en moi les premiers questionne­ments : cela commençait par I look like (je ressemble à… NDLR) et chaque élève devait écrire un texte pour dire à quel membre de sa famille il ressemblai­t. Or, je savais depuis toujours que j’avais été adoptée à 15 mois. Ce sujet n’était pas tabou chez mes parents, qui avaient adopté cinq enfants dont moi et en avaient deux biologique­s. En revanche, pas question d’évoquer la quête des origines. Ma mère avait du mal à le supporter.

Devant un reportage sur des personnes qui recherchai­ent leurs parents biologique­s, ma mère avait commenté : « Mais qu’est-ce qu’ils ont besoin d’aller chercher tout ça ? » Dans son esprit, rechercher ses origines équivalait à dire : « Tu n’es pas ma vraie mère. » Or, elle nous consacrait tant de temps et d’énergie, et nous était tellement dévouée que je n’avais pas le coeur d’argumenter pour lui expliquer combien cette quête était importante pour moi. Ce jour-là, devant mon devoir d’anglais, elle m’avait dit que je pouvais mettre en valeur les points communs que j’avais avec elle ou mon père. Elle ne comprenait pas mon questionne­ment profond. Durant toute mon adolescenc­e, tout ce que je savais, c’est qu’après ma naissance, j’étais allée en pouponnièr­e médicalisé­e, car je souffrais d’un handicap, une forme spéciale de nanisme, et on ne savait pas si j’allais pouvoir marcher. Mes parents biologique­s avaient eu un an de réflexion pour savoir s’ils me gardaient ou m’abandonnai­ent. Ils avaient fait leur choix et je ne les ai jamais jugés. Enfant, j’ai été moquée par ceux de mon âge et j’ai subi des humiliatio­ns de la part des adultes : à 14 ans, je participai­s à une chorale où il est de mise de mettre les plus petits devant. Du haut de mon 1,10 m, j’étais la plus petite des choristes. Pourtant, en me voyant au premier rang, la cheffe de choeur m’avait demandé de me mettre derrière. J’avais très bien perçu dans son regard combien il était impossible pour elle que les spectateur­s me voient au premier plan! Ma vie est parsemée d’événements comme celui-ci, mais je n’ai jamais voulu m’appesantir dessus pour pouvoir aller de l’avant.

Grâce à mon carnet de santé qui me suit depuis la naissance, j’ai pu faire une de mes premières découverte­s : en grattant une étiquette sur laquelle était inscrite mon identité, j’ai vu apparaître mon prénom et mon nom d’origine. À l’époque, il y avait un Minitel à la maison. J’ai donc tapé ce nom de famille et j’ai vu les adresses et numéros de téléphone de nombreuses personnes. Mais je me suis immédiatem­ent sentie coupable vis-à-vis de mes parents et je ne suis pas allée plus loin. Pourtant, dans mes nuits, deux rêves se côtoyaient : celui où je voyais ma mère de naissance, elle avait les mêmes cheveux frisés que moi, et celui où je courais pour fuir quelque chose. Ces deux rêves ont cessé quand j’ai rencontré mes deux parents biologique­s. J’ai attendu d’être adulte et d’avoir quitté la maison pour entreprend­re des démarches. C’était en 2005. En voyant mon nom dans l’annuaire, un cousin éloigné de mon père m’avait appelée pour savoir si nous étions bien de la même famille. Je lui avais répondu par l’affirmativ­e en lui précisant que nous n’avions pas les mêmes gènes. Je ne sais pas pourquoi ce coup de fil a réactivé mon désir de rechercher mes origines, mais j’ai formulé une demande auprès du conseil départemen­tal de mon lieu de naissance.

Être informée de mon passé m’a permis d’envisager mon avenir

Six mois plus tard, j’allais dans les locaux pour découvrir mon dossier. Soulagée, j’ai pu lire que j’étais née d’un couple uni (qui avait divorcé ensuite), et non d’un viol comme je l’avais parfois redouté. Dans mon dossier, j’ai découvert une lettre manuscrite de ma mère de naissance : nous avions la même écriture. Ce

détail m’a bouleversé­e. J’ai demandé à la rencontrer, ce qu’elle a accepté. Dans les films, on montre souvent ces retrouvail­les avec beaucoup de romantisme : parents et enfants se tombent dans les bras, pleurent et s’embrassent. Cela n’a pas été mon cas. Même si nos rencontres se sont toujours bien déroulées, nous avons toujours été un peu sur la réserve! Lors de notre première entrevue, j’ai offert à ma mère biologique un album photo de moi qui retraçait toutes les années passées. Je voulais la rassurer : qu’elle sache que j’avais eu une enfance et une adolescenc­e dans une famille aimante. Pendant un an et demi, nous avons ainsi maintenu un lien. Puis, un jour, elle a souhaité y mettre un terme. Elle ne parvenait pas à me considérer comme sa fille : elle avait abandonné un bébé et elle retrouvait une femme. Trop de temps avait passé. Sur le moment, j’ai eu le sentiment d’être abandonnée une seconde fois. J’ai aussi retrouvé mon père et nous nous sommes vus durant quelque temps : il regrettait mon abandon, disait-il, qu’il avait accepté sous la pression de ma mère. Il revenait tout le temps sur ce passé, ce qui nous empêchait de construire une relation. Cette fois-ci, c’est moi qui ai mis un terme à nos rencontres. Ma famille était là. J’avais mis mes parents au courant et avec le temps, ils avaient compris que ce n’était pas du désamour pour eux : j’étais leur fille et je le resterai toute ma vie. J’avais juste eu besoin de retrouver mes parents biologique­s pour obtenir des réponses. Désormais, je peux dire à qui je ressemble et d’où je viens! Sonia. Sonia a fait un très beau film sur la quête des origines. Rens. sur carminos-production.com, voir l’onglet Rencontre(s).

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