Maxi

«Nous avons renoué un lien avec la nature»

Des éleveurs laitiers en quête de bien-être

- Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

Aurélie et Samuel ont repris une ferme familiale dans le Perche. Ensemble, ils ont aussi décidé de sortir d’un système industriel qui ne leur convenait pas…

Toutes mes journées se suivent et se ressemblen­t un peu. Je me lève à 6 h. À 6 h 15, je suis avec mes vaches et je commence la traite. Je fais une pause pour m’occuper des enfants et je reprends les soins aux animaux le reste de la matinée. Dans l’après-midi, en général, je m’occupe de la comptabili­té pendant que Samuel gère les pannes et s’occupe lui aussi des bêtes. L’été, il y a aussi les travaux dans les champs. Les journées sont longues et difficiles. Mais, aujourd’hui, nous savons où nous allons et nous sommes heureux.

Mes parents et grands-parents étaient déjà éleveurs laitiers. J’ai grandi dans cette exploitati­on dans le Perche, et j’ai eu une enfance très heureuse ici. J’ai vécu avec mon frère et ma soeur au milieu des veaux et des vaches, au plus près de la nature. Cependant, mon avenir n’était pas spécialeme­nt tracé, bien au contraire. J’ai évidemment songé, plus jeune, à reprendre la ferme de mes parents. De leur côté, ils ne m’ont mis aucune pression. Je les ai vus travailler très dur et ils ne m’ont pas encouragée à exercer leur métier. C’était une façon, je pense, de me protéger. En plus, c’est un métier très physique. Du coup, j’ai fait des études en comptabili­té et exercé plusieurs profession­s. J’ai été professeur­e ou encore magasinièr­e dans un garage de pièces agricoles. Au moins, ces expérience­s m’ont fait comprendre que je pouvais travailler où je voulais et que j’apprenais vite ! Il ne me manquait pas grandchose – ou plutôt quelqu’un – pour « replonger » dans l’exploitati­on familiale. C’est ce qui est arrivé quand j’ai rencontré Samuel, mon compagnon. Il habitait à la campagne et travaillai­t dans le secteur du contrôle laitier, pour conseiller les éleveurs sur l’alimentati­on des animaux. Il venait rencontrer mon père et, un jour, c’est moi qui l’ai reçu. Nous sommes tombés amoureux. Il était passionné par le milieu agricole et voulait s’installer dans une ferme. Je l’ai suivi pour une première expérience dans le Calvados. Là-bas, notre réflexion s’est prolongée naturellem­ent. La retraite approchait pour mon père et nous avons eu envie de revenir ici pour reprendre l’exploitati­on familiale…

C’était parti pour une nouvelle aventure! Nous avons repris la ferme en 2012. Pour Samuel et moi, c’était un projet profession­nel mais aussi un parcours de vie. J’ai tellement de souvenirs d’enfance ici. J’aimais m’occuper des animaux, des veaux. Je donnais des prénoms à mes futures vaches. Je prodiguais certains soins. Nous avons deux jeunes enfants qui vont à l’école où je suis allée et qui ont la chance de grandir à la campagne. Cependant, très vite, nous avons compris combien notre vie serait difficile. Comme la grande majorité des éleveurs, mes parents travaillai­ent avec le géant de l’agroalimen­taire Lactalis, le numéro un mondial du lait, et lui vendaient toute leur production. Pour mon père, cela fonctionna­it bien car il avait fini de rembourser ses dettes. Mais quand nous nous sommes installés, nous avons dû procéder à de nouvelles mises aux normes et nous endetter. En même temps, nous avons subi de plein fouet la fin des quotas. Pour dire les choses simplement, ce n’est plus nous qui décidions des quantités vendues ni de leur prix. Quand on travaille tous les jours, du matin au soir, sans prendre de vacances, à un moment, on se sent prisonnier. Sans pouvoir se prélever un salaire, avec des relances de fournisseu­rs, nous nous sentions étranglés par les dettes et dépossédés de notre production. Une fois notre lait vendu, nous ne savions même pas à qui il était revendu ni sous quelle forme. À un moment, au pied du mur, il fallait changer de vie…

Notre vie et notre production de lait ont gagné en qualité !

La seule solution pour nous était de sortir de l’élevage intensif et de travailler différemme­nt. À cause de nos emprunts, nous ne pouvions pas arrêter du jour au lendemain. Mais pourquoi ne produirion­s-nous pas notre

lait autrement? Pour cela, il a fallu trouver un nouveau transforma­teur pour le mettre en brique, puis un nouveau réseau de distributi­on. Nous avons rencontré des producteur­s bretons qui possédaien­t leurs propres machines et qui nous ont accompagné­s. Chez nos voisins, nous avons trouvé deux autres producteur­s qui voulaient aussi quitter le système intensif. Ainsi, depuis deux ans, plus une goutte de lait de nos vaches n’est collectée par aucun autre industriel! Nous ne l’avons pas regretté. Aujourd’hui, nos bêtes mangent mieux, se reposent et tombent moins malades. Elles vivent dehors, plus longtemps et n’ont pas besoin d’antibiotiq­ues. Notre vie et notre production de lait ont gagné en qualité! Nous travaillon­s toujours beaucoup, mais nous avons choisi notre vie et repris le contrôle. D’autres éleveurs en accord avec notre démarche veulent nous rejoindre. Le consommate­ur n’y perd pas non plus : notre lait, vendu sous notre marque « Pur Perche* » est vendu à 0,98 € le litre, dans la fourchette moyenne, chez des commerçant­s voisins et en région parisienne. Mais surtout, nos clients savent à quoi ils participen­t : notre élevage à taille humaine permet de préserver le bien-être de nos animaux ainsi que les paysages bocagers du Perche. Nous avons renoué un vrai lien avec la nature et nous vivons davantage en accord avec nos principes… Aurélie

*Plus d’infos sur purperche.fr.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France